Terreur Point.com – William Malone
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FeardotCom. 2002.Origine : Allemagne, États-Unis, Luxembourg et Royaume-Uni
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Pendant neuf mois, l’inspecteur Mike Reilly a inlassablement tenté de mettre la main sur Alistair Pratt, un médecin qui depuis sa radiation s’est reconverti en implacable tueur en série. Neuf mois à voir alignés les cadavres sans que son enquête n’avance d’un pouce. A tel point que celle-ci a été confiée au FBI, sans que les progrès ne soient plus patents pour autant. Heureusement pour Mike, ce ne sont pas les affaires sordides qui manquent à New York. Après la découverte d’un premier cadavre retrouvé dans le métro les yeux injectés de sang puis l’irruption d’un jeune allemand présentant les mêmes symptômes au poste de police, il craint une épidémie. Afin d’en avoir le cœur net, il requiert l’expertise de l’inspection sanitaire qui lui envoie Terry Huston. En dépit des décès conjugués de l’étudiant en cellule et de sa copine, retrouvée morte à leur domicile, elle est formelle, ils ne courent aucun risque épidémique. A force de se triturer les méninges, ils en arrivent à la conclusion que toutes les victimes avaient traîné sur le site internet FeardotCom avant de mourir. Une malédiction semble planer sur ce site.
Depuis H.A.L., l’ordinateur de bord dans 2001, l’odyssée de l’espace, le cinéma tire la sonnette d’alarme à propos de l’intelligence artificielle et de la place toujours plus conséquente qu’on lui accorde dans nos existences. De Le Cerveau d’acier à Terminator et ses suites, en passant par Wargames, les exemples sont aussi nombreux qu’unanimes sur le sort funeste qui nous attend. Mais il n’était alors question que de logiciels à usage militaire ou dédiés à la recherche donc bien loin de nos préoccupations quotidiennes. Et puis l’outil informatique a fini par entrer en masse au sein des ménages, gagnant en importance à mesure de l’essor d’internet. Passé au rang d’objet incontournable, comme le deviendra le téléphone portable par la suite, l’ordinateur et son contenu deviennent le centre névralgique de nombreux thrillers comme Soleil levant ou Traque sur internet. Le cinéma d’horreur ne pouvait pas être en reste. Dans son usage scientifique, cela donne Le Cobaye de Brett Leonard en 1992, variation autour du mythe de la créature de Frankenstein inspiré d’une nouvelle de Stephen King. Et dans son usage domestique, Rachel Talalay réalise Ghost in the Machine autour d’un tueur en série dématérialisé qui passe par les câbles adsl pour accomplir ses méfaits. Là encore rien de révolutionnaire puisque le film ne fait que remettre au goût du jour les recettes employées par James Isaacs et Wes Craven, respectivement dans House III : The Horror Show et Shocker, l’ordinateur se substituant au téléviseur. C’est peu ou proue ce que fait Terreur Point.com. Par sa manière de se diffuser, l’espèce de malédiction à l’œuvre entretient des correspondances avec le modus operandi de Sadako dans Ring. On retrouve dans les deux cas l’importance du regard (ce que les personnages voient les hante) et l’idée d’un compte-à-rebours immuable entre le moment où ils découvrent là le contenu d’une cassette-vidéo, ici celui d’un site internet, et leur mort irrémédiable. Le spectateur part donc en terrain connu, ce qui rend la tâche de William Malone d’autant plus ardue.
Un rapide coup d’œil au générique de Terreur Point.com aurait de quoi glacer les sangs de l’amateur de cinéma d’horreur le plus aguerri. On doit l’histoire du film à Moshe Diamant. Un nom qui brille de mille éclats mais qui une fois qu’on s’est penché sur le CV du bonhomme prend des airs de contrefaçon. Plus habitué à œuvrer au sein des équipes de production (Les Clowns tueurs venus d’ailleurs, Lectures diaboliques, L’Ambulance), il s’abandonne parfois à griffonner quelques histoires pour un résultat consternant (Simon Sez, triste tentative d’imposer l’ex basketteur Dennis Rodman en héros d’action face à Filip Nikolic, l’ancien membre des 2be3). Développée ensuite par deux scénaristes à l’expérience proche du néant – Joséphine Coyle et Holly Payberg-Torroija – le postulat du film de William Malone joue sur le mélange des genres. Avec son tueur en série officiant dans des lieux glauques et à l’abandon, ce New York pluvieux et son flic en bout de course, Terreur Point.com s’inscrit prestement dans le sillage du Silence des agneaux, Se7en et consorts. Toutefois, il apporte un soupçon de nouveauté dans sa manière de dépeindre les sévices que Allistair Pratt inflige à ses victimes, de préférence féminines. Porté sur le sadisme, le médecin radié développe une méthode bien à lui afin de passer auprès de ses victimes non pas pour un tueur mais plutôt comme un sauveur. Il les torture juste ce qu’il faut pour qu’elles ne lui claquent pas entre les doigts et qu’il leur reste suffisamment de force pour lui demander grâce. Une argumentation assez gonflée visant à s’acheter une conduite qui va de pair avec sa manière d’instrumentaliser les utilisateurs d’internet. Allistair Pratt les considère commes des asociaux à la limite de la perversion, ce dont atteste le succès de son site, refuge de voyeurs de tous poils. En somme, il se met en scène avec délectation, s’adonnant à ses péchés mignons – la torture et le meurtre – sous couvert d’une demande toujours grandissante. Il ne serait donc que le fruit d’une société malade emplie de pervers, le bras armé de tous ces anonymes friands d’atrocités à l’abri derrière leur écran. Eli Roth reprendra cette idée dans Hostel et sa suite, ajoutant à cela le côté pécunier. Car au fond, Allistair Pratt n’est que dans la posture. S’il torture et tue, il le fait avant tout pour son bon plaisir. Il agit en philanthrope narcissique du crime. Il trouve son bonheur non pas dans l’argent que pourrait lui rapporter son site s’il en faisait payer l’accès mais dans le fait d’être vu, d’offrir son “art” à un public. Au passage, le film dresse un parallèle avec nous autres, spectateurs de films d’horreur. Nous sommes aussi ces anonymes cachés derrière leurs écrans qui aimons nous procurer des sensations fortes à moindre frais. Il pourrait découler un malaise de cette assertion si William Malone ne se contentait pas de filmer à l’épate la moindre séquence impliquant le site internet maudit. A la manière de ce qu’il avait fait sur La Maison de l’horreur, il vise davantage à susciter des sensations fortes qu’à distiller une horreur plus viscérale et dérangeante. Le premier à en pâtir n’est autre qu’Allistair lui-même, pâle figure de tueur en série réduite au statut de monstre de fin de niveau auquel Stephen Rea apporte son énergie habituelle.
En assumant pleinement son côté polar poisseux, Terreur Point.com aurait pu, si ce n’est tirer son épingle du jeu, au moins réussir à être efficace. Sauf qu’en y ajoutant une dimension fantastique via ce site internet possédé, le film de William Malone se perd dans les méandres d’une histoire de vengeance post-mortem. Une vengeance qui lui permet d’adresser des clins d’oeil à ses aînés (la gamine aux cheveux blancs renvoie à Opération peur de Mario Bava, tandis que la découverte du cadavre de Jeannie à la suite de la plongée en eaux troubles de Terry Huston flirte avec le Inferno de Dario Argento) mais aussi à certains de ses contemporains comme Kiyoshi Kurosawa et son traumatisant Kaïro. Sauf que ces citations, si elles suffisent à convaincre Mick Garris de l’intégrer à son panel de réalisateurs censément représentatifs du cinéma d’horreur pour l’anthologie des Masters of Horror, elles n’aident pas le film à se sortir de l’ornière. Bien au contraire. Elles donnent l’impression d’un réalisateur qui navigue à vue, incapable de donner une cohérence à son récit, et encore moins de la consistance à ses personnages principaux. Ainsi, Mike Reilly passera la moitié du film dans les vapes, à pester contre ce FBI qui a repris son enquête sans que celle-ci n’avance d’un iota avec ces cadors aux manettes. Quant à Terry, elle prendra mollement les affaires en main après que Mike lui ait désobéi (“Promis, je ne me connecterai pas au site maudit !”), tirant elle aussi le diable par la queue sur l’air du “Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis”. Entre eux, se noue une rapide et profonde affection, sorte de coalition de dépressifs qui n’a même pas le temps d’être développée. William Malone préfère enchaîner les visions d’horreur, jouer de cette malédiction qui ne s’adresse en fait qu’aux utilisateurs du site internet maudit, sans jamais chercher à questionner les mécanismes de cette addiction. Simple voyeurisme malsain ou expression d’âmes réellement viciées ? La question reste en suspens. La nature des victimes importe peu, et d’ailleurs le fantôme de Jeannie ne fait guère de différence entre elles. Dans son esprit, à partir du moment où quelqu’un se connecte, il est voué à la mort. Ce qui aurait pu devenir moralement délicat si un enfant ou un adolescent s’était malencontreusement attardé sur l’ordinateur familial. Mais cela aurait conduit William Malone à s’aventurer sur un terrain délicat et à s’extirper ainsi du tout-venant dans lequel il se complaît. Il est bien plus confortable de s’abandonner aux bonnes vieilles ficelles du genre, de baisser l’intensité des lumières, de multiplier les angles de caméra tarabiscotés et de laisser ses comédiens rouler des yeux et hurler à la mort. Cela pourrait malgré tout donner un bon résultat si William Malone ne peinait pas également dans la maîtrise de son récit. Jamais effrayant, Terreur Point.com s’avère aussi rapidement ennuyant. A tel point que le dénouement du récit ne provoque aucun soulagement, intervenant bien trop tard. Le mal était déjà fait.
Sorti en France dans l’anonymat du début de l’été 2003, Terreur Point.com occupe néanmoins une place à part. Il fait figure de trait d’union entre la vague de films de serial-killer de la fin des années 90 et le torture porn, sous-genre que Saw lancera triomphalement dans la première moitié de la décennie suivante. Tous les éléments sont déjà présents dans le film de William Malone mais traités de manière trop timorée. Si l’on ajoute un tueur sans envergure et une malédiction qui en rappelle tant d’autres, Terreur Point.com sombre définitivement dans les tréfonds du genre. Loin de relever le niveau, les présences anecdotiques de Udo Kier et Jeffrey Combs confirment simplement le côté “fanboy” de William Malone, plus prompt à la citation qu’à la création.
