Starman – John Carpenter
Starman. 1984Origine : États-Unis
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Attiré par les messages de bienvenu laissés dans la sonde Voyager II, un extra-terrestre, le Starman, débarque sur Terre et plus précisément chez Jenny Hayden, une jeune veuve éplorée. Il prendra la forme du défunt mari de celle-ci, et après une période de compréhensible perplexité, le couple s’en ira rejoindre un cratère en Arizona, où le Starman doit retrouver son vaisseau dans trois jours, sous peine de mourir sur Terre. Mais bien sûr, les agents du gouvernements ne l’entendent pas de cette oreille, et ils chercheront à capturer l’alien, tout de suite considéré comme belliqueux.
Starman est coulé dans le même moule que le E.T. de Steven Spielberg, à qui il reprend l’aspect mélodramatique ainsi que la présence de Terriens plein de compassion pour un gentil extra-terrestre traqué par une horde de fonctionnaires malintentionnés. C’est que John Carpenter, comme il le dit lui-même, désirait avec ce film “montrer patte blanche” aux majors hollywoodiennes, de même que s’affranchir du genre science-fictionnel et horrifiques dans lequel il s’était illustré avec ses grandes réussites que furent The Thing, Halloween, New York 1997, ou bien même Dark Star. Si ce dernier présentait un extra-terrestre farceur et si The Thing nous montrait un specimen d’alien carrément méchant, Starman cherche donc avant tout à faire de son personnage central (interprété par un Jeff Bridges nominé pour l’occasion aux Oscars) un bienfaiteur, une sorte de figure christique pleine de pitié (il réssucite un daim mort), de gratitude (il sauve la vie de Jenny et tente de la mettre à l’abris) et de miséricorde (il ne condamne pas ceux qui lui veulent du mal). Christique, oui, mais aussi enfantine, puisqu’il doit apprendre les coutumes terriennes, de même que le langage et les règles sociales. C’est ainsi que nous aurons droit à quelques scènes à tendance comique, jouant sur la cocasserie de certaines situations (les toilettes, les singeries du début). Pas franchement les plus réussies. Mais cet apprentissage se fait également par le biais des dialogues entre le Starman et sa partenaire, qui se retrouve ainsi à lui expliquer des notions comme la faim, l’amour, la reproduction de l’espèce ou, plus terre-à-terre, les stations-essence…
Heureusement, Carpenter reste très pudique et ses personnages ne s’épanchent jamais totalement. Plutôt brillante est ainsi l’interprétation de l’actrice Karen Allen dans le rôle de Jenny, toute en retenue et qui parvient à rendre ses émotions dans ses seuls regards. Les doutes et la peur du début laisse progressivement place à la compassion et à l’amour, sans pourtant que la rupture ne soit trop brutale. Jenny Hayden se place au sommet de l’un des principaux intérêts de Carpenter sur ce film, à savoir de démontrer la foi en l’humain. C’est ainsi que les deux héros seront aidés dans leur fuite par plusieurs personnes, généralement des américains modestes, tels qu’une serveuse, un cuisinier ou encore un client d’hôtel. L’aide apportée par chacun est d’autant plus charitable qu’elle est désintéressée, et qu’aucun d’entre eux ne sait qui est réellement cet homme que Jenny leur présente comme un étranger. L’entraide et les instincts fraternels sont ainsi illustrés avec une réelle sincérité, ce qui a pour avantage d’éviter au film de sombrer dans le romantisme de bazar. De plus, Carpenter évite le manichéisme en nous présentant également un personnage de fonctionnaire qui tout en connaissant la nature du Starman prendra parti avec lui, se rendant compte de l’énorme hypocrisie de ses employeurs, qui envoient dans l’espace un message de bienvenue destiné aux civilisation extra-terrestres et qui, quand leur appel trouve un destinataire, réagissent par la persécution et l’oppression (la table d’autopsie de l’alien est déjà prête). Se pose donc en filigrane la question de l’exploration spatiale : sommes-nous prêts à découvrir tout ce que l’on cherche à savoir ? La réponse se trouve dans l’analyse de nos comportements sur Terre.
N’oublions pas de mentionner non plus que Carpenter sait également attenuer la portée de sa sympathie pour “l’Amérique d’en bas”, qui elle aussi possède son lot de connards, qui prennent ici la forme de chasseurs violents et intolérants.
Starman est un film plutôt bien pensé, qui revêt la forme d’une comédie dramatique, au discours pouvant un peu évoquer Frank Capra. Il faut tout de même nuancer cette impression positive par certaines péripéties plutôt bêtes : le passage éclair à Las Vegas n’est clairement là que pour placer une touche comique malvenue, ainsi que pour retarder l’arrivée des deux héros au cratère, chose qui bien entendu va faire perdre du temps au Starman qui arrivera pile au moment où ses petits camarades viennent le chercher, tandis que l’armée a préparé le coup de façon assez grandiloquente (massive présence de soldats, d’hélicoptères). La dernière partie du film apparaît donc comme un peu facile. Et puis il faut bien sûr apprécier ce genre de mélodrame, plein de bons sentiments, qui sont heureusement attenués par la pudeur du réalisateur (on est loin de E.T., même si la toute dernière scène s’en rapproche fortement). Quant à la science-fiction, elle passe clairement au second plan, malgré quelques effets spéciaux plus ou moins appropriés (la vision subjective du Starman, au début, ou encore sa “renaissance” qui lui donne au départ l’apparence d’un bébé faisant un peu songer au 2001 de Kubrick) et autres apports scénaristiques ici ou là (les “boules magiques” du Starman, l’enfant du Starman) qui, s’ils ne sont pas vraiment indispensables, viennent nous rappeler le postulat science-fictionnel du film.