Shocker – Wes Craven
Shocker. 1989Origine : États-Unis
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Horace Pinker, un tueur en série très violent, sévit dans une ville américaine. Longtemps insaisissable, il sera pourtant découvert à cause des rêves de Jonathan Parker, le fils adoptif de l’inspecteur chargé de l’enquête. Mais avant de se faire arrêter, Pinker trouvera le moyen de s’en prendre aux proches de Jonathan. Celui-ci se réjouit donc d’autant plus de voir le tueur griller sur la chaise electrique. Las ! Au moment de son execution, Pinker passe dans les systèmes éléctriques, d’où il peut continuer ses méfaits en toute sécurité !
Wes Craven a beau jeu de cracher sur les séquelles de ses Griffes de la nuit : Shocker joue exactement sur le même créneau qu’elles, quand il ne reprend pas presque à la lettre Les Griffes de la nuit ! L’ouverture du film nous présente ainsi un gars dont on ne voit pas le visage en train de faire des trucs louches dans ce qui semble être un entrepôt ou une usine désaffectée. Pas beaucoup de temps plus tard, un personnage se met à cauchemarder avec exactement les mêmes recettes que les protagonistes du premier Freddy : se croyant dans la réalité, il va se rendre compte qu’il est en plein rêve. Maison macabre dans une rue bourgeoise, tueur doté d’un solide humour noir, meurtres cauchemardés qui se révèlent rééls, tout y est ! Ainsi, jusqu’à l’execution de Pinker, Craven refait son propre film de 1984, avec beaucoup moins d’application. Le tueur n’a rien de subtil, c’est un lourdaud qui agit en pleine lumière, et ses meurtres, eux, relèvent davantage de ceux d’un Jason Voorhees que ceux d’un Freddy Krueger. Pourquoi le héros rêve-t-il du tueur, me demanderez vous ? Et bien parce que en fait, Pinker est le véritable père biologique de Jonathan ! Certes, c’est débile, et le lien entre les deux hommes se révèle être une excuse plutôt stupide pour permettre à Craven de faire ce qui l’amuse : montrer des cauchemars. Mais après la mort de Pinker, tout va devenir bien pire, et on quittera un sous-Griffes de la nuit pour verser vers la fin du film dans un sous-Cauchemar de Freddy ( autrement dit le Freddy 4 de Renny Harlin) voire même dans un pré-Ultime cauchemar (le sixième, qui sera réalisé par Rachel Talalay), soit les deux épisodes les plus gaudriolesques des aventures du grand brûlé. L’humour est donc présent, au ras des paquerettes : répliques sarcastiques du tueur et surtout une séquence dans laquelle le gentil et le méchant, tout deux libres d’utiliser l’électricité, se baladent de chaîne télé en chaîne télé, perturbant le bon déroulement des programmes. Gag déjà employé dans l’excellent Amazon Women on the Moon de John Landis et sa clique et qui est ici répété jusqu’à être bien sûr qu’Horace Pinker n’entrera décidemment jamais au panthéon des monstres du cinéma. Le ridicule ira même jusqu’à présenter un Pinker manipulé par une télécommande, anticipant un célèbre gag de Freddy 6, le côté cartoon en moins.
Entre ses grossières références à Freddy Krueger, Craven meuble son film en faisant de Pinker un avatar du Hidden de Jack Sholder, sorti deux ans auparavant et auréolé d’un grand prix à Avoriaz. Le tueur éléctrique ira donc de corps en corps, poursuivi dans un parc par un héros bien décidé à en finir en lui montrant un médaillon en forme de coeur, le symbole de l’amour “par-delà la mort” que Jonathan porte à sa copine, assassinée sous les coups de couteaux de Pinker ! Le film subjugue par son scénario à côté de la plaque, certes plutôt dense, mais à quel prix ! On ne compte plus les incohérences : pourquoi les rêves prémonitoires du début ? Pourquoi le fantôme de la copine sortira de nul part pour aider Jonathan ? Comment Pinker parvient-il a envahir les ondes hertziennes, qui n’ont pas grand chose à voir avec l’electricité ? Pourquoi s’emmerde-t-il à rechercher un nouveau corps alors qu’il peut très bien continuer à agir sans ? Pourquoi le héros veut plonger dans un lac en pleine nuit pour retrouver son putain de médaillon ? Ca fait beaucoup de questions, tout ça. Le script ne tient pas la route une seconde, et Craven commet l’erreur de se disperser : visant parfois l’épouvante, parfois l’humour typique de cette fin des années 80, parfois le film à effets spéciaux, parfois la romance et le drame familial, il ne réussit qu’à transformer son film en un vague produit de consommation sans grande saveur, pourvu de personnages adolescents plus que conventionnels (l’équipe de foot solidaire !) et doté en outre d’une bande originale très portée sur un hard rock 80s indigeste. Quelques fulgurances (le passage de Pinker sur la chaise éléctrique, la transformation d’un fauteuil en Horace Pinker -scène très typée “Freddy” également-…) ne suffisent pas à sauver un film indéniablement généreux, mais fait en dépit du bon sens.