Sauf votre respect – Guy Hamilton
Sauf votre respect. 1989.Origine : France
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Trois siècles d’art russe sont exposés au Palais des Congrès d’Antibes. Un événement d’importance qui ne manque pas d’attirer les foules… et les voleurs. Bradley (David Carradine), un bandit international, réussit à déjouer toutes les mesures de sécurité pour s’emparer de la pièce maîtresse de la collection, une madone estimée à 20 millions de dollars et considérée comme la « Joconde russe ». Employé par la International Fidelity qui assure la collection, Tom Lepsky (Michael Brandon) met un point d’honneur à récupérer la relique. D’autant plus qu’il a un fort contentieux avec le sieur Bradley. Et tant pis s’il ne dispose pas de l’entier soutien du commissaire Ottavioni (Guy Marchand), pourtant dans la « même merde » que lui.
Le compte à rebours arrive enfin à son terme, voici les grands débuts du Tom Lepski chapeauté par Sergio Gobbi. Un Sergio Gobbi pour le moins ambitieux qui fort d’une coproduction avec les américains n’a pas hésité à l’époque à emmener son film au festival de Deauville, ne craignant visiblement pas les retours négatifs en vue d’une exploitation en salles. Le bonhomme est joueur, et même lorsqu’il perd, il ne s’avoue jamais vaincu. Que les deux épisodes suivants aient dû se tourner vers la télévision n’ont pas suffi à le refroidir, réussissant en guise de baroud d’honneur à distribuer Présumé dangereux en salles. Et tout ça sans rien toucher aux ingrédients déjà présents dans Sauf votre respect, un cocktail improbable d’un réalisateur chevronné, un casting cosmopolite, des intrigues indigentes et une musique d’ascenseur.
Premier film oblige, il convient au préalable de présenter le personnage principal, l’inénarrable Tom Lepski. Une tâche dont s’acquitte le vétéran Guy Hamilton (quatre James bond à son actif, dont l’un des plus réputés –Goldfinger– et l’un des plus mauvais –L’Homme au pistolet d’or-, c’est dire si son spectre est large) avec un grand sens de la concision. Histoire de se mettre d’emblée le public local dans la poche, la première réplique de Tom consiste en un « J’adore la France ! » quelque peu opportuniste, que sa partenaire, la charmante Carole, tempère d’un élégant « C’est pour ça que tu la parcours de fond en comble ». Voilà pour le côté globe-trotter du personnage. S’ensuit un condensé du passé du bonhomme (ex policier de Miami, divorcé d’une femme aimant davantage l’argent que cuisiner) exposé entre deux tartines en guise de passage de relais entre le héros de roman et sa transposition cinématographique. Ajoutons son peu d’appétence pour les tâches d’ordre domestique et administrative et vous aurez une idée à peu près précise du personnage. Ce n’est pas un héros au sens noble du terme. Le moindre de ses agissements prête à caution quant à ses réelles aptitudes professionnelles. Il se montre volontiers sous un jour désinvolte, agissant davantage par orgueil qu’en grand professionnel. C’est parce qu’il ne supporte pas que Bradley puisse lui faire la nique une seconde fois qu’il se lance à corps perdu à ses trousses, avec tout ce que cela présuppose en précipitations et manques de réflexions. En somme, il est le dindon d’une farce qu’il ne devrait goûter que très modérément. Un sentiment que la nonchalance dont fait preuve Michael Brandon pour camper son personnage ne rend jamais palpable. Ainsi, lorsqu’il ne pose pas continuellement des lapins à sa copine, il promène un air mi-ahuri mi-renfrogné à longueur de bobines au cours de péripéties aussi estomaquantes qu’un van pourri dévalant une colline suisse, ou un échange de coups de feu ponctué d’une roulade à contre-temps. Bon, soyons justes, compte tenu de l’adversité -un David Carradine en mode badin, qui daigne lever la jambe à une unique reprise en guise de clin d’œil à son personnage de Kwai Chang Caine, associé à une Arielle Dombasle au jeu tout en yeux écarquillés-, il n’était pas nécessaire que Michael Brandon en fasse davantage, au risque de trop détonner au sein de la médiocrité ambiante.
Une médiocrité qui s’étend à la mise en scène de Guy Hamilton elle-même. Le réalisateur se montre incapable d’insuffler un tant soit peu d’énergie au film, de créer du suspense, ou tout du moins d’instaurer un chouïa de tension. La mollesse semble être le maître-mot d’une entreprise qui ne sait pas trop sur quel pied danser. Ni vraiment un polar, et encore moins un film d’action, Sauf votre respect se rapproche davantage de la comédie au travers de quelques répliques bien senties, et de la manière dont le commissaire Ottavioni est tourné en ridicule via son côté franchouillard porté en étendard. Ce n’est pas d’une grande subtilité mais Guy Marchand, en habitué des rôles ingrats, fait le métier comme on dit. Voilà un comédien à la gouaille ravageuse qui n’a malheureusement pas eu une carrière à la hauteur de son talent. Au moins peut-on toujours compter sur lui pour tirer (un peu) vers le haut même les films les plus foireux dans lesquels il s’engage. On ne peut pas en dire autant de David Carradine, à l’ennui palpable, qui n’est guère aidé par les déguisements grossiers qu’arbore son personnage. Il a beau n’avoir jamais craint le ridicule (sa carrière plaide en ce sens), ce soi-disant bandit de haut vol peu regardant quant au contenu de ses rapines ne restera pas comme l’un des sommets de sa filmographie.
Il fut un temps où la France savait produire des polars, qui à défaut d’atteindre tous l’excellence savaient au moins être efficaces. Bien loin de ces canons, Sauf votre respect marque à sa manière la fin d’une période dorée puisque à partir des années 90, le genre se fera beaucoup plus rare au cinéma au profit de la télévision. Un enterrement en petites pompes qui marque également la fin de carrière de Guy Hamilton, d’ordinaire honorable artisan qui termine ici sur une fausse note.