Re-Animator II, la fiancée de Re-Animator – Brian Yuzna
Bride of Re-Animator. 1990Origine : États-Unis
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On aurait pu jurer du contraire, mais Herbert West a survécu à la boucherie de l’hôpital de Miskatonic. Son partenaire Dan Caine a lui aussi réussi à sortir indemne de cette terrible épreuve, bien que sa tentative de réanimation sur sa petite amie Meg ait échoué. Encore plus surprenant : West et Caine sont libres comme l’air, et après un séjour comme soigneurs de choc dans une guerilla au Pérou ils exercent tous deux la médecine dans l’hôpital même où ils s’étaient livré à leurs délirantes expériences. Ils s’y livrent toujours d’ailleurs, prélevant des morceaux de cadavres que West s’empresse de ré-animer dans le sous-sol de la nouvelle maison qu’il occupe avec Caine. Objectif déclaré : parvenir à créer un être humain qui vivra grâce au cœur de Meg, conservé par West.
Il lui a fallu quelques années, mais Brian Yuzna n’a pu s’empêcher de réaliser la séquelle de son film le plus célébré, Re-Animator. Que l’Empire de Charles Band ne soit plus là pour le financer et pour lui fournir des techniciens chevronnés ne l’a pas découragé. Que Stuart Gordon, réalisateur du premier film, soit parti sous d’autres horizons ne le dérange pas non plus, bien au contraire : Yuzna a lui-même franchi le cap de la réalisation avec Society en 1988 et il se trouve alors assez mûr pour gérer au mieux la séquelle du film qui l’a lancé dans le cinéma. Il peut en plus compter sur un personnage d’Herbert West toujours aussi solidement interprété par Jeffrey Combs. Toujours extrêmement vaniteux (il considère que dieu a échoué dans sa création), extrêmement méprisant (il se voit comme le seul scientifique utile), et extrêmement peu regardant sur la vie et les sentiments humains, West reste le même que dans le premier film. Dan Caine n’est pas vraiment son ami : tout aussi intelligent qu’il est salaud, West a conscience des émotions de son partenaire, principalement du sentiment de perte qu’il éprouve pour Meg, et il l’utilise pour faire de Dan son assistant, le motivant en lui présentant le cœur de la défunte comme une carotte à un âne pour le pousser à devenir son assistant. Constatant également que Caine est très sensible au sort d’une de ses patientes atteinte d’un mal incurable, West trouvera un second argument qui fera définitivement s’écrouler toutes les résistances morales de son camarade. Autant West est un personnage ignoble, autant Caine est un nigaud que Yuzna (comme Gordon avant lui) transforme en romantique très fleur bleue, aveuglé par ses sentiments, ce qui le place dans une position de proie facile pour un homme comme West. Le décalage entre les deux et la façon totalement immorale dont West se sert de Caine constitue le pilier du film, qui du début à la fin est marqué du sceau de l’humour noir. Caine n’est d’ailleurs pas le seul à en faire les frais : un flic pleurant sa femme zombifiée lors des évènements de Miskatonic et une donzelle regrettant son chien devenu cobaye pour West sont également victimes du “re-animator”. Mais là, plutôt que leur manipulation, c’est bien leur peine face à l’état de l’être regretté qui prête à rire. La femme zombifiée est internée avec d’autres zombies baveux et putrescents et le chien dispose désormais d’un bras humain en lieu et place d’une patte coupée. Vu de près, il est normal (et humain) que le flic et la donzelle regrettent la perte respective d’une femme et d’un chien, mais vu de loin l’état dans lequel se trouvent ces disparus est franchement ridicule. La démarche de Yuzna est à ce niveau la même que celle de Stuart Gordon dans le premier film, et le personnage d’Herbert West continue à s’imposer comme un digne héritier des grandes figures de l’horreur.
Pourtant, La Fiancée de Re-Animator est loin de valoir son prédécesseur. A dire vrai, la nature préservée du tandem formé par Herbert West et Dan Cain est à peu près la seule chose qui joue en sa faveur, tout le reste marquant une sensible baisse de niveau par rapport au film de Stuart Gordon. Le raté le plus criant, et certainement le plus grave, est l’incapacité qu’a Yuzna à générer la même escalade dans l’horreur que dans le premier film. Il n’y a plus cette sensation d’hystérie qui transformait Re-Animator en chef d’œuvre grand-guignol. La faute en incombe déjà au scénario, écrit par Yuzna avec Rick Fry et Woody Keith, ses deux complices sur Society, qui au lieu de rester linéaire se disperse sur divers enjeux réduisant la trame principale (la création d’une nouvelle fiancée pour Dan Caine) à peau de chagrin. Un tel film ne peut se permettre de dévier de son sujet, d’autant plus qu’en divaguant dans le hors-sujet Yuzna perd le bénéfice de la folie d’Herbert West, brisant net l’élan que celui-ci insuffle dans ses scènes et qui dans le premier film débouchait sur le carnage final à l’hôpital Miskatonic. Beaucoup de choses sont donc superflues au sein de La Fiancée de Re-Animator, et en premier le fait de faire renaître la tête du Dr. Hill (antagoniste de West dans le premier film) depuis le bureau du médecin chargé de faire les recherches sur les évènements survenus à Miskatonic. Toujours méchant comme la galle, Hill projette de se se venger de West. Mais il n’est qu’une tête, et à ce titre il ne sert à rien. Il parle beaucoup mais n’interfère en rien sur le quotidien de son ennemi jusqu’à un final où sa tête débarque avec des ailes de chauve-souris, sans toutefois influer en quoi que ce soit sur le film (à ce stade, il n’est plus qu’un monstre parmi les monstres). Perdre du temps sur Hill, sur le processus de sa ré-animation ainsi que sur l’élaboration de son plan inexistant (il veut se venger mais on ne saura jamais comment) est inutile. Ce n’est pas parce qu’il était un personnage important du premier film qu’il amènera avec lui la qualité de ce premier film. Hors-sujet, donc. Même chose ou à peu près pour l’enquête de ce flic bien décidé à venger sa femme : si ce n’est pour l’humour noir mentionné plus haut, le flic ne fait rien d’autre que d’interrompre les recherches de West, cassant ainsi régulièrement le rythme du film. La nouvelle copine de Caine réunit elle aussi ces deux défauts, celui d’être un personnage inutile à l’intrigue et de casser le rythme du film. Yuzna l’a probablement envisagé comme étant l’équivalent de ce que fut Barbara Crampton dans le premier film, sauf que sa présence est purement artificielle, n’étant jamais impliquée dans quoi que ce soit auprès de Dan. Toutes ces tares ne sont pas là par hasard : elles traduisent le fait que Yuzna ne sait pas trop comment amener la “naissance” de la créature de West. Soi-disant inspiré par La Fiancée de Frankenstein comme Re-Animator le fut de Frankenstein, son film n’est pourtant pas très prompt à rentrer dans le vif du sujet. West perd son temps à concevoir des créatures abominables avec des bouts de cadavres (une “araignée” faite de quatre doigts et d’un œil, un bras greffé à une jambe, le chien avec un bras humain), ce qui au départ est amusant mais tourne vite au n’importe quoi. Ces petits gags sont bien gentils, mais ils sont loin de pouvoir remplir le film, d’où les présences inutiles de Hill, du flic et de la nouvelle copine de Dan. Le gore est en plus nettement moins présent que dans le premier film, de même que l’érotisme que véhiculait Barbara Crampton et qui servait de nouvelle source d’humour noir (on ne retrouvera pas l’équivalent du cunnilingus par la tête de Hill). Par contre Yuzna créé un cadre plus gothique, notamment dans la cave de West, qui jouxte la crypte d’un cimetière. Une façon de se rapprocher de La Fiancée de Frankenstein qui avouons-le nous fait une belle jambe. Il aurait été préférable de se concentrer sur autre chose.
En fait, tout ce que Yuzna n’a pas fait, il le réserve dans son dénouement, qui se veut l’équivalent de la boucherie de cette antre infernale qu’était devenue la morgue de l’hôpital Miskatonic dans le premier film. Tout ce qui a été soulevé dans le film se retrouve dans la cave de West : la fameuse “fiancée”, le flic -devenu zombie-, le Dr. Hill, le copine de Dan, les zombies qui étaient internés, les créatures monstrueuses de West qui défoncent les briques dont West se servait pour les emmurer… On trouve là ce qui fait la marque de fabrique du Brian Yuzna réalisateur : la surenchère surréaliste (avec emploi d’éclairages orangés et verts fluos). C’est un véritable pandémonium d’aberrations scientifiques, de cadavres et de sang. Yuzna s’y montre généreux mais aussi assez brouillon, et nous sommes encore loin de retrouver l’efficacité du premier Re-Animator. La Fiancée de Re-Animator est un film décevant, qui ne survit que grâce à la personnalité intacte de Herbert West et à sa relation avec Dan Caine (ajoutons aussi la musique, toujours aussi bien car reprise du premier film). Le principal est donc préservé, c’est déjà ça.