Society – Brian Yuzna
Society. 1989Origine : États-Unis
|
Bill Whitney est un ado californien à peu près dans la moyenne. Il vit avec ses parents et sa soeur dans un milieux social aisé, à Beverly Hills. Pourtant, il doute de sa famille. Paranoïaque, il est persuadé que sa famille n’est pas ce qu’elle semble être. Des preuves accablantes vont le conduire à pousser plus en avant ses investigations, malgré les conseils de son psychiatre… Ce qu’il va découvrir sera bien plus alarmant que ce qu’il imaginait…
Society est sans conteste le film le plus engagé de son légèrement sur-estimé réalisateur, Brian Yuzna. Ce dernier s’est en effet démarqué essentiellement par sa production principale, Re-Animator, dont il réalisa la séquelle, largement inférieure à l’originale. Du reste, ses productions sont en règles générales supérieures à ses réalisations. Quoi qu’il en soit, avant tout ça, avant même Bride of Re-Animator, Yuzna réalisa Society. Ce fut son premier film en temps que réalisateur, et, donc, pour beaucoup, son coup de maître, pour beaucoup. Pourtant, Yuzna laisse tomber le gore pur et dur qui l’avait fait connaître. En revanche, si les débordements sanglants sont absents, le côté complétement barré et irrévérencieux demeure. Sauf que cette fois, il n’est pas présent tant physiquement que scénaristiquement. Avant les vingt dernières minutes, Yuzna s’évertue en effet à brosser un portrait corrosif de la société bourgeoise californienne telle qu’on la voit dans les sitcoms. Dans ces sitcoms, au sein desquelles officiait alors le minet héros du film, Billy Warlock (Alerte à Malibu), la société est présentée de façon totalement lisse, et les problèmes des personnages (tous des petits fils-à-papa) ne vont pas plus loin que leurs problèmes typiquement adolescent (amour, sexe, amitié, relations parents-enfants). Le tout bien sûr sous un soleil resplendissant, avec des filles superbes, courtes vêtues pour aller à la plage, évidemment. Si ce cadre est repris par Yuzna, en revanche les problèmes du personnage principal de Society sont tout autres. Il s’imagine en effet que sa famille se livre à l’inceste. Puis au fur et à mesure, il acquérera la conviction qu’au-delà de sa famille, c’est toute la haute-society de Beverly Hills, qui se livre à ses actes peu recommandables. Sous leurs dehors proprets jusqu’à l’exubérance se cache en réalité une perversion au moins aussi forte que leur respectabilité semble l’être en apparence. C’est à dire énorme. Et les actes de perversions iront croissant tout au long du film, atteignant un climax final énorme, achevant de plonger la perversion dans l’énormité, la faisant même plonger dans le domaine du fantastique. Bref, il s’agit presque d’une thématique lynchienne (les apparences trompeuses) achevée par une vision cronenbergienne, faite de sexe déviant, où la pénétration est corporellement intégrale (superbes SFX, au passage).
Bref du postulat de départ très sitcom tout-public, il ne reste plus rien. Yuzna s’est livré à une satire féroce, prouvant que la richesse et la respectabilité sociale cachent en réalité une perversion infinie. Perversion de classe, même. Très sectaire, la society n’accepte pas d’étrangers et se nourrit littéralement des intrus, des plus basses classes sociales, qu’elle utilise comme un divertissement sexuel. Au-delà de ce qu’il nous est montré, il est même possible d’interpréter l’orgie finale comme étant l’annihilation des plus basses classes sociales, bouffées par les plus hautes, qui les méprise au point d’en faire cyniquement leurs victimes.
Tout au long du film, le climat de malaise est présent, installé par la paranoïa de Bill, qui se demande peu à peu si il ne verse pas dans la folie douce. La perversion d’un tel milieu, un milieu de golden-boys, par des sujets aussi tabous que l’inceste, met également le spectateur mal à l’aise, tant il est rare de voir autant d’audace traitée avec une relative délicatesse (car je rappelle que les perversions vont crescendo et ne s’installent pas immédiatement -d’où une possibilité d’ennui chez certaines personnes-).
Par la suite, dans son Bride of Re-Animator, Yuzna ira avec moins de délicatesse, s’évertuant à faire de ses films des monuments de perversions dès le départ. Sans construire véritablement de climat, et sans avoir un propos aussi élaboré que celui de Society. Le Retour des morts-vivants 3, son autre grand succès, reposant avant tout sur son histoire d’amour trash, ses scènes gores et sa zombette culte. Mais pas de véritables enjeux profonds. Vraiment dommage. Mais enfin reste que Yuzna est une des personnalités importantes de l’horreur, et que son flair lui a permis de dégoter des gens comme Stuart Gordon, ainsi que ceux qu’il a permis de révéler du temps de la Fantastic Factory.