CinémaDrame

Pixote, la loi du plus faible – Hector Babenco

pixote-affiche

Pixote, a lei do mais fraco. 1981.

Origine : Brésil
Genre : Drame
Réalisation : Hector Babenco
Avec : Fernando Ramos da Silva, Marilia Pera, Jorge Juliao, Gilberto Moura…

Pixote nous invite à suivre le parcours de quatre enfants et adolescents, de la maison de redressement à la vie dans la rue, dans le Sao Paulo du début des années 80.

Né en Argentine, Hector Babenco émigre au Brésil dans les années 70, où il rejoint les réalisateurs du “Cinéma Nôvo”. Sous cette appellation se regroupent des cinéastes qui souhaitent développer un cinéma brésilien plus social. Avec Pixote, Hector Babenco s’intéresse à l’existence de tous ces enfants livrés à eux-mêmes, et qui ne vivent que de menus larcins, voire de trafics de drogues ou du proxénétisme. Pour plus de véracité, il a choisi ses jeunes comédiens parmi les enfants des favelas, non sans les dispenser d’un solide entraînement de quelques mois pour qu’ils se familiarisent avec la caméra.

Son film se divise en deux parties. La première nous décrit les conditions de vie des enfants dans les maisons de redressement. Celles-ci se substituent aux prisons tant que le contrevenant n’a pas atteint l’âge fatidique de 18 ans. Dans ces maisons, point de cellules mais d’immenses dortoirs qui privent les occupants de toute intimité. Il en va de même pour les douches qui sont collectives. La visite des proches s’effectue dans la cour, au milieu de tout le monde. Les parents vont à la maison de redressement comme s’ils rendaient visite à leurs enfants en classe verte, dans leur lieu de villégiature. Des kermesses sont même organisées pour ces occasions-là. C’est qu’il s’agit de montrer une belle image de cette institution. Il faut que les parents voient leurs enfants heureux d’être là. Pour certains d’entre eux, comme le grand-père de Pixote, cela ne fait aucun doute tant dehors, c’est pire. On veut bien le croire. Cependant, ce que nous montre Hector Babenco n’a rien de bien enthousiasmant. Le viol entre “détenus” est monnaie courante, et le bizutage, un passage obligé. La maison de redressement a en fait tout d’une prison qui ne dit pas son nom. Pourtant, le plus gros danger ne provient pas des compagnons de chambrée, mais des forces de l’ordre qui, avec le concours du directeur du centre, organise des rafles sauvages parmi les enfants pour en exécuter certains, en raison de leurs crimes passés. Elles outrepassent allégrement les lois de leur pays, qu’elles trouvent trop laxistes envers les mineurs. Pixote, jeune garçon de 10 ans, découvre tout cela en même temps que nous. Durant cette première partie, il se contente d’observer, un peu effrayé par tout ça. Petit à petit, il s’intègre aux autres enfants, joue avec eux, et saisit un peu mieux les règles tacites qui régissent l’endroit. Mais comme eux, il rêve d’ailleurs. Il veut recouvrer sa liberté et devenir riche. Avec trois autres compagnons, il fait le mur et s’enfuit.

La deuxième partie du film nous montre ces quatre garnements tenter de s’en sortir par eux-mêmes dans les rues de São Paulo. C’est aussi le moment pour nous de constater si, oui ou non, l’extérieur s’avère bien plus dangereux que le vase-clos de la maison de redressement. Et bien force est de reconnaître que la réponse est non. Hector Babenco ne se focalise plus que sur les quatre gamins. La menace permanente que représentaient les forces de l’ordre au sein de la maison de redressement n’existe plus, et aucune autre ne se substitue à elle. D’abord vivant du vol à la tire, Pixote et ses amis passent très vite à l’étape supérieure sans grande difficulté, la revente de drogues. N’ayant toujours pas l’âge légal pour être incarcérés, ils agissent en toute impunité au nom de trafiquants adultes, bien contents de bénéficier de cette main d’œuvre peu chevronnée mais très motivée. Eux qu’on voyait mimer une attaque à main armée lors de leur séjour en maison de redressement, jouent désormais dans la cour des grands, avec de vraies armes. Tout en gardant des caractéristiques très enfantines, ils agissent en adultes dans un monde d’adultes. Pixote, le plus jeune, est au diapason de ses amis. Loin de rester en retrait, il participe activement à leur trafic, exigeant, par exemple, que la femme qui a voulu les entourlouper, les paie sur le champ, faisant à la fois preuve de culot et de maturité. Hector Babenco nous décrit un monde qui nous paraît totalement étranger. Un monde dans lequel un enfant de 10 ans peut devenir le protecteur d’une prostituée. Un monde dans lequel les rues d’une grande métropole constituent le terrain de jeu idéal d’enfants en quête d’argent.

Pixote laisse une impression bizarre. Passé l’enfermement en maison de redressement, on ne ressent plus aucun danger planant au-dessus des quatre protagonistes. Ils ne connaissent ni la faim, ni la soif, et encore moins le désarroi. Le film se transforme alors en folle équipée, alternant moments cocasses, et d’autres plus tragiques. Mais un tragique absurde, qui découle des maladresses d’enfants pas encore tout à fait au point dans leur rôle de caïd. On sent des velléités documentaristes chez Hector Babenco, mais comme il le fera plus tard avec Carandiru, son film de prison, il privilégie surtout les instants de joie au détriment d’une réalité beaucoup plus sordide. Toutefois, Pixote ne se conclue pas dans l’allégresse. Son jeune héros se retrouve seul, condamné à errer dans les rues de la ville jusqu’à une éventuelle nouvelle rafle qui le ramènera à son point de départ, comme un éternel recommencement. Pixote ne peut exister seul, il a besoin d’être entouré. Après tout, il n’est toujours qu’un enfant dont l’absence d’une mère se fait parfois pressant, au point de chercher l’affection dans les bras d’une prostituée.

Ces enfants des rues sont malheureusement dépourvus d’avenir pour la plupart. Et si on venait à en douter, la réalité est là pour nous le rappeler. Fernando Ramos da Silva, l’interprète de Pixote, n’a jamais vraiment pu (ou su) saisir l’opportunité que lui a offert le cinéaste de s’arracher à sa condition. Il meurt en 1987 sous les balles de la police, rappelant que celle-ci était bien présente dans les rues de São Paulo.

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