Phone Game – Joel Schumacher
Phone Booth. 2002Origine : États-Unis
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Dans une mégalopole telle que New-York, il semble facile de passer inaperçu, d’autant plus lorsqu’on est un être aussi insignifiant que Stu (Colin Farrell), jeune attaché de presse aux dents longues et à l’arrogance chevillée au corps. Et pourtant, ce type a tapé dans l’œil d’un psychopathe qui se pose en parangon de la morale, et qui a manigancé un plan machiavélique à son intention.
Grand admirateur d’Alfred Hitchcock, Larry Cohen a imaginé, il y a de ça plusieurs années, ce huis clos improbable à l’intérieur d’une cabine téléphonique. Projet casse-gueule s’il en est, il le devient davantage aujourd’hui avec l’avènement du portable. Il faut reconnaître à Larry Cohen de s’en être plutôt bien tiré sur ce point, faisant de la cabine téléphonique l’outil indispensable du mari cavaleur, désireux de cacher à sa femme ses penchants adultères. Pour ceux qui peuvent s’étonner de l’absence du monsieur derrière la caméra, il faut savoir que le projet a pris des proportions gigantesques dès lors que de grosses pointures (Mel Gibson et Will Smith, pour ne pas les citer) se sont intéressées au projet. Des proportions bien trop importantes pour lui, humble artisan de séries B.
Le projet incombe finalement à Joel Schumacher, réalisateur iconoclaste guère réputé pour sa finesse. Après l’avoir révélé aux yeux d’Hollywood dans Tigerland, Joel Schumacher fait de nouveau appel à Colin Farrell pour porter le film sur ses épaules. Acteur le plus souvent irritant, il s’avère parfait dans les costumes italiens de Stu, et on suivrait ses démêlées avec le tueur fou avec délectation si le scénario ne suintait pas de toute part le retour aux bonnes mœurs. Aux yeux du psychopathe, Stu est coupable. Coupable de se comporter comme la pire des merdes avec les gens qu’il considère comme étant inférieurs à lui, et surtout, d’avoir des envies d’autres femmes alors qu’il est marié. Le tueur inconnu se veut juge, et bourreau si nécessaire. Son but est que sa victime se repente de ses pêchés. Pas seulement auprès de lui, mais auprès des personnes qu’il a offensées, son épouse au premier chef. Dans le cas contraire, il se chargera de l’envoyer en enfer. Là où ça se corse, et que le film devient franchement risible à force de puritanisme appuyé, c’est que Stu n’a jamais consommé le moindre adultère, se bornant à jouer les jolis cœurs avec de jeunes filles en fleurs sans jamais passer à l’acte. Pour le tueur psychopathe, il est donc tout autant question de prévention que de punition, le désir valant l’acte à ses yeux.
Durant 1h15, on a donc droit aux jérémiades de Stu avec en fond sonore la voix du tueur, prenant le ton sentencieux du donneur de leçons. Le tout agrémenté d’une ribambelle de policiers, histoire de donner à l’ensemble un aspect spectaculaire qui nuit au huis clos de base (mais qui en jette au sein de la bande-annonce). Au niveau de la mise en scène, Joel Schumacher ne fait pas de miracles. Il use et abuse du split-screen, et s’emmêle les pinceaux au moment de conclure son film avec un effet à mourir de rire. En gros, l’un des personnages voit flou sous l’effet d’un calmant quelconque et lui-même nous est montré flou, comme si nous aussi avions eu droit au même traitement.
Ce Phone Game est donc un huis clos pas traumatisant pour un sou, que le discours moralisateur rend insupportable. Pour ce genre de produit, la fin se révèle assez surprenante, quoiqu’elle ne rehausse en rien l’intérêt de ce qui la précède. On savait le facteur capable de sonner deux fois, nous découvrons désormais le tueur, capable d’encore plus de persévérance. Avec Joel Schumacher à la manœuvre, on ne s’étonne même plus de décrocher à mi-parcours. Dommage que Larry Cohen n’ait pas été en mesure de mener son projet à terme. A se demander ce qui, dans ce sujet, a tant intéressé les vedettes de Hollywood. Elles ont parfois de drôles de lubies…