CinémaDrame

Outsiders – Francis Ford Coppola

outsiders

The Outsiders. 1983

Origine : États-Unis 
Genre : Drame 
Réalisation : Francis Ford Coppola 
Avec : C. Thomas Howell, Ralph Macchio, Matt Dillon, Patrick Swayze…

Tulsa, Oklahoma, en 1967. La jeunesse de la ville se scinde en deux groupes : les “greasers”, c’est à dire les jeunes des quartiers pauvres, et les “socs”, ceux des quartiers riches. Les accrochages, prévus ou improvisés, sont fréquents. Au cours d’une rixe opposant deux des plus jeunes greasers, Ponyboy (C. Thomas Howell) et Johnny (Ralph Macchio), un des principaux membre des Socs est assassiné d’un coup de couteau. Les deux adolescents vont alors chercher conseil auprès de leur ainé Dallas (Matt Dillon), le plus turbulent des Greasers. Il leur conseillera de quitter la ville pendant quelques temps et de trouver refuge dans une vieille église abandonnée en pleine campagne. Ponyboy et Johnny trouveront là l’occasion de réfléchir sur leur propre condition et sur le clivage minant leur vie.

Adaptation d’un roman fort apprécié des adolescents américains (Coppola décida d’ailleurs de la réaliser suite à une lettre que lui avaient envoyé des lycéens), Outsiders s’inscrit dans la thématique intemporelle de la jeunesse malheureuse, privée de repère et plongée dans la violence. L’époque dans laquelle l’intrigue se déroule est la même que celle de West Side Story, les “greasers” ne sont rien d’autres que les bons vieux blousons noirs gominés et les “socs” sont le stéréotype même des gosses de riches vaniteux roulant en voitures de luxe. Le casting lui-même, avec sa brochette d’acteurs débutants qui allaient par la suite devenir des stars parfois éphémères et souvent “à paillettes”, peut prêter à sourire. Vingt-cinq ans après le tournage du film, découvrir Matt Dillon, Patrick Swayze, Emilio Estevez, Rob Lowe et enfin Tom Cruise former le noyau dur des “greasers” n’est pas sans faire naître une certaine gêne, que la reconstitution d’époque toute en clichée élaborée par Coppola ne peut atténuer, tant le film entier est parcouru de lieux communs.

Le point de vue adopté par le réalisateur, si il est plus que défendable et toujours valable dans nos sociétés actuelles, n’évite pas non plus ce sentiment de déjà-vu : les pauvres Greasers sont tous des paumés, et les deux héros, Ponyboy et Johnny, sont respectivement orphelin et enfant battu. Ils n’ont aucune perspective d’avenir et seul leur “gang” constitué d’aînés tout aussi malheureux qu’eux (dont les frères de Ponyboy, joués par Patrick Swayze et Rob Lowe), semble leur indiquer la marche à suivre : s’endurcir et exprimer leur colère en cassant du Soc. Entre eux, les Greasers ne sont pas des teigneux : une profonde amitié les lie, et Dallas, leur chef revenu de taule, est plus qu’un modèle à suivre : il est à la fois une figure fraternelle les considérant d’égal à égal et une figure paternelle source d’autorité et de protection. Le clan est ainsi une véritable famille dont les deux adolescents sont les coqueluches. Pourtant, si ils aiment leurs camarades, Ponyboy et Johnny ne sont pas encore mûrs pour adopter le même mode de vie qu’eux. Leur éloignement bucolique, après le meurtre qu’ils ont commis, leur permettra de se rendre compte de leurs véritables désirs, jusqu’ici étouffés. Coppola ne prend même pas la peine de donner des conséquences judiciaires à leurs actes, et se consacrera entièrement à ses jeunes héros dont le mal-être romantique déteindra sur les autres Greasers et sur l’ensemble du film. Une fois dans l’église, symbole de rédemption et de renouveau si il en est, les deux adolescents se laisseront aller à lire Autant en emporte le vent, à réciter de la poésie et déclamer de grandes phrases symboliques sur le soleil levant ou couchant. Il semble bel et bien que Coppola s’adresse directement à un public adolescent, et pour bien se faire comprendre, il n’hésite pas à forcer le trait. Son romantisme, “à faire meugler Lamartine” comme aurait dit Pierre Desproges, souligne outrageusement un propos déjà évident. Le fond est décidément très bon chez ces jeunes Greasers, et leurs comportements en marge des normes sociales ne sont que le fruit d’un milieu social difficile, basé sur la lutte des classes. Les Socs se voient eux comme les défenseurs de cette moralité bourgeoise. Eux aussi forment le produit de la société, et eux aussi savent quand il le faut s’affranchir des canons sociaux. Dès les premières minutes du film, le jeune Ponyboy fait copain-copain avec Sherri Valance (Diane Lane), une jeune Soc qui comme lui n’est pas strictement gagnée par les valeurs de son groupe. Cette sous-intrigue se retrouve fort heureusement délaissée par Coppola, qui évite ainsi de justesse le plagiat de West Side Story et de son intrigue à la Roméo et Juliette. Mais il n’empêche qu’il s’agit des prémices de ce qui devient évident suite à un énorme acte de bravoure effectué par Ponyboy et Johnny : le sauvetage de jeunes enfants par-delà leurs appartenances sociales. Ils y gagneront l’estime de la société, de leur propre clan, et même, quoique ce soit de façon détournée, de l’un des chefs Socs. Le message est clair : se battre ne résout rien, c’est au contraire un acte perpétuant les clivages. Seule la fraternité et l’entraide constituent une porte de sortie aux problèmes sociaux. Cette morale aura cela dit bien du mal à être assimilée de façon générale, notamment par Dallas. Privé de l’innocence romantique de ses deux jeunes camarades, il reste le héros maudit d’une guerre des clans inutile et héritée du monde que leur ont laissé leurs parents, pourtant loins d’être des références, là où il aurait très bien pu devenir l’icône d’une jeunesse de progrès, à l’instar de Ponyboy et de Johnny.

En dépit de la vision pertinente qu’il dresse de la délinquance juvénile, Outsiders n’est certainement pas le meilleur Coppola. Son sujet mille fois vu et son traitement romantico-mélancolique en fait une œuvre purement adolescente, à base de personnages calibrés pour plaire au public (ce n’est pas un hasard si la plupart de ses acteurs ont par la suite connu l’engouement des midinettes). Et pourtant, le sujet inspira tant le réalisateur que celui-ci se prit dans la foulée à tourner un film au sujet similaire, Rumble Fish, toujours avec Matt Dillon. A noter également que Outsiders fut amputé d’une bonne vingtaine de minutes, rajoutées dans le “director’s cut” de 2005 qui n’est pas la version abordée dans ce présent texte.

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