Mutants – John “Bud” Cardos
Night Shadows. 1984.Origine : États-Unis
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Admirable parcours que celui de John “Bud” Cardos. Cet adepte du rodéo démarra sa carrière au cinéma à la fin des années 60 comme acteur et/ou cascadeur pour les sous-Corman tournés par Richard Rush, Hells Angels on Wheels et Psych-Out. Tout en conservant ces emplois, il cumula très vite la réalisation de seconde équipe, notamment sur La Horde sauvage de Sam Peckinpah, et les postes de production manager, principalement pour les séries B d’Al Adamson. Il réalisa bientôt son premier film, un western de blaxploitation, sans pour autant abandonner sa carrière multi facettes. Toute cette expérience fait de lui l’homme idéal pour remplacer quelqu’un au pied levé, comme par exemple Mark Rosman, très tôt défaillant pour ce Mutants indépendant. Un remplacement pas évident, tant le film souffre d’un scénario banal.
Josh et Mike Cameron (Wings Hauser et Lee Montgomery) sont sur la route des vacances lorsque leur voiture est poussée dans le fossé par celle d’un groupe de beaufs. Les deux frères se voient contraints de faire du stop jusqu’à la prochaine station service. Ils embarquent avec un vieux fou qui après leur avoir conseillé de ne pas s’attarder dans le coin la nuit venue en raison de la présence de petits hommes verts les dépose à quelques bornes d’une petite ville. Dans une ruelle déserte, Mike découvre un cadavre, et Josh le persuade d’aller boire un coup au bar avant d’alerter la police. Au troquet, une mauvaise surprise attend les Cameron : ils y trouvent Albert, le chef des beaufs à l’origine de leur infortune, qui les menace ouvertement jusqu’à ce que la bagarre éclate. Le shérif intervient mais leur somme de passer la nuit à l’auberge du coin avant de déguerpir à la première heure le lendemain. Et pour ne rien arranger, le cadavre découvert par Mike n’est plus là. Seule subsiste une substance orangée que le flic prévoit d’envoyer au labo de son amie scientifique. Le lendemain, à l’auberge, Josh ne trouve plus son frère, qui a tout simplement disparu dans la nuit. Il part alors à sa recherche, mais ne trouvera qu’une conspiration industrielle à l’origine de l’épidémie qui touche la ville… Les vacances sont foutues.
Il n’est pas facile de tirer quelque chose d’une histoire aussi balisée, bouffant à tous les râteliers du film d’horreur : les jeunes perdus au milieu de nulle part, une ville peu accueillante, une menace toxique prétexte à un vague propos écologiste et à l’apparition sur le tard d’infestés semblables aux traditionnels zombies (en un peu plus dégourdis)… On peut ajouter à cette liste de conventions des personnages mille fois vus : le héros malin, la gentille institutrice appelée à devenir la petite amie du premier nommé, le beauf qui rajoute un danger humain à un danger de science-fiction, le shérif indécis, le médecin curieux (en l’occurrence une femme), la vieille folle propriétaire de l’auberge… Comme beaucoup de films de série B produits dans les années 80, Mutants repose entièrement sur des critères commerciaux réputés solides, agencés au petit bonheur la chance et retardant honteusement le moment que tout le monde attend, c’est à dire l’arrivée massive des monstres tueurs. Cardos joue plus que de raison sur le mystère entourant cette petite ville en commettant la grossière erreur de vendre la mèche via la disparition de Mike Cameron, qu’il dévoile aux yeux des spectateurs (le gars fut attiré et tué sous son lit par un infesté planqué) et non à ceux de Josh. Celui-ci dispose donc d’un train de retard sur le public, ce qui a pour effet de retirer tout effet de suspense aux longues recherches qu’il mène en compagnie de sa nouvelle copine Holly (Jody Medford). Il faudra bien un jour se pencher sur le cas trop fréquent de ces réalisateurs qui prétendent jouer la carte du suspense tout en séparant le point du vue du public et celui du personnage principal, auquel on est pourtant censés s’identifier. Coup de chance, ici, ce faux suspense s’accompagne de l’accumulation de malchance qui accompagne Josh, un gars vraiment pas verni. S’ensuit un humour probablement involontaire s’apparentant quelque peu au sadisme d’un Martin Scorsese dans After Hours, le sens du détail irritant en moins. Car ici, tout est vraiment énorme, au point de verser dans l’incohérence : le long parcours jusqu’à la première nuit, le cadavre d’une gamine infectée qui tombe sur Josh pile au moment où débarque Albert, lequel intervient à chaque fois au moment le moins opportun, l’assistant laborantin qui devient un infecté juste au moment où la doctoresse crie “Eurêka”, la fameuse invasion tant attendue qui intervient dans les toilettes de l’école déserte… Tous ces grosses ficelles accompagnent la malchance de Josh et de ses amis, lesquels deviennent des dindons de la farce. Et ils le méritent, puisqu’ils ne sont pas foutus de deviner l’évidence assez tôt, chose pourtant largement faisable même sans avoir assisté au meurtre de Mike. Il ne faut pas être divin pour faire le lien entre une substance toxique suintant d’un cadavre et l’épidémie qui s’abat sur la ville. Retenons également ce dialogue fameux :
– Y’a pas une usine chimique dans le coin ?
– Non.
– T’es sûre ? Réfléchis !
– Bah, y’a bien un énorme conglomérat…
Sans non plus être aussi foutraque qu’un Bruno Mattei, Mutants est donc de ces séries B qui s’apprécient pour leur maladresse générale mise en évidence par un trop grand sérieux. On ne prétendra pas que cela sauve le film, globalement assez ennuyeux, mais en tout cas, la longue attente jusqu’au climax en est rendue supportable. Il eut cependant été préférable de la part de Cardos de se montrer aussi inspiré que dans ce même climax, lors duquel ces infestés bleuâtres surgissent de partout pour finalement coincer Josh et Holly dans un huis-clos fortement inspiré par George Romero (le film se nomme parfois La Nuit des mutants, d’ailleurs). Une conclusion énervée voire excitée qui récompense le spectateur ayant tenu jusque là. Mais de même que quelques joyeusetés venaient s’insérer dans le fumeux développement pour rehausser son intérêt, quelques défauts s’immiscent dans cette dernière partie pour la ternir quelque peu. Il s’agit principalement d’une photographie un poil trop sombre pour distinguer les effets spéciaux, ce qui a pour conséquence de faire tomber le gore aux oubliettes. Décidément, il est bien difficile de se sortir de la médiocrité lorsque l’on y est englué.