Monster Squad – Fred Dekker
The Monster Squad. 1987Origine : États-Unis
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Tous les 100 ans, s’emparer d’une amulette aux propriétés extraordinaires permet à son détenteur de déchaîner les forces du Mal sur le Monde. Il y a un siècle, l’illustre Abraham Van Helsing avait su empêcher le comte Dracula d’en faire mauvais usage. Revanchard, le prince des ténèbres retente sa chance en 1987 avec le concours de quelques monstres célèbres qu’il a recrutés pour l’occasion. Seul une bande de collégiens, férus de monstres en tous genres, sera en mesure de contrecarrer son entreprise.
Après avoir rendu hommage aux films de science-fiction des années 50 avec Extra sangsues, Fred Dekker convoque une partie du bestiaire de la Universal des années 40 pour cette aventure néanmoins bien ancrée dans son époque. Mû par l’envie de renouer avec le mélange des genres induits par les rencontres improbables de films dans la lignée de Deux nigauds contre Frankenstein ou Maciste contre Zorro (en France, avec toujours un train de retard – voire deux – cela donne Les Charlots contre Dracula à l’aube de ces folles années 80), Fred Dekker remplace opportunément le duo de comiques Abbott et Costello par une bande d’adolescents, amateurs d’horreur. Une figure désormais incontournable du cinéma fantastique de cette époque qui de E.T à Génération perdue en passant par Explorers ou encore Les Goonies était utilisée à toutes les sauces. A défaut d’originalité, Monster Squad a pour lui de susciter la curiosité par la manière dont il parviendra à gérer cette profusion de monstres.
Parce qu’il leur faut bien un leader, c’est le comte Dracula qui s’y colle. Un choix somme toute logique compte tenu de son antériorité, cinématographiquement parlant, et de sa prestance. N’en déplaise au baron Victor Frankenstein, lequel a toujours tenu en haute estime ses travaux, il est le seul de la bande à avoir figure humaine et à s’exprimer de manière intelligible. Le loup-garou est quant à lui hors concours, se débattant en permanence entre sa condition d’homme et celle d’animal, la première ne pouvant pas grand chose contre la seconde. Un Dracula qui n’a plus rien du romantique de naguère, troquant son aura sulfureuse contre l’âme d’un méchant lambda qui souhaite, en toute simplicité, régner sur le Monde. Si visuellement ses attributs (longue cape, dents proéminentes, capacité à se transformer en vampire) le conforment à l’imaginaire collectif, dans les faits, il s’en éloigne sensiblement. Ses dents ne lui servent plus qu’à rayer le parquet – le drame des ambitieux – et à sourire. Lorsqu’il lui faut se nourrir, il le fait hors-champ, préservant les âmes sensibles de toute imagerie érotique. Un soupçon de pudeur qui n’empêche pas quelques allusions sexuelles mais à portée des adolescents. Ainsi, Rudy, le Marlon Brando en culotte courte, ne rejoint le Monster Squad que pour mieux reluquer l’accorte sœur de Patrick du haut de la cabane où se tiennent leurs réunions. Voir également à ce sujet le gag autour de la virginité requise pour la demoiselle qui lira l’incantation en allemand censée empêcher le Mal de gagner la partie. Qu’une fillette de 6 ans devienne la seule candidate possible en dit long sur la “dépravation” des adolescentes américaines. Dracula ne risque quant à lui de dépraver personne. Insipide, seulement concentré sur la quête de l’amulette, il traverse le film la grimace vissée aux lèvres. Il ne tue pas, à l’exception d’un inspecteur de police, et encore le fait-il à l’aide d’un bâton de dynamite, se contentant de rosser copieusement ceux qui entravent son chemin. Un méchant de pacotille, en somme, sacrifié sur l’autel de l’édulcoration à outrance.
Mais au moins sert-il à quelque chose, à l’inverse des autres créatures, juste bonnes à occuper l’affiche. On ne voit les cinq monstres réunis qu’à la faveur de la réanimation de la créature de Frankenstein. Au-delà de cette scène, elles n’apparaissent qu’au petit bonheur la chance, et parfois de manière totalement gratuite. Dans le souci d’illustrer les peurs enfantines du monstre dans le placard, et sous couvert de la blague, la momie prend momentanément la pose dans la chambre d’Eugene, le benjamin de la bande, puis s’enfuit par la fenêtre sans demander son reste. La créature du lac n’est pas plus active, n’apparaissant que pour fiche la trouille aux gamins mais se montrant au final bien peu menaçante. Plus bestial, le loup-garou fait un temps illusion (son réveil à l’arrière d’une ambulance) avant de souffrir à son tour des contraintes d’un spectacle tout public. Il grogne beaucoup pour peu de dégâts. Au milieu de cette hécatombe, seule la créature de Frankenstein parvient à tirer son épingle du jeu. La raison en est simple et se résume à son caractère foncièrement gentil dont la maladresse ne lui occasionne plus l’ire de la population. Sa rencontre avec une fillette, en l’occurrence Phoebe, s’effectue sans anicroches et débouche sur une belle amitié. A tel point que la créature en oublie sa mission initiale : récupérer le livre d’incantations en allemand et tuer les gamins si ceux-ci opposent une trop grande résistance. Au lieu de quoi il sympathise avec eux, trop heureux qu’on le considère autrement que comme un monstre. En cela, il se rapproche d’un E.T. voire plus sûrement d’un Gizmo dans son apprentissage des mœurs et coutumes de ces jeunes gens. Il devient une sorte de doudou à la présence providentielle lors d’un final spectaculaire mais vain.
Le concept de Monster Squad est le prototype même de la fausse bonne idée. L’univers du bestiaire de la Universal se marie fort mal avec celui de ces adolescents, des geeks avant l’heure qui trouvent dans cette lutte improbable le meilleur moyen d’exister aux yeux du Monde. La carte de visite à l’effigie du Monster Squad exhibée fièrement à l’armée en guise de signature ne revêt pas d’autre but. A titre plus personnel, le rondouillard de la bande, surnommé « Gros lard » par ses contempteurs, leur adressera un tonitruant « Je m’appelle Horace ! » après qu’il ait terrassé la créature du lac à coup de fusil à pompe. Cependant, il serait illusoire d’imaginer que chaque membre du Monster Squad se réalise à la suite de cette aventure. Dans un élan égalitaire involontaire, les gamins ne se retrouvent pas mieux servis que les monstres. Ils se révèlent tous assez fades lorsqu’ils ne sont pas carrément risibles à l’instar de Rudy, le rebelle de bac à sable. En outre, lors de ce combat séculaire entre le Bien et le Mal, on ne les sent jamais en danger, la faute à un parti pris qui préfère tourner les monstres en ridicule plutôt que d’en rappeler le potentiel effrayant. C’est comme ça que l’on se retrouve avec un loup-garou terrassé par un coup de pied dans les couilles ou un Dracula mis momentanément hors d’état de nuire à l’aide d’une part de pizza garnie à l’ail plaquée sur sa joue. Des détails qui collés bout à bout achèvent de plonger le spectacle dans une tristesse absolue.
Sous couvert de déférence à un genre, Fred Dekker tourne en dérision les mythes dont il s’inspire avec une ardeur désespérante sans que jamais cette association de malfaiteurs ne soit justifiée par le récit. Peut-être faut-il y voir les réminiscences des nombreuses coupes dont l’épais scénario de Shane Black a fait l’objet, ou plus simplement le résultat logique pour un projet qui s’est avant tout appuyé sur un simple argument publicitaire. Cependant, tout n’est pas à jeter dans Monster Squad. Le prologue, qui rappelle les plus belles heures de la Hammer, laisse même augurer d’un chouette spectacle, soutenu par l’excellence des maquillages signés Stan Winston (je serais néanmoins plus réservé en ce qui concerne le faciès du loup-garou) et des effets visuels de Richard Edlund. Deux pointures qui auront su prendre les choses par le bon bout, à l’inverse d’un Fred Dekker à côté de la plaque et qui allait pourtant faire bien pire dans le dézingage d’univers avec Robocop 3.