Mitraillette Kelly – Roger Corman
Machine Gun Kelly. 1958.Origine : États-Unis
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George”mitraillette” Kelly (Charles Bronson) est braqueur de banques de profession. Il officie avec une poignée de complices, dont sa fiancée Flo (Susan Cabot). Suite à l’échec d’un braquage, Mitraillette Kelly perd de sa superbe, et est contraint de se cacher. Ne supportant plus sa situation, il décide de régler ses comptes. Pour cela, il se lance dans l’enlèvement de la fille d’un riche industriel afin de redorer son blason.
Jusqu’alors cantonné aux seconds rôles, notamment dans les films de Robert Aldrich (Vera Cruz, Bronco Apache), Charles Bronson se voit offrir par Roger Corman son premier rôle en tant que vedette. Mitraillette Kelly donne en quelque sorte le véritable coup d’envoi de la carrière de Charles “Buchinsky” Bronson, durant laquelle il deviendra une vedette incontestée à défaut d’un acteur unanimement reconnu pour ses qualités d’interprétation. Encore une fois, Roger Corman a fait preuve d’un flair sans commune mesure, se montrant aussi à l’aise pour dénicher des cinéastes prometteurs que les acteurs de demain.
De prime abord, le film de Roger Corman ne semble pas se démarquer du tout venant des films noirs de l’époque. Mitraillette Kelly nous apparaît comme un bandit aux méthodes brutales (ce n’est pas Fandango qui me contredira) et contre lequel il ne vaut mieux pas s’élever. Comme tout prince du crime qui se respecte, il dispose d’une magnifique fiancée et d’une solide réputation de dur à cuir. Et pourtant, sous couvert d’un certain classicisme, Roger Corman distille ça et là des petites touches dissonantes qui donne au film un cachet tout personnel. Roger Corman joue sur les acquis d’un genre pour mieux les bouleverser. Ainsi, Mitraillette Kelly nous révèle bien vite une fêlure, qui dès lors ne va cesser de s’accroître pour finir par le fragiliser totalement. Kelly est effrayé par la mort et tout ce qui s’y rattache. Après un premier hold-up couronné de succès, la belle mécanique mise en place pour le second est rompue lorsque Kelly croise un cercueil sur sa route. Au fil du film, la figure du gangster monolithique et sûr de lui du début s’efface au profit de celle, beaucoup plus fragile et moins convenue, d’un homme complètement perdu et apeuré. Mitraillette Kelly se révèle n’être qu’un pantin entre les mains de sa fiancée, une femme plus dure qu’elle n’y paraît et à laquelle il doit son surnom. Les scènes faisant suite à l’échec du second hold-up sont à ce titre éloquentes. Obligé de se terrer par peur des représailles, Kelly trouve refuge chez la mère de sa fiancée où il doit chaque jour affronter ses quolibets, celle-ci ne manquant pas une occasion de le traiter de lâche. Lui, la terreur des bas fonds se fait mettre plus bas que terre par deux bonnes femmes. Les temps sont durs pour les gangsters ! Tout ce qui suit, résulte de la volonté de Kelly de prouver à ces femmes qu’il est un vrai mec, un dur de dur. Il se lance en quelque sorte dans une course effrénée pour la réhabilitation de sa virilité bafouée.
On connaît le talent de Roger Corman pour réaliser des films de bonnes tenues pour trois fois rien. Il s’avère également être un formidable directeur d’acteurs. Charles Bronson et Susan Cabot sont tous deux parfaits. Plus le premier révèle ses faiblesses, plus la seconde s’affirme comme une femme à poigne, à des lieues de la simple compagne du héros qu’elle semblait être au départ. Roger Corman s’est amusé à redistribuer les rôles à sa guise, et n’hésite pas à martyriser ce pauvre Kelly, dont la stature d’ennemi public n°1 s’effondre complètement à la fin du film. Méconnu, Mitraillette Kelly compte parmi les très bons films de gangsters, rien de moins. En outre, il constitue l’un des points d’orgue de la carrière de Charles Bronson, ce dernier s’étant sans doute laissé aller à trop de facilité tout au long de celle-ci. Quant à Roger Corman, il s’affirme comme un réalisateur capable d’exceller dans tous les genres.