CinémaComédie

Sept ans de réflexion – Billy Wilder

septansdereflexion

The Seven Year Itch. 1955

Origine : Etats-Unis
Genre : Comédie
Réalisation : Billy Wilder
Avec : Marilyn Monroe, Tom Ewell, Evelyn Keyes, Sonny Tufts…

Un film qui, s’il n’est pas le plus réputé des films de Marilyn Monroe (ce privilège allant certainement au fantastique Certains l’aiment chaud, du même Billy Wilder), est celui qui a immortalisé l’actrice dans une pose aujourd’hui mythique : la fameuse scène où la jupe de la belle se soulève au-dessus d’une bouche de métro. Une scène iconifiée, reproduite mainte et mainte fois dans diverses imitations et qui par ailleurs fut d’une grande difficulté à réaliser pendant le tournage du fait de la jalousie excessive du mari de Marilyn à l’époque, le grand joueur de baseball Joe DiMaggio, qui vécut plutôt mal que son épouse se fasse reluquée et sifflée ainsi par les 5000 voyeurs présents dans la rue lors du tournage. Un bruit de fond perturbant qui ne dérangea pas que DiMaggio, puisque le preneur de son et le réalisateur durent s’arracher les cheveux devant l’évidence : tant de boucan rendait impossible le tournage, tant est si bien que la scène dûe être retournée intégralement en studio. La folie Marilyn était alors galopante, et la vie privée de l’actrice débordait alors sur sa vie professionnelle : non seulement sa liaison avec Joe DiMaggio tournait alors à sa fin, mais en plus l’actrice, dépressive, se révèla plutôt instable tout au long du tournage et eut beaucoup de mal à mémoriser son texte, ce qui provoqua une partie des sifflets dans la scène de la jupe. D’ailleurs, même en studio, 40 autres prises furent nécessaire pour boucler cette scène. Le jeu en valait la chandelle, même si à vrai dire, au coeur du long-métrage, cet instant ne se révèle pas si notable que ça, s’inscrivant dans un scénario faisant de Marilyn une ingénue parfaite qui du début à la fin se fait remarquer par son innocence virant à la stupidité et par un total manque de pudeur témoignant justement de cette naïveté sexuelle qui donne au personnage cette aura mythique, la marque de fabrique de l’actrice, véritablement à tomber raide. Les bimbos actuelles ont beau tenter de s’inspirer de Marilyn, elles ne lui arrivent pas à la cheville. Il faut dire qu’en ce temps-là, les réalisateurs avaient du talent, et que les scénarios dépassaient de très loin les imbécilités dominant l’industrie hollywoodienne actuellement. Billy Wilder adapte ici une pièce de théâtre signée George Axelrod, et c’est donc logiquement que son film se passe pour la plus grande partie dans un appartement, où un brave père de famille nommé Richard Sherman (Tom Ewell) se voit libéré de sa famille pendant l’été, comme tant d’autres mâles américains. Se jurant d’obéir aux instructions de sa femme et de ses docteurs, il prévoit de se concentrer sur son travail et de ne pas boire ni fumer. Mais l’arrivée d’une jeune femme (Marilyn Monroe) ayant loué l’appartement du dessus pour les vacances va bouleverser ses plans, et il aura bien du mal à résister à la tentation véhiculée par cette belle plante…

Film gentiment coquin pour l’époque, Sept ans de réflexion s’interesse aux liens sacrés du mariage et aux envies sexuelles qui prennent en tenaille ces américains moyens dans une Amérique des années 50 toujours assez prude et moraliste. Ici, il n’est pas question de sentiments : tout est une question d’attrait physique, et c’est une véritable jouissance qu’inspire la vue de ce bon petit citoyen père de famille et époux aimant perdre complètement la tête face à une Marilyn Monroe idéale en ingénue, qui représente la perfection physique même, et dont le personnage n’a du reste même pas à être nommé, puisque seule l’attirance qu’elle inspire est en jeu. Wilder sait qui il filme, Marilyn sait très bien sa réputation, et c’est donc fort logiquement que plusieurs clins d’oeil seront fait au statut de la star. C’est ainsi que Sherman perdra la tête en voyant une des photos de sa voisine dans un magazine, qui est en réalité une vraie photo de mode de Marilyn, prise dans un contexte tout autre que celui du film. Le nom de l’actrice sera même une fois mentionné dans un dialogue opposant Sherman à un homme venant lui donner des nouvelles de sa femme :
– Quelle blonde dans la cuisine ?
– T’aimerais bien savoir, hein ! Peut-être Marilyn Monroe !
En envoyant la Reine du glamour dans la vie de cet américain moyen, Wilder joue donc bien entendu la carte de la comédie, et, chose plutôt logique vu l’histoire, on se prendra plusieurs fois à penser aux dessins animés, tant le personnage de Sherman ne tient plus en place. Le loup de Tex Avery en train de baver devant une pin-up dans Red Hot Riding Hood (1943) est ainsi indirectement évoqué, de même que les célèbres oppositions entre le petit ange et le démon apparaissant au dessus des épaules du personnage pour le conseiller, à ceci près qu’ici c’est le personnage lui-même qui fait parler ces deux voix, l’inspiration démoniaque succédant immédiatement à l’inspiration angélique. Parfois, Wilder va plus loin que le côté un peu cartoon et l’une des scènes, très osée et très symbolique, montre Sherman face à sa voisine, en train de tenir une bouteille de champagne entre ses jambes pour la déboucher avec grands fracats, le liquide giclant partout…

Pourtant, cet humour, qui suffit déjà à rendre le film excellent, se double d’un vrai propos peu conventionnel sur les attirances physique qu’éprouve un homme, même marié. Le mariage, à l’époque vu comme la fin du libertinage et comme le début d’une vie bien rangée, n’est après tout qu’une contrainte morale, qui quoi que l’on en pense ne met pas fin aux légitimes penchants biologiques de l’homme (et de la femme ? C’est possible : l’épouse de Sherman, dont on entend les paroles lors des conversations téléphoniques, laissent à penser qu’elle-même est de son côté attirée par un autre homme… mais il peut également s’agir uniquement des excuses que s’invente le mari perturbé). Wilder légitime cette attirance par la rigolade en nous montrant donc un personnage cherchant à se prouver qu’il reste encore lui aussi attirant pour les femmes, alors qu’il est lui-même sujet à des pulsions certaines qu’il tente de faire taire en se remémorant avec bien du mal ses devoirs de fidélité dûs à son mariage. Mais derrière cela, Wilder évoque le côté naturel de l’attirance physique (la fameuse théorie de la “démangeaison des sept ans de mariages” qui veut que cette année soit la plus dure pour l’époux), sans pourtant ne jamais dire si ou non l’homme se doit d’y céder. Jusqu’au bout on se demander si oui ou non Sherman va coucher avec sa voisine : lorsque l’on croit que oui, notamment après quelques baisers, il se passe quelque chose qui viendra changer la donne, et lorsqu’on croit que non, qu’il est résolu à tenir bon, Marilyn revient encore plus tentatrice que dans la scène précédante. Le film ne baisse jamais de rythme et accentue encore le calvaire du héros en l’entourrant d’autres hommes mariés mais esseulés, qui, eux, cèdent sans remords à des tentations pourtant bien moindres que celle que représente Marilyn : le concierge qui se vante de fréquenter une dondon du coin promenant son caniche obèse, ou encore le patron de Sherman qui s’adonne au jeu et à la boisson…
Le premier des deux films de Billy Wilder avec Marilyn Monroe est un vrai régal, un chef d’oeuvre comme on n’en fera plus, tant la vulgarité a pris le pas sur l’imagination (sur un sujet similaire, maintenant on a droit à une télé-réalité appelée L’Ile de la Tentation… merci bien !), tant la provocation stérile est devenu la norme et la morale l’exception (du moins dans les comédies Hollywoodiennes), et tant Marilyn Monroe est morte, tout comme Billy Wilder…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.