Les Rats attaquent – Robert Clouse
Deadly Eyes. 1982Origine : Canada
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En prenant la décision de faire brûler toute une cargaison de maïs à destination du Tiers-monde jugée non conforme aux normes d’hygiène, Kelly Leonard, employée par le Département régional de la santé, donne le la d’une invasion de rats sans précédent. D’abord discrets, ceux-ci font de plus en plus de morts jusqu’à l’assaut conjoint d’un cinéma et d’une rame de métro le jour de son inauguration en grandes pompes à laquelle est justement présente Kelly, en compagnie du fils de son nouveau compagnon, l’enseignant Paul Harris.
A l’origine du film se trouve un roman à succès de l’écrivain anglais James Herbert, Les Rats, qui donnera naissance à une trilogie. A l’époque, seuls les deux premiers volumes ont paru. Le film de Robert Clouse préfère néanmoins se concentrer uniquement sur les événements relatés par le premier ouvrage. Concis, généreux en passages sanguinolents et évoquant autant le film catastrophe que les films de zombies par l’inéluctabilité de l’invasion, Les Rats n’oublie pas de se doter de quelques considérations politiques de bon aloi. De ces dernières, l’adaptation cinématographique s’en passe allégrement. Produit par la Golden Harvest, fameuse compagnie de production hongkongaise qui a réussi à investir le marché occidental avec les films de Bruce Lee puis de Jackie Chan, Les Rats attaquent s’inscrit en mode mineur dans la mouvance du film catastrophe alors en phase d’extinction. En règle générale, ladite catastrophe se déclenche durant la première demi-heure, ce qui laisse tout le loisir aux différents protagonistes de se débattre avec ses conséquences. Dans le cas présent, Robert Clouse repousse au maximum l’instant des deux attaques massives des rats, ne nous donnant à ronger pendant une bonne heure (sur 1h24 de film !) que quelques menues agressions à l’incidence quasi nulle sur le cours du récit.
En terme de gestion du récit, le réalisateur du Jeu de la mort –dont il se fait un plaisir d’en diffuser quelques extraits en guise de clin d’œil par l’entremise du film projeté dans le cinéma qui subit l’attaque des rats– se montre particulièrement déconcertant. Pour commencer, il me paraît ardu d’intéresser le spectateur à des événements qui n’ont quasiment aucun impact sur le fil de l’intrigue. La première attaque des rats est sur ce point frappante. Alors qu’elle a eu la gentillesse de convier ses amis chez elle, et après qu’elle en ait pris congé, une étudiante meurt dans l’indifférence générale, dévorée par une horde de rats noirs affamés. Il n’y a pas un seul de ses prétendus amis pour s’inquiéter le lendemain de son absence, ni même un entrefilet dans la presse pour évoquer cette mort aussi atroce qu’inhabituelle. Par contre, pour s’apitoyer sur la morsure à la main du basketteur vedette de l’université, alors là, il y a du monde ! Pourtant, à ce stade du film, il était déjà possible d’établir un lien entre cette morsure et la mort de l’étudiante. D’autant que Kelly Leonard a été dépêchée au chevet du sportif… Malheureusement pour les pauvres victimes à venir, la demoiselle paraît davantage préoccupée par sa solitude à combler que par la présence éventuelle de rats à la taille démentielle dans les égouts de la ville. Il faudra que George meure, employé aux basses besognes de ce même Département régional de la santé, pour qu’elle consente à retrouver un chouïa de professionnalisme. Dommage qu’il n’en aille pas ainsi de Robert Clouse, toujours aussi inconséquent dans la manière d’aborder son sujet.
Déjà incapable d’insuffler une once de rythme et de tension à son récit, Robert Clouse se permet en outre de digresser autour d’historiettes aussi passionnantes que de savoir si l’étudiante Trudy va réussir à séduire Paul Harris, son professeur ; ou si ce dernier va pouvoir couler des jours heureux en compagnie de Kelly Leonard. Encore plus fort, il ose s’aventurer sur le terrain du vaudeville en guise de préambule à ce qui est censé constituer le clou du spectacle : les attaques simultanées d’un cinéma et d’une rame de métro. De fait, Les Rats attaquent s’apparente davantage à un soap opera qu’à un film catastrophe. En se bornant à maintenir l’invasion des rongeurs en marge du récit, Robert Clouse se (nous) prive de toute montée de psychose, et partant, de tout suspense. J’évoquais plus haut le réveil de Kelly Leonard à l’aune du décès de George, son collègue. A l’échelle du film, son réveil relève de l’épiphénomène. La campagne –légère– de dératisation qu’elle mène alors via la diffusion de gaz dans les égouts de la ville semble mue par le seul souci de se donner bonne conscience. Toutefois, si Robert Clouse se garde bien de s’étendre sur ses résultats, il ose enfin, quoique timidement, élargir les implications de cette menace au maire de la ville. Ce dernier, dont la présence à l’écran ne doit pas excéder les cinq minutes, s’offusque du communiqué de presse prétendument alarmiste de Kelly Leonard, jugé inopportun le jour de l’inauguration d’une rame de métro par ses soins. On pourrait alors penser qu’en connaissance de cause, la membre du Département régional de la santé chercherait à annuler ladite inauguration, ou tout du moins à mettre en garde l’édile courroucé. Que nenni ! Elle accepte même de bonne grâce son invitation à cet événement municipal, comme convaincue du total succès de son opération. Cette façon de mésestimer le danger s’inscrit dans la logique du film catastrophe, mais ici, elle intervient bien trop tard. En fait, Les Rats attaquent souffre de ne réellement démarrer qu’au bout d’une heure, se terminant au moment où cela promettait de devenir enfin intéressant. Autrement dit, lorsque la population n’a d’autre choix que de se rendre à l’évidence de la présence menaçante d’une nouvelle espèce de rats qui non seulement ne craint plus l’Homme mais s’en repaît goulûment.
Par ailleurs, le film échoue également sur le plan des agressions animales dont le rendu appelle plus à rire qu’à s’effrayer. Il n’y a de toute évidence aucun plan reposant sur de vrais rats, même lors de plans d’ensemble. Il s’agit essentiellement d’animatronique lors des gros plans et sans doute de petits chiens voire des chats déguisés lors des scènes où les rats arpentent les égouts. Devant s’adapter à un budget riquiqui, Robert Clouse en appelle au système D et à l’énergie de ses figurants, fort utile lorsqu’il s’agit de simuler une agression en remuant en tout sens la peluche au poil sombre censé vous dévorer. Si sur point, le réalisateur n’est guère à blâmer, il le devient par certains de ses partis pris, aussi incongrus que peu inspirés. Ainsi, chaque apparition des rats se voit soulignée d’une sorte de gimmick musical strident, peut-être dans le but de nous faire sursauter. Et comme si cela ne suffisait pas, il fait émettre à ses rongeurs des sons qui les rapprochent des félins. Allez prendre cette histoire au sérieux après ça !
Il est entendu que Robert Clouse n’est pas de ces cinéastes dont on attend monts et merveilles. Néanmoins, à défaut d’une grande implication, il a su par le passé faire montre d’efficacité, notamment lors du final de New York ne répond plus, qui se déroulait déjà dans les entrailles du métro. De l’efficacité, Les Rats attaquent n’en déploie guère, préférant les amourettes étudiantes à l’invasion souterraine, et nous gratifie même de quelques énormités qui finissent de nous achever. La meilleure ? Voir le couple de héros regagner le quai du métro à bord d’une machine qui quelques minutes auparavant ne pouvait plus fonctionner sous l’effet dévastateur de cette horde de rats déchaînés –et malins !– qui venait de ronger tout le système électrique. Comme quoi, l’amour ne donne pas seulement des ailes mais s’avère aussi régénérateur pour des machines en perdition.
Je me souviens de ce film. Faire bouffer un bébé dans son landau par un gros rat, ça marque, surtout que ça m’a fait penser au livre Les Rats de James Herbert qui racontait l’envahissement de Londres par des rats géants, et que l’on avait une scène similaire dans le bouquin. Je l’aurais vu enfant, le film m’aurait traumatisé avec tous ses gens bloqués dans une rame de métro, à la merci des rats, mais bon entre temps j’en ai vu d’autres.