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Les Pirates du métro – Joseph Sargent

piratesdumetro

The Taking of Pelham One Two Three. 1974

Origine : Etats-Unis
Genre : Thriller
Réalisation : Joseph Sargent
Avec : Walter Matthau, Robert Shaw, Martin Balsam, Hector Elizondo…

Par une journée tout à fait classique, tout semblait normal dans le métro de New York jusqu’à ce qu’une bande de quatre bandits ne prennent discrètement en otage le conducteur du train de 13h23 à destination de Pelham. Ils le forcent à arrêter son engin en pleine voie, le temps pour eux de détacher le premier wagon des autres, et de l’emmener encore un peu plus loin, jusqu’à ce qu’il se retrouve en plein tunnel entre deux stations. Là, les quatre bandits, Mr. Blue, Mr. Green, Mr. Grey et Mr. Brown, font connaître leur première exigence aux responsables de la sécurité du métro de New York, dont le lieutenant Garber (Walter Matthau) est le chef : que la ville leur livre un million de dollars pour dans une heure. Chaque minute de retard sera sanctionnée par la mort d’un des passagers du wagon…

New York en 1974 n’est pas une ville très reluisante. L’économie est en berne, les classes moyennes et aisées commencent à fuir, et, surtout, la criminalité explose. C’est dans ce contexte tendu qu’est réalisé Les Pirates du Métro, d’après un livre de Morton Freedgood (caché sous le pseudonyme de John Godey) publié l’année précédente. Un film qui, sous ses dehors de thriller à la lisière du film catastrophe, fait ressortir avec un humour très pince sans rire la piètre condition de la “Grosse Pomme”. Dès le départ, le sujet même pourrait prêter à rire : le détournement d’un métro. A quoi bon ? Le propre d’un métro, à part bien sûr son aspect coupe-gorge, est d’être enterré et délimité par le système ferroviaire. Pourquoi des bandits viendraient-ils s’enterrer là-dedans, alors que toutes les issues possibles peuvent être bouclées ? C’est précisément ce que se demandent le Lieutenant Graber et ses collègues qui, tout en admettant l’absurdité de la chose (“Ils ne peuvent pas détourner un avion, comme tout le monde ?“) la vivent avec un certain détachement, un peu comme si ils étaient blasés par les absurdités de cette ville. Dès le départ, avant même que leur soit connu le détournement, ils se comportent de façon débonnaire, limite je-m’en-foutiste. Cette affaire de la ligne Pelham ne va guère changer leurs habitudes, témoins les fréquentes disputes entre Graber et le responsable de la gestion du trafic, confinant à l’absurde lorsque le premier renvoie le second “jouer avec ses trains”, et que plus tard le second renverra la pareille au premier en lui reprochant de “s’amuser avec ses pirates”.

Au delà même de ces deux personnages, ce seront toutes les catégories d’officiels New Yorkais qui se feront remarquer par leur cynisme et par leur manque de sérieux. Ainsi, le maire a peur d’aller en public parce qu’il sait qu’il va encore se faire huer, mais finit par y concéder lorsque son adjoint lui fait remarquer qu’il y a là l’occasion de s’assurer au moins dix-huit voix (soit le nombre d’otages à sauver) aux prochaines élections. La police civile a également bien du mal à comprendre la position de leur collègue de la police du métro, et même les conducteurs de la voiture chargée d’amener le million de dollars arriveront à se planter lamentablement, faisant un tonneau avant d’arriver au but. Quant à Rico, l’adjoint de Graber, il vit tout cela avec humour, n’hésitant pas à faire part de ses mauvaises blagues à son patron, et même aux bandits avec lequel il se retrouve une fois en contact. Bref, si ce n’est pas de l’incompétence totale et générale, cela s’en rapproche fortement. Même le sort des otages est sujet à dérision (“après tout, pour 35 cents, ils vont pas se plaindre”). Tout en étant excédé, Graber ne se bouge pourtant pas trop non plus, ne sortant jamais de son bureau. Walter Matthau, spécialisé dans la comédie (n’oublions pas son célèbre duo avec Jack Lemmon), se fond parfaitement dans son rôle de Lieutenant blasé et résigné à la tête d’une escouade d’imbéciles. Particulièrement savoureux, les dialogues réussissent malgré tout à éviter de plonger le film dans un genre ouvertement comique, le plaçant plutôt au niveau de la satire de l’administration new-yorkaise. Plutôt subtil, cet humour se prolonge également chez les bandits, dont le chef, Mr. Blue (Robert Shaw) se fait remarquer par son style britannique, très courtois et très flegmatique y compris dans ses exigences les plus extrêmes, ce qui lui donne parfois des allures de John Cleese. Ses trois complices, inconnus les uns des autres et désignés par une couleur (Tarantino reprendra le principe dans Reservoir Dogs), s’alignent sur son style. Tous sont des quinquagénaires grisonnants, avec petite moustache et chapeau noir. Ce qui jure parfois avec leurs personnalités, comme par exemple pour Mr. Grey, un fou de la gâchette, et qui continue donc à entretenir la dérision de cette situation impossible qu’est le détournement d’un métro.

Malgré tout, Joseph Sargent, réalisateur chevronné (notons au passage que Steven Spielberg fut un temps considéré pour réaliser le film), ne délaisse jamais l’aspect thriller. Là est la principale force du film : tout en étant une satire très drôle et très cynique, le suspense reste toujours permanent. Entre les attentes des bandits et l’incompétence des autorités, Sargent parvient à rester sérieux, jusqu’à montrer la mort de quelques personnes, histoire de prouver que la menace est réelle. La satire en ressort d’autant plus renforcée. La conception du film elle-même fut clairement conçue comme celle d’un film dans la tradition des films sur le New York des années 70, avec ce métro sale et peuplé d’individus de tous horizons (les otages témoignent ainsi de cette diversité : une alcoolique, une hippie, des hispano-américains, un noir ancien du Vietnam, un vieux, une prostituée, un vieux grande gueule…), avec une bande-son “urbaine” et assez funky, avec le sérieux d’un montage gérant parfaitement les différents lieux de l’action et à rendre le tout cohérent…
A tous les points de vue, Les Pirates du Métro est un vrai régal.

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