CinémaFantastiqueMusical

Les Noces funèbres – Mike Johnson & Tim Burton

nocesfunebres

Corpse Bride. 2005

Origine : États-Unis 
Genre : Conte gentiment macabre 
Réalisation : Mike Johnson & Tim Burton 
Avec les voix de Johnny Depp, Emily Watson, Helena Bonham-Carter, Albert Finney…

Nous sommes au 19e siècle, dans une obscure petite ville d’Europe de l’est. Là, un jeune homme un peu gauche, Victor Van Dort, s’apprête à épouser Victoria Everglot, une jeune femme qu’il voit pour la première fois à l’occasion des répétitions de leur cérémonie de mariage. Celles-ci se déroulent fort mal, Victor accumulant les maladresses. Sommé de reprendre ses esprits par l’intraitable pasteur Galswells, Victor se réfugie dans les bois alentours, répétant inlassablement le serment qu’il doit prononcer. Se faisant, il enfile malencontreusement la bague de fiançailles à une branche qui prend soudainement vie. Par inadvertance, le jeune homme a épousé la défunte Emily, qui attendait ce moment depuis son décès. Le voilà donc marié et prisonnier du royaume des morts.

Les années 2000 ont amené leurs lots de bouleversements dans la vie de Tim Burton. Je ne m’étendrais pas sur le sujet tant celui-ci a déjà été évoqué dans les textes portant sur Big Fish et Charlie et la chocolaterie. Néanmoins, ces bouleversements s’inscrivent dans la continuité d’une volonté de changement de la part de Tim Burton amorcée avec La Planète des singes. A cette époque, le cinéaste souhaitait se prouver qu’il était capable de faire autre chose que du “Burton”, autrement dit, qu’il pouvait investir un autre univers que le sien. Ceci fait, il s’est ensuite consacré aux deux films précités, nettement plus personnels, et quelque part, conditionnés par sa « nouvelle vie ». Pourtant, que ce soit Big Fish ou Charlie et la chocolaterie, aucun des deux films n’a rencontré la même résonance que ses œuvres passées. Au contraire, ils ont même provoqué l’ire des spectateurs les plus fidèles du cinéaste, ces derniers n’ayant pas compris son revirement vers une vision plus optimiste des choses. Dans ce contexte, l’annonce des Noces funèbres a su raviver l’impatience de ces mêmes fidèles. Inspiré d’un conte russe, l’histoire du film renvoie à toute l’imagerie gothique et gentiment macabre si présente dans l’œuvre de Tim Burton. Ce projet, qu’il a longuement mûri, sonne comme la promesse d’un retour aux sources rédempteur, dans la droite lignée de L’Etrange Noël de Monsieur Jack, précédente immersion du cinéaste dans le domaine de l’animation et à l’aune duquel Les Noces funèbres se retrouve inévitablement comparé. A tort, car s’il existe effectivement des similitudes entre les deux films, la démarche de Tim Burton diffère de l’un à l’autre.

Les Noces funèbres a un côté moins récréatif que son prédécesseur, notamment parce qu’il se calque sur la personnalité de Victor Van Dort, le héros plutôt introverti du film. Et, contrairement à bien des personnages “burtoniens”, Victor n’a pas vraiment de but. De tout le film, il ne fait que subir les événements et, lorsqu’il choisit d’embrasser son destin à bras le corps, il y a toujours quelqu’un qui au final décide à sa place. Jeune homme effacé, à la maladresse touchante et d’une gentillesse rare, Victor est la victime toute désignée d’une société par trop rigoriste… et matriarcale. A l’image de certains classiques de Walt Disney (Cendrillon, Blanche Neige et les sept nains, Les 101 dalmatiens), les hommes sont à la merci de marâtres omnipotentes. Que ce soit William Van Dort ou Finis Everglot, tous deux vivent sous la coupe de leurs épouses, véritables maîtres d’œuvre de ce mariage arrangé. Sans être aussi pète-sec que leurs aînées, Victoria comme Emily se distinguent par leur volonté de fer. A côté d’elles, tous les personnages masculins ne sont que lâcheté, passivité, fausseté et veulerie. Et Victor, pauvre hère, de se retrouver ballotté entre ces deux femmes aussi décidées que lui est indécis. D’abord désireux de retrouver le monde des vivants et sa future promise Victoria, il finit par accepter son sort avec fatalisme, à la fois touché par la triste histoire de Emily et sa détresse, et conscient de l’impasse dans laquelle il se trouve. Victor n’est pas homme à renverser les montagnes pour retrouver son aimée, encore moins lorsqu’un monde les sépare.

Par son attitude et son apparence, Victor évoque le Ichabod Crane de Sleepy Hollow, mais aussi le Vincent du court-métrage éponyme de Tim Burton dont il partage le même faciès anguleux. Une double filiation qui n’étonne guère tant Tim Burton met beaucoup de lui dans ses personnages et que Johnny Depp, qui prête sa voix à Victor, est son plus fidèle alter ego. Mais je ne pousserai pas le bouchon jusqu’à penser que ce triangle amoureux fait directement écho à la vie intime du cinéaste. Quoiqu’il en soit, ce personnage lisse qui s’efface au profit d’un personnage féminin fort, en l’occurrence Emily, rappelle également le Léo Davison de La Planète des singes et, dans une moindre mesure, le Batman de Batman le défi. Ce qui nous amène à Emily.
Personnage tragique, mais jamais pathétique, elle constitue l’intérêt majeur du film. C’est d’elle que provient son souffle fantastique ainsi que ses rares moments d’émotion, dont une jolie scène de piano joué à quatre mains qui fait écho à la rencontre entre Victor et Victoria autour de ce même instrument. Prisonnière de cette envie bien naturelle et encore prisée du mariage, elle est amenée à vivre une seconde désillusion mais de son plein gré, cette fois-ci. Beaucoup ont vu dans cette conclusion -Emily refuse le sacrifice de Victor, qui retourne donc dans les bras de Victoria- une preuve supplémentaire du reniement de Tim Burton. Or, il n’en est rien. En agissant ainsi, le réalisateur parvient au contraire à pervertir l’habituel happy end en y distillant une pointe de mélancolie. Le traditionnel « Et ils vécurent heureux et eurent plein d’enfants » passe alors en arrière plan et sonne même quelque peu égoïste à côté du sacrifice d’Emily. Il émane de cette fin une sourde tristesse qui confère une réelle grandeur d’âme à ce personnage.

En vérité, il n’y a pas grand-chose à reprocher à ces Noces funèbres, si ce n’est cette persistante sensation de déjà-vu. Ce film n’apporte pas d’éclairage nouveau sur les thématiques chères à Tim Burton et fait parfois office de compilation de son œuvre. Techniquement, le film est irréprochable (l’emploi de la stop motion est ici bluffant tant les mouvements des personnages sont fluides) même si visuellement pas aussi riche que L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Et puis le choix de dépeindre le monde des vivants avec des couleurs ternes, en opposition à celui des morts aux couleurs vives n’est pas non plus de la plus grande originalité. Mais malgré ça, c’est toujours un plaisir de se plonger dans l’univers de Tim Burton. Le bonhomme connaît son affaire et sait s’entourer (n’oublions pas l’apport du coréalisateur Mike Johnson, déjà à l’œuvre sur L’Etrange Noël de Monsieur Jack et James et la pêche géante). Plastiquement superbe, Les Noces funèbres bénéficie en outre d’un rythme enlevé, de chansons pas inoubliables mais très supportables (Prenez-en de la graine les Phil Collins et autres Elton John !) auquel s’ajoutent quelques saillies d’humour noir fort agréables. Pas un grand film mais un bon film qui redonne goût aux contes pour enfants.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.