Le Trésor du pendu – John Sturges
The Law and Jake Wade. 1958Origine : États-Unis
|
Clint Hollister, un desperado comme le Far West en produit tant, attend patiemment son exécution dans la cellule d’un bureau de shérif quelconque, sans espoir d’échapper à la potence qui lui est promise. Miracle ! Un vieux complice, Jack Wade, fait un jour irruption dans la bâtisse et le libère. Quelque peu distant avec son ancien acolyte, Jack part de son côté une fois qu’il s’est assuré qu’ils ne risquaient plus rien. Si Clint est toujours un hors-la-loi, lui s’est racheté une conduite en devenant le shérif d’une petite bourgade. Il a même trouvé une fiancée, coulant avec elle des jours heureux. Malheureusement pour lui, Clint n’est pas disposé à oublier certaines choses, notamment qu’à la suite d’un braquage, Jack avait filé avec le butin. Bien décidé à le récupérer, Clint réunit sa bande et s’en va retrouver Jack pour qu’il les guide jusqu’à lui, de gré ou de force.
Réalisateur à la conséquente carrière, John Sturges, plus habile faiseur que grand cinéaste, a toujours pu compter sur des distributions haut de gamme , voyant défiler devant sa caméra des noms aussi prestigieux que Spencer Tracy, Burt Lancaster, Kirk Douglas, Steve McQueen ou encore Gene Hackman et Clint Eastwood. Que des hommes au service d’une filmographie marquée par la testostérone et des genres idoines : essentiellement des westerns, films de guerre et autres policiers. On ne s’étonne donc pas que Patricia Owens, qui interprète le rôle de Peggy la fiancée de Jack Wade, joue les utilités dans Le Trésor du pendu, film entièrement axé sur la confrontation entre les deux vedettes qui trustent le haut de l’affiche. Cette confrontation entre deux frères ennemis, justement, n’est pas sans évoquer celle entre deux figures mythiques de l’Ouest américain, Pat Garrett et Billy le Kid, du moins telle qu’elle a été relayée par le cinéma, notamment via le magnifique film éponyme signé Sam Peckinpah. D’ailleurs, dans ce type de relation amour-haine, difficile d’omettre le nom de « Bloody Sam » dont l’essentiel de l’œuvre se nourrit de cette dualité, faisant des meilleurs amis d’hier les pires ennemis d’aujourd’hui, sans pour autant occulter les questionnements que cela peut entraîner. Mais John Sturges n’est pas Sam Peckinpah, et ce dernier en 1958 n’est qu’un réalisateur de séries télés, officiant sur L’Homme à la carabine (The Rifleman). Il ne faut donc pas attendre du Trésor du pendu qu’il se teinte de tragique ou que les relations entre Jake et Clint gagnent en profondeur tout au long du récit. Bien au contraire.
En fait, le film cloche dès son postulat posé. Ainsi, on ne comprend pas vraiment l’intérêt pour Jack Wade d’aller libérer Clint. Le personnage lui-même entretient ce flou puisqu’il regrette son geste à peine de retour chez lui. Il y a bien cette dette morale que Jack a envers Clint, le second ayant sauvé le premier de la potence par le passé, mais tout dans le comportement du néo shérif indique qu’il aurait très bien pu vivre heureux sans être tarabusté par sa conscience. Raide comme la justice, Robert Taylor ne transmet rien d’autre que de la froideur. On ne croit guère en son amour pour Peggy, et pas du tout à une quelconque amitié envers Clint. Il traverse tout le film avec l’imperturbable assurance du héros de survivre à toutes les épreuves pour mieux triompher à la fin. Ce qui ne manque pas de survenir, bien entendu. Mais avant d’en arriver là, le scénario prend bien soin de lui ménager quelques désagréments. Oh, pas grand-chose (un voyage à dos de cheval les mains menottées, sa fiancée elle aussi otage des bandits), juste de quoi appuyer son statut de héros bafoué. Finalement, le seul but de la libération de Clint est d’asseoir la droiture de Jake, par opposition aux autres membres de la bande. Jake qui risque de tout perdre, femme et métier, pour régler sa dette d’honneur. Jake qui malgré ce que ses ex acolytes lui font subir, n’en tuera aucun jusqu’au duel tant attendu avec Clint. Et enfin Jake qui soucieux de recommencer une nouvelle vie sous le prisme de l’honnêteté n’a jamais consenti à dépenser le butin dont il s’était retrouvé le seul dépositaire. Décidément, ce Jake Wade est un sacré type, qu’aucune ambiguïté ne vient entacher, pas même celle du titre originale qui tente de le dissocier de la loi. Certes, il la défie au début mais le scénario fait en sorte qu’au terme du film, il corrige son erreur, s’achetant une nouvelle fois, et pour de bon, une bonne conduite. Que ce soit la loi ou Jake Wade, cela fait peu de différence pour Clint qui dans un cas comme dans l’autre est voué à disparaître. Clint Hollister incarne donc le négatif de Jack Wade. Bandit un jour, bandit toujours pourrait être sa devise. Il ne vit que pour ça, les braquages de banques et autres menus larcins rémunérateurs. En outre, il n’hésite jamais à faire feu, ce que l’introduction se plaît à souligner. On n’a aucune peine à imaginer en lui le chef de bande. Cependant, on peut s’interroger quant à son appréciation de ses hommes. Comme si il se faisait le porte-parole du scénariste, il n’a de cesse d’encenser Jake Wade qui à l’entendre manque énormément à son organisation, chose qui déplaît fortement à certains de ses hommes, les impulsifs Rennie et Wexler en tête. Pourtant, et là nous sommes bien obligés de nous rallier à l’opinion de ses hommes, ce Jake Wade ne paie vraiment pas de mine, passif comme il n’est pas permis face à ce qui lui arrive. Alors on se dit qu’il y a autre chose derrière le discours de Clint sur les joies d’être un cow-boy solitaire, libre d’aller et d’agir comme bon lui semble. A voir sa délectation lorsqu’il évoque les quelques faits d’arme de Jake à sa fiancée, l’idée qu’il agisse ainsi autant par jalousie que par bravade affleure l’esprit. Il y a là comme le terreau favorable à un sous texte homosexuel qui ferait de Clint un homme blessé. Blessé que son ami Jake puisse être heureux loin de lui. L’argent ne revêtirait plus alors qu’un rôle accessoire, seul moyen pour que Clint passe encore du temps avec Jake et que, qui sait, il parvienne à le ramener vers lui.
Objectivement, sous texte ou pas, Le Trésor du pendu s’avère un western assez quelconque aux ficelles scénaristiques bien grosses. L’utilisation soudaine des Indiens pour permettre à Jake Wade de se débarrasser des bandits en constitue l’exemple le plus flagrant. Heureusement, le personnage de Clint bénéficie de l’apport de Richard Widmark, toujours très à l’aise dans les rôles un peu bravache, et qui vole ici sans peine la vedette à un Robert Taylor monolithique.