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Russian Transporter, mission protection – Oleg Pogodin

Непобедимый. 2008.

Origine : Russie
Genre : Action ensoleillée
Réalisation : Oleg Pogodin
Avec : Vladimir Yepifantsev, Olga Fadeva, Sergey Astakhov, Yury Solomin.

Trois ans ! Cela fait maintenant trois ans que Mikhail Shering échappe aux autorités russes ! Principal témoin dans une affaire de corruption, il possède des documents susceptibles d’intéresser à la fois le gouvernement et la mafia russe. Heureusement, sa cavale touche à sa fin. Il a été repéré du côté de l’île de Malte et les services spéciaux russes ont affrété une poignée d’agents dont leur meilleur élément Yegor Kremnyov pour l’arrêter et le ramener au pays. Mais Yegor s’apercevra bien vite que cette mission n’est pas de tout repos, Mikhail étant un homme particulièrement convoité.

Russian Transporter, mission protection est un nouvel avatar du cinéma d’action russe aux influences américaines très prononcées. D’ailleurs, la jaquette du dvd ne s’y trompe pas, présentant le film comme un savant mélange entre James Bond et Die Hard. Cependant, cette accroche s’avère un brin tapageuse. Certes, le film propose son lot de scènes d’action mais n’entretient finalement que peu d’éléments de comparaison avec les deux sagas précitées. Yegor se présente comme l’antithèse d’un James Bond. D’aspect fruste, vêtu de manière fonctionnelle, il ne brille pas particulièrement par ses manières raffinées. Lorsqu’il s’autorise un restaurant, ce n’est pas pour déguster des mets fins accompagnés de grands crus mais plutôt pour s’enfiler une bonne plâtrée de pâtes arrosées d’un alcool local. Le réalisateur ne perd alors rien de sa manière peu ragoûtante de les ingurgiter. Yegor est clairement estampillé homme du peuple par opposition à Mikhail Shering, capitaliste revendiqué. Il en résulte des rapports conflictuels qui alimentent l’humour du film basé sur les recettes éprouvées du buddy movie. Leur première rencontre donne le ton. Après que Yegor, seul survivant des sept agents affrétés à l’arrestation de Shering, ait réussi à se frayer un passage jusqu’à la villa à coups de pistolet, de tatanes et de grenades pour récupérer « la marchandise », il va vivre un véritable calvaire. Shering raille ses méthodes explosives peu discrètes pour un membre des services secrets, le qualifiant de machine à démolir. En creux, c’est bien le personnage de James Bond qui est moqué, manière de s’affranchir de cette influence avec un second degré parfaitement assumé. Et c’est justement cet humour constant qui compense un spectacle par ailleurs trop monotone.

Pour son second film après Triumf en 2000, Oleg Pogodin ne tergiverse pas et nous plonge directement au cœur de l’action. Son héros, il le caractérise en un plan unique, le premier, qui nous le montre de dos, dévoilant une profonde cicatrice qui court le long de sa nuque. Il n’en faut pas plus pour que s’imprime dans notre esprit l’image du baroudeur. La suite se propose de nous le montrer en action à grands renforts de scènes à la chorégraphie très léchée. Notre homme virevolte, bondit et se déplace avec une agilité féline, tirant dans toutes les positions même les plus incongrues avec une précision qui laisse pantois. L’influence du style hongkongais se fait ici clairement sentir, auquel se télescope cette manie toute américaine de tenir son flingue à l’horizontale dans une posture qui se veut iconique au détriment de tout réalisme. Et bien sûr, on n’échappe pas à ces mouvements à la Matrix, la caméra se figeant soudain pour pivoter sur son axe et embrasser l’image en un mouvement circulaire au ralenti, digne de visualisations d’espaces en trois dimensions via un ordinateur. Et puis il y a cette longue séquence totalement gratuite lors de laquelle Yegor part à la poursuite d’un importun venant de lui dérober sa mallette surprise. Notre agent spécial démontre là encore toute son agilité et une belle endurance dans une course-poursuite à travers la ville qui n’est pas sans évoquer celle de la varappeuse dans Rock Climber, sorti la même année. C’est une manière comme une autre de faire un peu de tourisme dans un film qui ne s’appesantit guère sur les décors naturels, préférant les intérieurs de luxueuses villas ou d’une banque, lieu de l’affrontement final. Car paradoxalement, si Russian Transporter s’avère un film où l’on court énormément (une des scènes dans le dédale des rues de la ville renvoie d’ailleurs aux Aventuriers de l’arche perdue, autre référence au cinéma américain), les personnages font finalement peu de chemin, demeurant invariablement dans la même zone qu’au début. De là à dire qu’ils tournent en rond à l’image du film, il n’y a qu’un pas…que je franchis allégrement. Passé la moitié du film, les vacheries que s’échangent à longueur de dialogue Yegor et Mikhail finissent par lasser, quand bien même le duo se dote d’une présence féminine non négligeable. Ce personnage interprété par Olga Fadeva, présentée comme la nouvelle égérie du cinéma d’action russe, n’apporte finalement que son charme à l’intrigue, sa présence ne modifiant en rien les rapports entre les deux hommes. Tout au plus participe t-elle d’une volonté de brouiller les pistes quant au véritable but de sa présence à Malte. Est-elle l’aide promise à Yegor par ses supérieurs ou travaille t-elle pour ces sbires tatoués qui pourchassent Yegor et Mikhail depuis le début ? Des questions qui obtiendront des réponses plutôt floues lors d’un final qui voit même un personnage mort réapparaître sans que personne ne s’en émeuve. A croire que les personnages, rompus à ce genre de pirouette scénaristique, ne prennent même plus la peine d’y prêter attention.

Il en va donc ainsi de Russian Transporter, film d’action correctement réalisé quoique peu différent du tout venant de la production mondiale. Cependant, par certains à-côtés, le film parvient à retenir l’attention. Loin du radieux soleil maltais, il y a ce qui se joue en coulisse, dans les arcanes des services spéciaux russe. Le spectre de la corruption y pèse de tout son poids et renvoie la Russie aux heures difficiles de son redressement à la suite de la chute de l’Union Soviétique. Avec cette histoire de blanchiment d’argent sale et de soupçons de collaboration avec les espions de l’Ouest, le film semble encore porter les stigmates de la Guerre froide. Et puis il exhale un doux parfum de nostalgie avec ces fidèles du Parti dont les actes sont mues par de louables intentions telle que rendre ces millions détournés au peuple russe via une hausse discrète des salaires et des pensions. Il y a un petit côté Robin des Bois que Yegor ne partage pas, voyant les choses avec beaucoup plus de cynisme. Malgré tout, il s’agit d’un bon patriote, bien discipliné, qui exécute les ordres sans poser de question. Un super agent entièrement dévoué à la sainte mère Russie dont je ne serais pas étonné de voir les exploits déclinés à l’infini.

Présenté comme le grand succès de la fin d’année 2008 en Russie, Russian Transporter, mission protection n’a bien sûr jamais connu les honneurs d’une sortie internationale. Au-delà de sa qualité intrinsèque -le film vaut bien certains blockbusters américains qui trustent allégrement nos salles de cinéma- je pense que ce genre de film pâtit de l’image générale du cinéma russe. A de très rares exceptions près, c’est uniquement le cinéma d’auteur russe qui s’exporte, porté par une très bonne représentation dans divers festivals. Un triste constat qui ne rend pas compte de l’extrême richesse du cinéma russe, entre autres pays d’ailleurs, et qui en donne une image vieillissante bien éloignée de la réalité.

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