Le Masque de la peur – Mansour Pourmand
Zipperface. 1992.Origine : États-Unis
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Il suffit qu’un film rencontre le succès pour qu’une cohorte d’opportunistes s’engouffre dans la brèche afin d’en récolter les possibles retombées. Derrière son titre français qui évoque davantage la période gothique de Mario Bava, Le Masque de la peur surfe sur la vague du film de serial-killer initiée par Le Silence des agneaux. Une influence qui se retrouve surtout par l’entremise du personnage principal, jeune oie blanche soudain confrontée à la noirceur de l’âme humaine. Pour le reste, nous sommes loin de la production de prestige. Destiné au marché de la vidéo, ce film réalisé par Mansour Pourmand, épisodique réalisateur iranien dont il s’agit du deuxième – et dernier – film en 20 ans, ne compte aucune tête d’affiche au générique. Pour Dona Adams (Lisa Ryder), il s’agit de son seul et unique rôle quand Jonathan Mandell (Michael Walker) achevait là sa météoritique carrière (4 films dont 3 en cette seule année 1992). Parmi les plus chevronnés, on retrouve David Clover (Harry Shine) avec notamment des participations à Hamburger film sandwich et Wargames ou encore Richard Vidan (Willy Scalia) dont le titre le plus prestigieux de sa filmographie demeure Terminator 2. Fort de ce casting de haut vol, de sa confection très télévisuelle et de son intrigue mêlant milieu de la prostitution et sphère politique, Le Masque de la peur lorgne en réalité davantage du côté de la série Les Dessous de Palm Beach, dont la diffusion a démarré l’année précédente, et qui a fait les beaux jours de TF1 les dimanches après-midi durant les années 90. Une filiation qu’accrédite le lieu de l’action, Palm City.
Fondamentalement, la figure du serial-killer ne sert ici que de produit d’appel. Engoncé dans sa tenue de cuir tout droit issue des milieux sadomasochistes, et qui évoque le costume qu’arborait Everett McGill dans Le Sous-sol de la peur, le tueur ne dispose d’aucune envergure. Sans gâcher le plaisir quant à son identité, sachez néanmoins que le bougre se révèle un brin faux-jeton au moment de justifier ses actes. Alors qu’il se présente toujours masqué à ses victimes, et que celles-ci n’ont aucun moyen de connaître son identité, il a l’aplomb de déclarer les avoir toutes tuées en leur qualité de “témoins gênants“. De toute manière, il ne fallait pas s’attendre à mieux de la part d’un tueur qui n’a de cesse de se faire écraser les joyeuses par ses futures victimes. Certains fonctionnent aux sentiments, la haine de préférence, lui marche à la douleur. Il n’en devient pas plus nerveux pour autant. Platement filmés, ses actes meurtriers relèvent davantage du passage obligé que de la volonté de secouer le spectateur. Mansour Pourmand s’attarde plus volontiers sur les victimes, de belles jeunes femmes en tenues aguicheuses dont on assiste aux derniers préparatifs avant d’entrer en scène.
L’intrigue du Masque de la peur se construit sur la base du récit policier classique mâtiné de whodunit. Si le duo d’inspecteurs patauge, les scénaristes nous offrent trois suspects en pâture au moyen de grosses ficelles. Le premier d’entre eux, Michael Walker, s’impose à nous à la faveur de ces photos de la première victime qu’il prétend ne pas connaître et qu’il s’empresse de brûler dès le départ des inspecteurs. Le second est l’inspecteur Willy Scalia, un macho de première qu’on surprend à acheter les mêmes boîtes de conserve que celles aperçues dans l’entrepôt où se tiennent les parties fines du tueur. Quant au troisième, il s’agit ni plus ni moins que du conseiller de la mairesse dont le contenu de l’attaché-case révèle malencontreusement des éléments de cuir et des menottes. Des suspects clé-en-main qui, Michael mis à part, ne suscitent aucun intérêt de la part de Lisa et Harry car totalement étrangers à l’affaire. Des leurres grossiers que le réalisateur éventent pour certains d’entre eux de manière totalement grotesque (le conseiller municipal) et sans que cela ne bouleverse outre mesure le déroulement de l’enquête. Et pour cause, puisque d’enquête, il n’y en a pas vraiment. Alors que Lisa tombe quasi immédiatement sous le charme de Michael, Harry navigue à vue avant que Willy, son partenaire habituel, ne l’oriente justement vers le photographe. L’ambiguïté du personnage est entretenue avec tellement d’emphase que cela en devient contre-productif et qu’on ne peut imaginer un seul instant que ce soit réellement lui qui se cache derrière ces meurtres. Les autres pistes amorcées ne l’ayant été que pour la blague, il paraît dès lors évident que tout se terminera par un coup de théâtre à la sauce Scooby-Doo. Le Masque de la peur ne brille pas par la finesse de son écriture. Ce qui n’est guère dommageable en ce qui concerne les personnages secondaires, leur conférant un côté pittoresque, l’est davantage lorsque cela touche l’héroïne. Alors qu’elle subit les quolibets de ses collègues, des beaufs bien dans la tradition, quant à sa fragilité supposée et son manque d’aptitude à accomplir un tel travail, elle tente vaillamment de faire front. On s’attend donc à ce qu’elle en remontre à ces machos, faisant preuve de clairvoyance et d’abnégation là où ils se complaisent dans les conclusions hâtives. Et bien non ! Le scénario la cantonne à un rôle d’ingénue tombant sous la coupe du photographe en deux temps trois mouvements, comme si au fond elle n’attendait que ça, taper dans l’œil d’un homme et se faire lourdement courtiser. Loin de lui apporter une quelconque épaisseur psychologique, ses atermoiements et ses doutes consécutifs à la culpabilité supposée de son amant contribuent à la maintenir dans sa posture de midinette. Son évolution se joue seulement sur le plan vestimentaire. Elle passe alors de la godiche à la jupe trop longue et au chemisier boutonné jusqu’en haut au bustier pigeonnant et à la jupe très courte. Comme s’il s’agissait simplement d’accompagner l’éveil de sa féminité, maintenant ainsi le personnage dans un rôle purement décoratif. Nous sommes loin de Clarice Starling.
Le Masque de la peur offre donc un piètre spectacle sur le plan du polar pur et dur mais surprend par certains de ses à-côtés. Outre l’implication d’un homme d’église au sein d’un réseau de prostitution, l’intrigue se permet une charge virulente contre les méthodes politiciennes sur fond de campagne électorale. Obnubilée par sa réélection, la mairesse Angela Harris multiplie les effets d’annonce et les coups médiatiques à l’instar de la promotion de Lisa Ryder alors que son seul fait d’arme a été de vider son chargeur dans le dos d’un malfrat. Face à cette vague de meurtres, l’édile ne cherche pas tant à ce que la police arrête le coupable mais à ce qu’elle trouve quelqu’un à mettre derrière les barreaux afin de pouvoir rassurer la population. Et pour cela, elle n’hésite pas à faire pression sur le commissaire. La fonction n’en sort pas grandie même si dans le cadre du film, et compte tenu du traitement de l’héroïne, un fond de misogynie n’est pas à exclure.