Le Fils de Chucky – Don Mancini
Seed of Chucky. 2004.Origine : États-UnisGenre : GaudrioleRéalisation : Don ManciniAvec : Jennifer Tilly, Brad Dourif, Billy Boyd, Redman… |
La gestation aura été longue, mais enfin, bon an, mal an, le cinquième Chucky aura fini par voir le jour. La cause de ce délai ? Certainement pas les idées, puisque Don Mancini, père de la saga, avait tout prévu dès la sortie de La Fiancée de Chucky. La raison provient plutôt de la nature de son scénario, catégoriquement rejeté par Universal. C’est que dans la foulée du mariage avec Tiffany, et embrayant sur les derniers instants du film précédent, le nouvel opus allait encore développer cette histoire familiale désormais de plus en plus burlesque. D’autant que Mancini comptait bien profiter du dernier-né de la famille Ray (nom de famille de Chucky et Tiffany), poupée asexuée, pour aborder le thème de l’identité sexuelle. C’en était trop pour la Universal, qui opposa une fin de non recevoir. Ce n’est donc qu’en 2003 que Mancini put recevoir un feu vert, en l’occurrence celui du studio indépendant Rogue Pictures, moyennant un tournage en Roumanie. Et pour l’occasion, le scénariste fit ses premières armes en tant que réalisateur…
Quelque part en Angleterre, une poupée baptisée “Shitface” par son propriétaire est animée d’une vie propre. Un talent bienvenu pour ledit propriétaire, qui en profite pour se faire passer pour un ventriloque de génie. Mais Shitface n’est pas heureuse. Maltraitée, elle se pose des questions sur elle-même, et notamment sur ses origines. C’est en découvrant à la télé qu’Hollywood est en train de tourner un film au sujet d’une légende urbaine impliquant deux poupées tueuses, Chucky et Tiffany, qu’elle comprend tout : elle est le fruit des entrailles de ces deux serial-killers en latex ! Réussissant à se faire la belle, à prendre l’avion et à pénétrer dans le studio où Chucky et Tiffany sont stockés, Shitface entreprend de les réanimer via le seul héritage familial dont elle dispose : un médaillon vaudou. Voilà donc la famille réunie, et avec un objectif en tête : redevenir de chair et de sang ! Et puisque l’actrice Jennifer Tilly traîne dans les parages, et que Tiffany n’a qu’adoration à son égard, c’est elle et son entourage qui serviront de réceptacles…
Gageons que les 5 ans et quelques qui séparent La Fiancée de Chucky du Fils de Chucky n’ont pas changé grand chose au scénario qui avait été proposé à la Universal. Les personnages sont bien entendu les mêmes, mais aussi la tonalité générale, l’esthétique et ce gros côté “post-moderne” hérité de la vague Scream sont coulés dans le même moule. Mais, ainsi que le veut la tradition, tout y est encore plus souligné, avec les risques que cela induit. Si le précédent film misait sur l’irruption de Tiffany pour faire glisser le concept de la poupée tueuse du simple slasher à la comédie horrifique truffée de clins d’oeil, celui-ci va encore plus loin en agrémentant le couple d’un singulier rejeton. Il en résulte que si sur la forme nous restons bien dans un film d’horreur, dans le fond nous sommes dans une pure comédie dont le ressort principal est tout aussi mince que celui servant de trame aux slashers que furent les trois premiers films. C’est à dire qu’en lieu et place d’une enfilade de meurtres, Mancini nous propose les aventures d’une famille “déjantée”, pour reprendre un terme à la mode. Et pourquoi pas, après tout ? Mariés, deux enfants ou encore Les Simpsons sont deux exemples réussis de ce créneau. Sauf que Mancini ne s’arrête pas là : outre un papa beauf et une maman romanesque (telles sont les caractérisations de Chucky et de Tiffany, invariables tout du long), il y ajoute encore le mal-être de l’enfant en quête d’identité sexuelle, et même d’identité tout court. Il y a aussi le fait que ces personnages soient des poupées avec des préoccupations et des attitudes d’humains. Et par dessus le marché des poupées tueuses voulant se réincarner dans des enveloppes corporelles bien plus adaptées à leurs besoins. Mais ce n’est pas fini ! Là dessus le réalisateur / scénariste y rajoute une bonne louche de mise en abîme avec le double emploi de Jennifer Tilly, choisie pour être le réceptacle d’une Tiffany alors qu’elle lui prête déjà sa voix. Vous en voulez encore ? La même Jennifer Tilly en profite pour tourner lourdement en dérision sa propre carrière. Encore ? Mancini use et abuse de références cinématographiques ou à la “pop culture”, confiant un caméo à l’excentrique John Waters, un rôle en bonne et due forme au rappeur Redman, remet en scène le “twist” de Psychose (ainsi que l’inévitable scène de douche), convoque la créature de Frankenstein, le loup-garou et un zombie dans les studios hollywoodiens, cite textuellement le magazine Fangoria pour plaire à son public d’amateurs de cinéma horrifique et donne un coup de coude hilare à ces derniers en s’en prenant à la figure trop commerciale de Britney Spears, incarnée par un sosie… Et ne mentionnons pas les orientations scénaristiques, dont la seule philosophie est la maxime “plus c’est con plus c’est bon”.
Il va sans dire qu’avec tout ça, Mancini tire une bonne fois pour toute le rideau sur le Chucky des origines, là où La Fiancée de Chucky avait eu la décence de ne pas jeter un voile trop pudique sur les trois premiers films de la saga. Non pas que ce Chucky originel ait jamais volé bien haut, mais enfin il est toujours triste d’assister à un racolage éhonté pour s’inscrire dans l’air du temps. Le Fils de Chucky tombe donc dans ce travers, et c’est cette fois sans retenue aucune que Mancini se lance tête baissée dans la foulée référentielle des Scream sur le mode pétaradant d’une tarantinerie (Tarantino a d’ailleurs été contacté pour tenir le rôle finalement échu à Redman). Mancini veut faire un film “cool”, “rigolo”, se créer une base de fans, et il sort pour cela l’artillerie lourdingue mentionnée dans le paragraphe précédent. Au gré des humeurs ou du seuil de tolérance de chacun, le n’importe quoi assumé aura vite fait de devenir insupportable. Le mauvais esprit que le réalisateur cherche par tous les moyens à insuffler (et qui se concrétise par des scènes aussi délicates que Chucky se masturbant, Tiffany montrant ses seins ou Jennifer Tilly passant son temps à minauder de sa voix de crécelle) tourne en fait à la stratégie marketing à destination d’un public étudié avec le soin d’un directeur de marketing.
Il n’y a aucune inventivité dans ce spectacle, juste une fuite en avant qui au passage réduit Chucky lui-même au rang de second couteau. Il a beau être recousu de partout et faire preuve de méchanceté, en paroles et en actes, il n’en reste pas moins qu’un maillon de la chaîne familiale se faisant voler la vedette par la plus entreprenante (mais aussi plus agaçante) Tiffany et surtout par l’indécis(e ?) Shitface, dont le gros soucis est de savoir s’il sera Glen comme le veut papa ou Glenda comme le veut maman. Notons d’ailleurs la référence au film d’Ed Wood, qui est en fait née de l’homosexualité d’un Don Mancini qui a profité de la promotion de son film pour faire son coming out… Il était osé de le faire dans le cadre d’un Chucky, mais était-il judicieux de balancer par dessus les monceaux de pitreries qu’il nous donne à voir ? Au milieu de ce vaste capharnaüm qui se pare en outre d’une esthétique très “glamour hollywoodien” pour mieux tourner en dérision l’usine à rêves (Jennifer Tilly qui veut décrocher le rôle de la Vierge Marie par promotion canapé), les scènes horrifiques sont disséminées ça et là sans autre justification que le cahier des charges. Bien qu’elles puissent être assez gores, elles n’en sont pas moins des éléments dont le film pourrait très bien se passer. Par contre, Le Fils de Chucky ne pourrait se passer de lourdeurs en tous genres, sous peine de ne plus exister du tout. C’est en cela que l’on peut être affirmatif quant au fait que Chucky a bien déserté l’horreur (pour laquelle il était fade) au profit de la gaudriole (pour laquelle il en fait trop). En fait, à l’instar de son rejeton, ce petit bout de caoutchouc se cherche encore. Enfin bon, c’est toujours mieux que le Leprechaun qui à la même époque se voulait caïd dans la cité…
Le plus faible des Chucky, et cette critique le retranscrit bien. Encore plus comédie horrifique que La Fiancée de Chucky qui a bénéficié des talents de mise en scène d’un Ronny Yu. Ce Seed of Chucky est un fourre-tout qui veut jouer sur tous les tableaux mais oublie le principal: comédie familiale autour du rejeton de Chucky et Tiffany, critique au vitriole de Hollywood, clin d’œil à la pop culture qui a mal vieilli, mise en abyme des personnages via le personnage de Tiffany et son interprète, qui nous sort du film. Le réalisateur s’est planté sur tous les tableaux, auxquels se rajoute un rythme mou qui est sûrement dû à l’inexpérience de Don Mancini à la réalisation. Heureusement La Malédiction de Chucky rectifiera le tir et repartira sur des bases plus en adequation avec la mythologie de Chucky rangeant au placard Tiffany. Mais Glen ou Glenda, une des pire idées de la saga Chucky.