CinémaDrame

La Vie est belle – Frank Capra

lavieestbelle

It’s a wonderful life. 1946

Origine : États-Unis
Genre : Comédie dramatique
Réalisation : Frank Capra
Avec : James Stewart, Henry Travers, Lionel Barrymore, Donna Reed…

La Vie est Belle nous raconte l’histoire de George Bailey. Un homme bon, qu’on découvre tout d’abord enfant, et qui déjà alors fait œuvre de philanthropie prononcée. Puis on le voit une fois adulte, lorsque, tout en gardant son caractère philanthrope, il arrive à faire face à Henry Potter, un promoteur immobilier véreux. Il se construit une belle petite vie, parvient à humilier Potter. Mais celui-ci, en arrivant à lui dérober une somme d’argent importante, va, par une belle journée de Noël enneigée, plonger George dans la dépression, accusé qu’il sera de détournement de fonds. George va penser au suicide, jusqu’à ce qu’un ange débutant, envoyé du paradis, vienne le convaincre de ne pas passer à l’acte, en lui montrant ce que serait le monde si George Bailey n’avait pas existé…

Il s’agit d’une comédie légère, très légère. Optimiste et familiale. Des termes qui, à notre époque, évoquent irrémédiablement la niaiserie et l’industrie hollywoodienne pour laquelle le sentiment est quelque chose de factice, régit par des codes bien particuliers. Ainsi, pour reprendre la théorie développée par David Cronenberg lors de ses entretiens avec Serge Grünberg, il suffit désormais de pousser les bons boutons scénaristiques pour faire couler les larmes de spectateurs de moins en moins regardant vis-à-vis des méthodes employées. Oui mais voilà, nous sommes en 1946 et Frank Capra n’a rien du réalisateur impersonnel aux méthodes calibrées que sont désormais par exemple des réalisateurs tel qu’un Robert Zemeckis. Le film de Capra se place donc à l’opposé d’un film comme Forrest Gump où là aussi le sujet des succès et des échecs d’un homme à part, philanthrope, est abordé. Là où Zemeckis a recours à des procédés artificiels agressant littéralement les émotions du spectateur (Forrest sauvant son commandant au Viet-Nam, Forrest pleurant sa môman, Forrest effrayé par le sexe… le tout entrecoupé d’une voix-off pour bien montrer au spectateur où il en est), Capra opte pour une intrigue beaucoup moins caricaturale.

Certes, son George Bailey est un golden-boy, mais au moins un golden boy faillible, un golden boy beaucoup plus proche du spectateur, car moins extraordinaire. Pas besoin d’en faire un héros totalement à part, au contraire. Du reste, George, lorsqu’il apprendra que l’argent de sa compagnie a disparu, va litéralement disjoncter et violemment envoyer chier son oncle, sa femme, ses enfants et l’institutrice de ceux-ci. Et cela, un soir de Noël. Chose que la réactionnaire Hollywood actuelle ne supporterait plus, elle qui a par exemple fait pression sur Joe Dante pour qu’il retire le monologue de Phoebe Cates de son Gremlins (un film qui emprunte énormément au film de Capra, par ailleurs). Bref le film de Capra est optimiste, certes, mais cet optimisme n’est pas béat. George se construit lui-même, et dans le réalisme. Ici pas de fortune faite en péchant la crevette avec un mousse cul-de-jattes. George fréquente les milieux financiers, et en famille. De même, sur un plan privé, pas d’interminables touche-pipi avec une femme difficile. La futur madame Bailey sera courtisée tout ce qu’il y a de plus normalement, et leur mariage sera célébré aussitôt le plan de leur premier baiser achevé. Pas d’eau-de-rose envahissante, pas de complexité outrancière, pas de personnages se jetant dans les bras l’un de l’autre, mais une vraie leçon de séduction. Une histoire d’amour réaliste, mais pourtant rendue très belle par les deux personnages respectifs. Et par un aspect naïf, inhérent à toute histoire d’amour (George promettant de décrocher la lune).

Bref, avec tout ce réalisme, d’autant plus dure sera la chute, la plongée de George dans les emmerdes. Car si la très grosse première partie du film se concentre sur la construction de la vie de George et des différents aspects de sa personnalité, la deuxième, elle, se penche elle sur le désarroi de George. Ainsi, dès le début du film, on sait ce qu’il va lui arriver. Façon de prévenir tout effet de surprise gratuit type “et là, soudain, c’est le drame” . On sait qu’un ange va être envoyé pour aider George. Cet ange sera donc envoyé dans cette seconde partie, et il ne sera en aucune façon l’ange traditionnel. Dépourvu d’ailes, il vient sur terre non seulement pour aider George, mais aussi pour les gagner, ses fameuses ailes. Il s’aide donc en fait aussi lui-même. Tout comme George qui devra lui-même se rendre compte de ce qu’aurait été la vie de la ville et de sa famille si il n’avait pas été là. Car l’ange, un bonhomme tout ce qu’il y a de plus normal, un petit homme modeste, ne va pas intervenir directement. Sa seule action sera de plonger George dans ce monde virtuel, où Potter a pris le contrôle, au point de renommer la ville de Bedford Falls en Pottersville. Une Pottersville qui est un lieu de débauche, d’oppression et de misère (parfois très profonde, notamment lors de la scène autour de la tombe du frère de George, que ce dernier avait sauvé étant enfant). Où les gens ne sont plus amicaux mais véhéments. A partir de là, c’est George qui devra lui-même accepter l’idée qu’il est indispensable. S’il ne fait pas, tant pis, l’ange repartira et n’aura pas ses ailes.

Mais bien évidement il acceptera cette idée. Pour la première fois, il se sera aidé lui-même, au lieu d’aider les autres. Il se sera rendu compte de sa propre valeur. De quoi repartir de l’avant, et de quoi passer outre les problèmes financiers qu’il connaît. Les bas problèmes financiers, qui auraient pu détruire sa vie. Bref George va revenir aux vraies valeurs humanistes qui l’ont toujours caractérisé. Et grâce à cette réaction, grâce à sa chaleur humaine retrouvée, grâce à l’aide des gens qu’il a lui-même aidé, il se sortira de ses emmerdes. Et l’ange repartira, et gagnera ses ailes. Il aura donc réussi ce qu’il avait lui-même entreprit. Le propos de Capra n’est pas de dire que le Ciel aide les gens bons, mais plus de dire que les gens ont eux-même la capacité de s’aider. Mutuellement et individuellement. Ne jamais se laisser abattre. Résolument optimiste. Quand au méchant Potter, le vrai responsable de l’argent perdu de George, il ne sera pas puni. Ce qu’il aurait indéniablement été de nos jours dans les productions Hollywoodiennes. Mais ce n’est donc pas le cas. Manière également de dire que les saloperies qui peuplent inévitablement le monde ne pourrons de toute façon jamais être vaincues, et qu’il faut s’en contenter, et profiter de ce que l’on a, et des gens qu’on aime. Comme l’illustre le très célèbres dernier plan, avec George, sa famille et ses amis. Des gens qui sans George auraient été des salauds, comme on avait pu le voir lors du passage dans” le monde sans George”. Mais qui, avec George, on vu leurs bas instincts être dépassés par ce qu’ils avaient de meilleurs… Pas de manichéisme, ici.

En bref, un classique. Un film de Noël dans la plus pure honnêteté. Une naïveté, une idéalisation de l’esprit d’entraide de Noël, qui se fait sans être niaise, et surtout, sans prendre le public pour un con. Comme quoi il n’est pas impossible de faire une comédie légère et familiale qui ne soit pas un monument de guimauve bavante…

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