La Prof donne des leçons particulières – Nando Cicero
L’Insegnante. 1975Origine : Italie
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Première incursion des sexy comédies italiennes dans le monde de l’éducation, et plus précisément dans un lycée où trois trublions travaillés par leurs hormones perturbent les cours : Franco Mottola (Alfredo Pea), Tatuzzo (Alvaro Vitali) et La Rosa (Stefano Amato). Ingérables, leur professeur de grec les envoie chez le proviseur Margara (Mario Carotenuto), qui lui même les renvoie au professeur d’EPS, réputé pour sa sévérité. Mais même lui n’arrive pas à les calmer, et fait part à Margara de sa volonté de leur infliger une sale note, ce qui signifierait de facto qu’ils soient recalés à leurs examens. Margara est catastrophé : Franco Mottola est le fils du recteur, ce même recteur qui lui laisse miroiter une promotion à l’académie. Mais le prof ne veut rien entendre… à moins que… Car la belle Giovanna (Edwige Fenech), petite amie du prof, est une enseignante sans travail. Margara, avec l’accord du recteur et celui du prof, confie donc à Giovanna la tâche de donner des cours particuliers à Franco, ce qui satisfait tout le monde : le recteur qui s’imagine que les résultats de son fils vont s’améliorer, le proviseur qui se voit déjà promu, le prof d’EPS dont la copine a enfin un emploi, et Franco, ravi des futurs tête à tête avec la sculpturale enseignante. Mais celle-ci ne supportera pas forcément les avances de son élève.
Qu’elles prennent pour cadre l’armée, le corps médical, le corps enseignant ou autres, les sexy comédies italiennes demeurent immuablement fidèles à elles-mêmes. Les critiques que l’on peut faire à leur sujet sont aussi interchangeables que ne le furent leurs têtes de casting, celles de La Prof donne des leçons particulières étant à peu près les mêmes que celles de La Toubib du régiment, tourné l’année d’après par le même Nando Cicero et incompréhensiblement devenu le plus célèbre représentant d’un genre où tous les films se valent. Nous trouvons donc déjà Alfredo Pea dans la peau du personnage principal, jeune homme prêt à tous les sacrifices pour rester auprès de la jeune femme censée lui venir en aide. La française Edwige Fenech est cette envoyée providentielle, dont la beauté n’a d’égal que la conscience professionnelle. Son personnage est le seul du film à ne jamais sembler ridicule et à ne jamais trahir le but premier de sa profession, ce qui lui confère une certaine froideur ayant pour conséquence de la déifier davantage aux yeux de son jeune prétendant. Quant au proviseur interprété par Mario Carotenuto, il est le sous-chef cherchant coûte que coûte à soudoyer sa hiérarchie pour mieux arriver à ses fins. Bien entendu, Alvaro Vitali est l’élément qui ne sert à rien sinon à repousser les limites de la bêtise dans des grimaces incessantes et à travers des paris stupides (comme un pet enflammé, par exemple). Enfin, Carlo Delle Piane et Gianfranco D’Angelo, qui seront eux aussi dans La Toubib du régiment, interprètent respectivement un gringalet dépassé et un prof de sport haut en couleur, obèse en combinaison orange, doté d’une moustache à la Hitler et d’une coupe afro à la Jackson Five.
D’autres acteurs en commun auraient pu être mentionnés, mais tout cela n’a pas d’importance : la structure ne variera pas d’un iota entre les deux films, chaque acteur trouve son personnage propre, et Nando Cicero se livre à une satire grossière de la profession du moment, en en désacralisant l’aspect respectable pour mieux mettre en évidence que les individus qui la composent ne sont avant tout que des hommes, avec leurs obsessions (pour les jeunes) et leur arrivisme (pour les vieux). La femme est au centre de ces remous : élément de fantasme pour les jeunes et de compromission opportune pour les vieux, elle n’imagine pas ce qui se trame autour d’elle. Le décalage entre les hommes et la femme est énorme, et tout repose en réalité sur ses épaules. Elle est le centre de gravité du film, celui qui justifie notamment les frasques du jeune Franco, se faisant passer pour un homosexuel afin que ses parents poussent la jeune femme à titiller la libido du jeune homme. Réticente au début, elle cède finalement aux demandes en prenant pitié de ce jeune homme semblant mal dans sa peau. Bien sûr, ses mensonges deviendront apparents, mais d’ici là, il peut profiter de la poitrine opulente de sa prof charitable (formée chez les nonnes) pour déverser son soit disant mal être. Et puis de toute façon, bonne poire, elle n’est pas du genre rancunière…
Nando Cicero et son scénariste Tito Carpi sont donc amenés à inventer tout un tas de situations pour exploiter le physique d’Edwige Fenech. Cela va de la robe transparente censée ramener Franco dans le chemin de l’hétérosexualité au reluquage à travers le trou de la serrure, en passant par le déshabillage d’une Giovanna endormie. Au contraire des autres personnages, celui de Edwige Fenech n’est jamais vulgaire : en réalisateur avisé, Cicero se garde bien de désacraliser l’objet de toutes les attentions. Là où les conneries d’un Alvaro Vitali sont illustrées avec le niveau de sophistication qu’elles requièrent (c’est à dire avec le niveau zéro), les scènes de nu de l’actrice principale sont au contraire travaillées et possèdent une certaine qualité, presque onirique. Cicero utilise pour cela la situation géographique de la maison de Franco, au bord de la Méditerranée (le film fut tourné en Sicile). L’éclairage est tamisé, le climat est moite, le paysage est radieux… Le rythme du film s’en trouve également modifié : de la frénésie toute latine qui caractérise les situations classiques, avec musique traditionnelle italienne, façon Tarantella, le débit s’adoucit, la musique se calme et Franco cherche à se contenir. En quelque sorte, c’est le rayonnement de Giovanna qui prend le dessus sur celui de Franco (sans parler de celui de Vitali). Pour un peu, on se prendrait à regretter qu’aucune sexy comédie n’ait pris pour cadre la mafia sicilienne, façon Michael Corleone de retour au pays!
Ce qui distingue donc cette Prof donne des leçons particulières de ses semblables tient donc à peu de choses. Seule la localisation de l’intrigue entre en jeu. C’est ainsi que pour ma part, ce film sicilien est préférable à son équivalent en hôpital militaire. En dehors de ceci, tout est du même niveau : il s’agit de la traditionnelle comédie burlesque aux pitreries incessantes, parcourue de quelques scènes érotiques soft et aguichantes. Finalement, cette répétition constitue en soit un gage de sécurité pour quiconque apprécie ce style débilitant. Le plaisir de se retrouver avec des gens connus en territoire connu…