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La Mort vous va si bien – Robert Zemeckis

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Death becomes her. 1992

Origine : États-Unis
Genre : Comédie fantastique
Réalisation : Robert Zemeckis
Avec : Meryl Streep, Goldie Hawn, Bruce Willis, Isabella Rossellini…

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A l’époque où il se lance dans la réalisation de La Mort vous va si bien, Robert Zemeckis s’est déjà fait une solide réputation de réalisateur de comédies inoffensives et enlevées. A la poursuite du diamant vert, les Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, autant de succès pour des films qui se caractérisent avant tout par leur rythme haletant et un ton bon enfant, association idéale pour faire passer un bon moment. A la fin des années 80, il participe à l’anthologie horrifique Les Contes de la crypte dont chacun des épisodes contient une forte dose d’humour noir et des fins rarement joyeuses, ce qui lui permet de se lâcher un peu dans un registre qu’on ne lui connaissait guère. La Mort vous va si bien témoigne de ce grand écart, faisant figure d’hybride oscillant entre ses gentilles comédies précédentes et l’humour noir à la sauce Contes de la crypte.

Los Angeles, 1978. Helen Sharp (Goldie Hawn) se rend à l’une des représentations de la comédie musicale qui met en vedette sa copine Madeline Ashton (Meryl Streep) pour lui présenter son fiancé Ernest Menville (Bruce Willis). Grande croqueuse d’hommes, à plus forte raison lorsqu’il s’agit des petits amis de Helen, Madeline attire Ernest dans ses griffes et devient son épouse. Quatorze années passent. Le couple Madeline – Ernest bat de l’aile tandis que Helen réapparaît subitement après des années de dépression, éclatante de jeunesse. C’en est trop pour Madeline qui accepte de plus en plus mal le poids des ans. Au bord de la dépression, elle décide d’aller chez Lisle Von Rhuman (Isabella Rossellini), une étrange femme qui aurait, lui a-t-on rapporté, les moyens de lui rendre sa jeunesse.

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Que ne ferait-on pas pour masquer le poids des ans ! Crèmes anti-rides, teintures capillaires, perruques, chirurgie esthétique, tous les moyens sont bons pour repousser au maximum l’inéluctabilité du temps qui passe. Or tous ces artifices ne servent que de trompe-l’œil car nous ne pouvons rien contre le vieillissement, si ce n’est l’accepter de la manière la plus digne qui soit. Plus facile à dire qu’à faire me direz-vous, et vous n’auriez pas tort. Nous vivons une époque où vieillir semble la plus grande des tares. Dans l’absolu, vieillir n’enchante guère puisque ce processus, par essence, nous rapproche de la tombe. Cependant, le jeunisme ambiant contribue à transformer cette crainte bien légitime en véritable psychose, à plus forte raison pour les personnes qui exercent un métier qui les expose au regard des autres. A Hollywood plus qu’ailleurs, le vieillissement fait des ravages. Le nombre des rôles proposés aux acteurs est inversement proportionnel aux années qui passent. Plus un acteur vieillit et moins il a de chance de figurer en bonne place au générique d’un film et, dans le cas d’une femme, c’est le plus souvent l’oubli qui se trouve au bout du chemin. A l’approche de la quarantaine, on ne compte plus le nombre d’actrices qui passe sur le billard afin de prolonger de quelques années leur espérance de vie professionnelle, signe de la superficialité qui les entoure. Une actrice fait avant tout parler d’elle par son physique gracieux qui passe avant ses qualités intrinsèques de comédiennes. Royaume de la poudre aux yeux, refuge des hypocrites grands crûs, Hollywood est un monde à part qui n’a pas fini de nourrir les fantasmes de certains, et d’effrayer les autres. Sur le papier, La Mort vous va si bien contient tous les ingrédients pour dresser une critique acerbe du microcosme hollywoodien, ce miroir aux alouettes dans le reflet duquel tant de gens se sont perdus. Malheureusement, Robert Zemeckis abandonne tout élan critique au profit d’une comédie fantastique pas amusante pour un sou et qui tourne bien vite à vide.
L’histoire s’articule autour d’un trio -deux femmes, un homme- dont les destins sont inextricablement liés. Helen et Madeline se connaissent de longue date et se fréquentent assez régulièrement sans pour autant se porter dans leur cœur. Leur relation se trouve toute entière basée sur l’hypocrisie et la solitude qui les étreint toutes les deux. La première -allures de vieille fille un peu coincée- aspire à devenir écrivain lorsque la seconde -vaniteuse et exubérante- a connu son heure de gloire en devenant comédienne. Madeline ne vit que pour l’image qu’elle renvoie aux autres, celle-ci se devant d’être irréprochable. Elle est en représentation permanente, cherchant constamment à plaire. Helen est son exact contraire : elle prête peu attention à son aspect physique et cherche davantage le grand amour que les amourettes d’un soir. Un grand amour qu’elle a semble t-il trouvé en la personne de Ernest Menville et qu’elle s’empresse de présenter à Madeline. Si elle agit de la sorte, ce n’est pas tant pour partager avec elle sa joie d’être fiancée mais plutôt pour se rassurer vis-à-vis des sentiments que Ernest nourrit à son égard. Si il l’aime vraiment, alors il ne succombera pas aux charmes de Madeline comme tant d’autres l’ont fait avant lui. Seulement voilà, Ernest est un homme faible qui se laisse facilement abuser par les poses lascives de la starlette sur le déclin. Car Madeline n’est pas amoureuse -l’a-t-elle jamais été, d’ailleurs ?-, elle n’agit que par intérêt et aussi par méchanceté. Collectionner les hommes revient pour elle à conserver toute sa séduction et donc sa jeunesse. Continuer de plaire aux hommes constitue des victoires sur le temps qui passe. Et puis, pour ne rien gâcher, Ernest est un chirurgien esthétique très réputé qui pourra donc à loisir lui ôter tout signe de vieillissement sur son accorte personne. Madeline incarne toutes ces actrices qui se voient obligées de passer sur le billard si elles veulent garder une chance de poursuivre leur carrière à Hollywood, lieu où la rentabilité prime avant tout. Et plus une femme est jolie, plus elle a de chance de se voir offrir des rôles et d’attirer les foules dans les salles. Mais Robert Zemeckis choisit de ne rien nous dévoiler du monde des studios et de sa phobie de la vieillesse, préférant se concentrer uniquement sur le quotidien de Madeline qui vit sur le dos des richesses de son mari. Il ne cherche jamais à taper dans la fourmilière, se contentant de mettre gentiment en place l’argument fantastique du récit, celui-là même qui servira de moteur à tous les imbroglios qui suivront.

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Ainsi, si Madeline finit par accepter de boire la potion que lui propose Lisle, c’est davantage par jalousie -Helen a retrouvé une seconde jeunesse depuis son retour- que par l’influence de son milieu social. Robert Zemeckis réduit son sujet à une petite guéguerre entre deux quadragénaires alors qu’il possédait des répercussions bien plus grandes. De ce fait, tout ce qui sort du cadre de cet affrontement inamical est survolé. Lisle Von Rhuman, par exemple, femme sans âge détentrice des secrets de l’immortalité, demeure une énigme. Elle pourrait s’apparenter au diable si elle n’avait pas des motivations aussi bassement matérielles. Et puis sa manière de prodiguer ses services ne répond à aucune logique si ce n’est celle de pouvoir organiser des soirées somptueuses composées quasi exclusivement de vedettes passées. C’est donc sans imagination aucune que Zemeckis nous ressort des sosies foireux de Andy Warhol, Elvis Presley, James Dean ou encore Jim Morrison et Marilyn Monroe, toutes ces stars qui survivent dans la mémoire de leurs fans, parfois de façon tellement insistante que certains croient les avoir aperçu bien vivants. Zemeckis use de ce procédé facile (comme bien d’autres avant et après lui) pour justifier la tonalité comique de son film. Toutefois, on ne peut s’y tromper, Lisle et tout sa clique n’ont que vertu de décorum dans cet univers circonscrit au seul trio de personnages principaux. Adepte des effets spéciaux et de tous les progrès effectués dans ce domaine, Robert Zemeckis ne rechigne jamais à en insérer dans ses films quitte à ce que tout finisse par tourner autour d’eux. Et c’est ce qui arrive fatalement à La Mort vous va si bien. Devenues immortelles (ou presque), Helen et Madeline peuvent subir les pires outrages, elles s’en relèvent toujours. Goldie Hawn et Meryl Streep, qui jusqu’alors s’amusaient follement dans leurs rôles de déjantées, deviennent les jouets des responsables des effets spéciaux, leur corps subissant mille tortures en étant malaxés en tout sens ou carrément perforés. L’histoire, déjà pas bien épaisse, disparaît alors tout à fait au profit des prouesses de Industrial Light and Magic, la fameuse boîte des effets spéciaux créées par George Lucas. Nous assistons à ce spectacle avec les mêmes yeux écarquillés que Ernest Menville, témoin impuissant des ressentiments des deux femmes. D’abord chirurgien esthétique au début du film, Menville est devenu un croquemort lorsque Helen refait surface. Des vivants, il est passé aux morts mais toujours avec ce même souci de maquiller la réalité. Robert Zemeckis n’a pas ce talent et n’est pas parvenu à faire passer son film pour une bonne comédie fantastique. Et l’éternité même n’y suffirait pas.

Malgré tout, Robert Zemeckis tient à conclure son film sur une morale, et celle-ci provient du personnage de Ernest, qui lors de son seul élan de courage refuse l’immortalité qu’on lui propose. A travers lui, le réalisateur cherche à démontrer que la vie est un éternel recommencement et que même à 50 ans, on peut tout reprendre à zéro pour enfin mener une vie qui nous plaise et nous rende heureux. Alors que La Mort vous va si bien se présente au départ comme un film de femmes, Robert Zemeckis parvient in extremis à donner le beau rôle au seul personnage masculin d’importance en lui octroyant une force morale insoupçonnée. Et le film de renvoyer les femmes à leur superficialité et à leur incapacité à se débrouiller sans un homme, tandis que Ernest gagne le respect éternel en acceptant le temps qui passe, et en profitant de celui-ci pour faire le bien autour de lui. Alors non seulement le film n’est pas drôle mais en plus il se teinte de machisme. Bel exploit !

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