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La Mort dans la peau – Paul Greengrass

mortdanslapeau The Bourne Supremacy. 2003

Origine : États-Unis 
Genre : Action / Espionnage 
Réalisation : Paul Greengrass 
Avec : Matt Damon, Franka Potente, Brian Cox, Joan Allen…

Le premier Jason Bourne ayant cartonné au Box office (170 millions de dollars rien que sur le territoire américain) une séquelle s’imposait, d’autant qu’on disposait de deux autres bouquins signés Ludlum sur l’agent secret. La machine Hollywoodienne se remet donc en marche pour nous pondre ce deuxième volet des aventures de l’agent secret amnésique. Pourtant, La Mort dans la peau n’a rien de ces séquelles-remakes qui tentent vainement de reproduire le succès de leur aîné en reprenant à l’identique structure et narration. Au contraire, le scénario, toujours signé Tony Gillroy, réussit le tour de force de s’inscrire dans la continuité du premier tout en développant une structure narrative radicalement opposée. En effet si le premier épisode nous présentait un Jason Bourne qui nageait dans le mystère et qui était pourchassé sans relâche par les tueurs de la CIA, ce second épisode donne l’initiative au héros, et cette fois-ci c’est lui qui mènera la danse.

Le film démarre donc à peu près là où le premier nous avait laissé, Jason Bourne vit maintenant en Inde avec Marie. Ils vivent l’amour parfait, loin des manigances de la CIA: en effet Bourne a intimé l’ordre à l’organisation de le laisser tranquille en échange de quoi il se retirerait définitivement de sa vie d’agent secret. Pourtant il va apprendre à ses dépends qu’on ne se coupe pas aussi facilement de sa vie antérieure. Son passé va faire brutalement irruption dans sa vie de tout les jours: d’abord par des souvenirs douloureux qui reviennent par bribes et qui animent ses cauchemars, ensuite par une sombre machination, qui vise à lui faire porter le chapeau d’un double meurtre et à le tuer ensuite… L’histoire est bien plus complexe que celle du premier film, mais elle laisse quand même la part belle à toujours autant de scènes d’action. Le film commence même par une course poursuite particulièrement intense, qui se finit de manière on ne peut plus brutale et tragique qui joue habilement avec les émotions du spectateur.

Ce scénario est ainsi beaucoup plus manipulateur, et laisse beaucoup de zones d’ombres en ce qui concerne les actions du héros. Il en résulte un film qui perd un peu le sentiment d’urgence constant de La Mémoire dans la peau mais qui y gagne en noirceur. L’atmosphère froide et réaliste demeure et le héros du film voit sa personnalité y gagner en épaisseur psychologique. Autant animé par la quête de la vérité que par un sentiment de vengeance, Bourne apparaît comme très humain. Cela permet de renforcer l’aspect réaliste d’un film où même les personnages secondaires sont très soignés, mais également d’augmenter le caractère brutal et violent des scènes d’actions: Bourne en prend plein la gueule dans ce film, et il n’a rien du héros indestructible, au contraire le scénariste prend un malin plaisir à transformer tout le film en un véritable parcours du combattant pour son héros, dont le point d’orgue sera cette incroyable scène de course poursuite dans les rues de Moscou: Beaucoup plus sèche et brutale que celle du premier film, elle met en scène l’agent secret boiteux, blessé et pourchassé à la fois par la police et par un tueur à gages. Toute l’intensité du film atteint son maximum au cours de cette scène éreintante.

Mais s’il est malmené par ses adversaires au cours du film, Bourne est aussi beaucoup plus sûr de lui, et plus agressif. ce n’est pas pour rien que le titre original du film est The Bourne Supremacy (“la supériorité de Bourne” en français). En effet alors qu’il était la cible des tueurs dans le premier volet de ses aventures, c’est maintenant lui qui s’introduit chez ses ennemis, lui qui donne les lieux de rendez vous, et c’est lui qui mène le bal dans ces excellentes scènes ou il donne les ordres via un téléphone portable tout en observant son interlocuteur via une lunette de sniper. Ces scènes très habiles vont assurément devenir la marque de fabrique de la trilogie et constituent l’exemple parfait de l’utilisation intelligente de la technologie à l’écran, c’est à dire dans un but narratif et non pas ostentatoire.

Mais s’il est une chose qui démarque véritablement cette suite du premier film, c’est le changement de réalisateur, Doug Liman laissant sa place à Paul Greengass. Ce dernier, tout auréolé de son ours d’or reçu pour Bloody Sunday, intéresse les producteurs par son style de mise en scène très sec et proche du documentaire, avec notamment le recours massif à la prise de vue caméra à l’épaule. Si le style n’est pas nouveau, la mise en scène de Greengass est autrement plus personnelle et expressive que le classicisme de Liman, ce qui apporte une plus value très intéressante au film qui y gagne en personnalité. Ainsi en dehors des vues aériennes, tout est filmé caméra à l’épaule, ce qui donne un aspect très réaliste aux images, ainsi qu’un dynamisme particulier à toutes les scènes. Le film ne contient quasiment aucun plan fixe, tout est animé par des mouvements de caméras, donnant ainsi au film ce caractère éreintant propres aux meilleurs films d’actions. Il s’agit même d’une véritable expérience visuelle, pleine d’excellentes idées de mise en scène. La seule chose qu’on pouvait craindre c’est que le sur-découpage des scènes de combats rendent l’action illisible, mais Greengass s’en tire honorablement en faisant preuve d’une bonne gestion de l’espace et d’un vrai sens du montage.

A la fois dans son scénario manipulateur et dans sa mise en scène dynamique, La Mort dans la peau est un film qui s’est fixé pour but de faire ressentir un maximum d’émotions au spectateur, en ce sens il touche le coeur même de ce que le cinéma de divertissement doit être et parvient de ce fait à se hisser sans peine parmi les oeuvres les mieux réussies du genre.

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