BiopicCinémaMusical

La Bamba – Luis Valdez

bamba

La Bamba. 1987

Origine : Etats-Unis 
Genre : Biopic 
Réalisation : Luis Valdez 
Avec : Lou Diamond Phillips, Esai Morales, Rosanna DeSoto, Elizabeth Peña…

Ritchie Valens est probablement la star la plus filante du rock’n’roll. Bien d’autres chanteurs ont disparus subitement de la scène pour des raisons diverses, mais certainement aucun n’a fait plus court que Richard Valenzuela, mort le 3 février 1959 à 17 ans lors du fameux “day the music died” après seulement huit mois de carrière. Même pas une année de professionnalisme dans les rangs de la compagnie Del-Fi Records, mais pourtant plusieurs hits majeurs : “Donna”, “Ooh! My head” et le plus célèbre d’entre tous, son arrangement rock’n’roll de la chanson folk mexicaine “La Bamba”. Au moment de l’accident d’avion lors d’une neigeuse soirée de l’Iowa, Valens n’avait peut-être pas rejoint la gloire de Buddy Holly, son compagnon d’infortune (avec le Big Bopper Richardson), ni celle des Chuck Berry, Little Richard, Eddie Cochran ou autres Jerry Lee Lewis, mais il était en tout cas promis à un grand avenir.

bamba1 bamba2

C’est donc avec un relatif manque de données musicales (au sens du développement d’une carrière) que se monte ce biopic, soutenu non seulement par plusieurs acteurs et techniciens hollywoodiens d’origine hispaniques, mais aussi par les membres de la famille du vrai Ritchie Valens, qui se rendirent sur les lieux de tournage pour donner leurs conseils bienvenus (Connie Valenzuela, la mère de Ritchie, faisant même un caméo). C’est que Ritchie Valens n’est pas une rock star tout à fait comme les autres : c’est le pionner des musiciens latino-américains ayant réussis en Amérique. C’est donc davantage sur la vie de Valens que le film va se concentrer, bien plus que sur sa musique, qui si elle reste évidemment présente ne peut pas vraiment être considérée comme le point essentiel. Tout de même, le groupe Los Lobos fut chargé d’interpréter les chansons du Valens dans le film, tandis que d’autres artistes furent appelés pour interpréter les stars croisées de temps en temps par le jeune chanteur (Brian Setzer pour Eddie Cochran, Marshall Crenshaw pour Buddy Holly, et Los Lobos eux-mêmes dans le rôle du groupe folk mexicain qui inspira Valens pour “La Bamba”). Luis Valdez, le réalisateur, prend bien entendu soin de fignoler ses scènes musicales, mais a contrario de ce qui sera fait deux ans plus tard dans Great Balls of Fire, le biopic de Jerry Lee Lewis, il s’attarde plus sur la vie de Ritchie Valens en elle-même, sur sa famille et ses amis, plutôt que de l’utiliser comme appoint pour illustrer la naissance du rock’n’roll et de toute l’évolution des moeurs qui l’accompagne. Une intention louable, surtout que je dois avouer ne pas apprécier autant la musique de Richie Valens que celle de Buddy Holly ou de Chuck Berry. Du reste, le portrait que donne le réalisateur du chanteur qu’il évoque n’est pas très rock’n’roll, et peut même paraître conformiste. Ritchie Valens n’a ne l’oublions pas que seize ans au début du film. Il est un jeune homme sensible, vivant dans une famille mexicaine pauvre, dont le père est décédé et dont le fils aîné Bob, s’il n’a pas mauvais fond, est perdu dans la délinquance, l’alcool et la violence. La vision de Ritchie du rock’n’roll est purement ludique, et il n’a pas vraiment de conceptions philosophiques de la vie. Le coeur sur la main, tout ce qu’il souhaite, c’est vivre de sa passion et faire vivre sa famille dans des meilleurs conditions. On ne peut pas dire que le personnage de Ritchie soit en cela très interessant : il n’est qu’un adolescent en passe de connaître le rêve américain. C’est ainsi que n’eut été pour les prestations musicales auxquelles on peut assister, il se serait fait volé la vedette par son frère Bob, qui justement vit de façon difficile le succès de son frère. Lui, le mauvais garçon, le raté, aime son frère (ou plus exactement son demi-frère), et il essaie tant bien que mal de le former à la vie. Le prenant avec lui en moto grosse cylindrée (d’ailleurs il s’agit d’un anachronisme d’une dizaine d’année) pour le traîner dans un bordel de Tijuana, au Mexique, ou encore auprès d’un viellard mexicain mystique, il tente d’être une figure paternelle. Mais Ritchie n’est pas comme Bob : il est bien plus américain, ne parle même pas espagnol, et il n’est pas tenté par la vie que lui propose son frère. Alors celui-ci tentera également d’aider Ritchie sur son propre terrain, musical. Mais il n’y connaît rien, et alignera les boulettes, comme se ramener ivre à un concert et provoquer une bagarre générale. Il se fera exclure d’une cruelle façon de la vie musicale de celui qui n’est encore que Richie Valenzuela et non Ritchie Valens. Cet échec, et son impossibilité à s’assumer lui-même, se révélant un très mauvais époux pour sa femme (qu’il a piqué à Ritchie) et un très mauvais père pour sa fille nouvellement née, le confrontera violemment à son propre statut de raté à ses propres yeux, à ceux de sa mère et à ceux de tout le monde. Il tentera même de rivaliser avec Ritchie en s’improvisant dessinateur, mais là aussi il échouera, ayant usurpé le talent d’un autre (volant des dessins trouvés dans la poubelle des studios Columbia) et ne parvenant jamais à attirer l’attention de sa famille sur lui. Il ne peut tout simplement pas rivaliser avec la star montante du rock’n’roll, et il ne s’en donne même pas vraiment les moyens, étant incapable de rompre avec son mode de vie tumultueux, dans le fond ironiquement bien plus rock’n’roll que celui de Ritchie.

bamba3 bamba4

En comparaison de ce que vit son frère, la destinée de Ritchie apparaît comme bien plus rose et calibrée. Il n’y aura même pas d’impressario escroc à l’horizon. Tout juste peut-on signaler une once de mépris pour ce “chicano” de la part de l’impressario, mais qui n’aura aucune vraie incidence sur la carrière du jeune chanteur (à part un débat sur la Bamba aux paroles hispaniques, un temps refusée comme single), et qui du reste sera vite oubliée au moment du succès. Même le racisme social et racial latent que ressentent les parents de la petite amie bourgeoise de Richie ne durera qu’un temps, et ne sera pas franchement développé. En revanche, ce qui apparaîtra comme bien plus pertinent, c’est l’idée de fatalité qui frappe le destin du personnage dès l’entame du film (sur fond de la superbe ballade à la guitare “Sleepwalk” de Santo et Johnny). Valdez utilise à bon escient le fait que le spectateur sache dès le départ ce qui arrivera à son personnage principal (il ne montera d’ailleurs même pas l’accident fatal), et il utilise ainsi des séquences de cauchemar pour nous présenter une collision d’avions en plein vol au dessus d’une cour d’école. Cet évènement s’est vraiment produit dans la vie de Ritchie Valens : le jour où il assistait à l’enterrement de son grand-père, cette collision se produisit au dessus de l’école du futur interprète de “La Bamba”, faisant tomber des débris dans la cour, tuant et blessant ainsi plusieurs amis de Ritchie. Celui-ci fut un temps traumatisé et resta longtemps allergique à l’avion. Jusqu’à ce qu’il doive s’en accomoder pour ses fréquents concerts, dans un premier temps sans soucis, et puis finalement, ironie de l’Histoire, pour le crash que l’on sait. Régulièrement dans le film, le cauchemar de la collision est utilisé, rappelant ainsi au spectateur que la carrière du chanteur sera détruite en plein vol. La séquence de l’embarquement dans l’avion sera elle-même pleine de traces du destin, tous ayant réellement eu lieu. Il aura fallu que le temps soit glacial, que le chauffage du bus tombe en panne, que Buddy Holly ait l’idée de louer un petit avion et que Richie Valens gagne sa place à pile ou face contre d’un des musiciens du célèbre binoclard avant que le drame ait lieu. Beaucoup de coïncidences fatales, et encore, toutes n’y sont pas (notamment l’échange chambreur entre Buddy Holly et l’un de ses musiciens s’étant désisté au profit du Big Bopper, le premier ayant dit au second “J’espère que ton bus va geler sur place”, et le second ayant répondu “Et moi j’espère que ton putain d’avion va s’écraser !”).

bamba5 bamba6

Il ne faut pas se fier à son titre évocateur d’une chanson résolument festive : La Bamba, entre l’évocation de son drame familial et celle, plus légèrement dosée mais tout aussi marquante du funeste “day the music died”, est un film assez triste, assez mélancolique. Malgré les erreurs que le film peut commettre (principalement la présence de certaines thématiques comme le racisme mal intégrées dans l’ensemble), il reste une jolie évocation de la vie d’un jeune chanteur mort de façon très cruelle alors qu’il était en train de gagner son pari et de sortir sa famille d’origine mexicaine (son frère y compris) de l’impasse dans laquelle elle se trouvait. Décidément, le 3 février 1959 mérite bien son surnom (rappelons au passage que si Valens périt à 17 ans et après huit mois de carrière, le Big Bopper disparu lui aussi assez jeune, à 28 ans et après un an de carrière et Buddy Holly à 22 ans après deux ans de carrière).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.