L’Horrible sexy vampire – José Luis Madrid
El Vampiro de la autopista. 1970Origine : Espagne
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Admirez bien l’affiche. C’est une jolie affiche. Et c’est bien la seule chose valable dans cette production espagnole de 1970 signée de l’obscur José Luis Madrid, complètement à la ramasse sur ce coup-là. N’ayant vu aucun autre film de ce brave homme, je ne me risquerais pas à englober toute sa carrière dans la même médiocrité, mais toujours est-il que l’on se demande bien comment un réalisateur peut faire preuve d’autant d’amateurisme et de fautes de goûts en aussi peu de temps. Il faudrait bien trois ou quatre films du pourtant peu distingué italien Andrea Bianchi pour égaler le niveau des errements atteints par L’Horrible sexy vampire. Cela dépasse l’entendement : nous avons là le seul film de vampire dans lequel le vampire ne mord pas… il étrangle ! Le Baron Von Winninger est un véritable affront fait à la mythologie du vampire et au respect généralement associé à ces créatures. Non seulement le buveur de sang ne boit pas de sang et se contente de simples strangulations, mais en plus il passe la majeure partie de son temps à être invisible aux yeux de tous. Il entre ainsi dans les chambres sans être aperçu, tel un vulgaire rôdeur attiré par les quelques filles rentrant chez elles pour se déshabiller qui constituent les trois-quarts de ses victimes, justifiant ainsi la présence du mot “sexy” dans un titre français mensonger particulièrement racoleur, qui laisse parfois sa place à cette autre dénomination opportuniste qu’est Le Vampire sexuel.
Winninger procède ainsi une fois, deux fois, trois fois… Madrid n’a pas peur de se montrer répétitif au point que toutes ces scènes semblent parfaitement identiques (mêmes les actrices se ressemblent !). Le fait que ces victimes soient complètement inconnues (jamais entendu parlé d’elles avant leur meurtre, et on en entendra pas plus parler après) donne en plus l’impression qu’elles ne servent qu’à respecter le quota de meurtre et d’érotisme sans lequel le film n’aurait jamais été distribué. Pour les vraies victimes, celles qui ont une incidence sur le récit, prière de se tourner vers une seule scène, dans laquelle deux nigauds (le flic et le légiste chargés de l’affaire) ont pénétré dans le château Winninger sans y avoir été invités pour rechercher le meurtrier… car après tout, comme le dit le légiste “il n’y a pas de crime sans criminel“. Madrid les sacrifie sans une once de pitié, ce qui pourrait paraître audacieux mais qui n’est en fait que ridicule, puisque ces deux-là étaient à peu près les seuls à connaître la “malédiction” et que leur mort signifie que le scénario revient totalement à zéro. Nouveaux héros (un autre flic et un descendant de Winninger qui débarque sans crier gare pour prendre possession du château -il sera bientôt rejoint par sa copine, destinée à se déshabiller toutes les deux scènes-), nouvelle enquête, nouvelle association entre un sceptique et un convaincu, bref on reprend vraiment tout depuis le début. La tuile.
En plus d’être crétin -il revient en fait à dire que toute l’entame n’a servi strictement à rien- ce “reboot” scénaristique entraîne une autre particularité : il modifie complètement la donne quant à Winninger ! A l’aide de son légiste porté sur les légendes locales et de son flic sceptique ne demandant qu’à être convaincu, Madrid avait pourtant fait naître une mythologie derrière son vampire. Mythologie qui se retrouve totalement effacée, chose qui est cela dit on ne peut plus normale compte tenu de la nature foncièrement kafkaïenne de la malédiction qui pèse sur Winninger. Accrochez vous bien, voilà la malédiction de cet horrible sexy vampire invisible et édenté, telle qu’elle était évoquée par le légiste trop tôt disparu (qui décidément disait beaucoup de conneries) : “A chaque fois nous nous retrouvons devant un crime pareil aux autres commis dans une période de 28 jours. Or cette période se renouvelle après un délais de 28 ans et dans les 28 jours c’est tous les 7 jours que les crimes sont commis. 28 est un multiple du chiffre 7 qui serait donc la base et deviendrait par la même la clef de voûte de cette énigme criminelle !” (ce à quoi son interlocuteur sortait une feuille de papier pour vérifier les calculs !). Il aurait en effet été fort difficile de respecter un tel salmigondis d’inepties bureaucratiques, et on comprend bien volontiers qu’en reprenant tout à zéro, Madrid invente une toute autre histoire… qui ne relèvera pas le niveau.
Elle concerne essentiellement Alexis, le descendant de Winninger (le même acteur mais en version peroxydé et avec des pulls à motifs qui auraient fait un tabac dans la troupe des Deschiens), contacté par son arrière-arrière-grand-père qui en plus d’être un vampire, un voyeur, un rôdeur et un homme invisible sait également jouer au fantôme. Après avoir promené de long en large son héritier dans les couloirs du château, Winninger finit par lui avouer son envie de mourir d’un pieu dans le cœur, mais il prévient aussi qu’il risque de changer d’avis (ce qu’il fera face à la copine dans son bain !) et qu’il ne faudra pas y faire attention. A partir de là, le descendant passera son temps à essayer de convaincre sa copine et la police de la nature surnaturelle des meurtres, qui continuent à frapper les filles dévêtues dans l’indifférence générale. Il ne se passe en fait pas grand chose, et si le film n’ennuie pas, il le doit surtout aux talents inexistants de ses acteurs et aux dialogues saugrenus concoctés soit par le scénariste soit par le doublage français. A titre d’exemple, citons l’évocation du sentiment d’incrédulité de la part du flic, qui se met de plus en plus à douter de la santé mentale du châtelain peroxydé : “Il faut vous reprendre, votre fantaisie imagine des choses extravagantes défiant tout bon sens logique“. Ou citons aussi la triste excuse d’Alexis, qui contrairement à son aïeul démoniaque n’est que moyennement porté sur le sexe, ce qui lui fait répondre à sa copine au moment d’aller au lit : “vas-y, j’ai l’empaillage d’un renard à finir“. Il fallait y penser. C’est mieux que l’excuse de la migraine !
Pour enfoncer le clou, l’amateurisme du scénariste et des acteurs est appuyé par celui du réalisateur, dont les talents de mise en scène se limitent à crier “action” (et encore, il n’y a pas de preuve que ce fut bien le cas). Il y a déjà ces visions subjectives dans lesquelles la caméra pointe vers le bas, nous donnant un bel aperçu du parquet ou des marches de l’escalier, donnant l’impression que le vampire fantôme dont la vision est ici représentée cherche avant tout à ne pas se vautrer sur une latte mal fixée. Il y a ensuite les prétentions gothiques qui, d’une part sont désavantagées par un budget famélique (aucun éclairage, accessoires et décors inexistants) et d’autre part son humiliées par les “à côtés” comme les voitures de sport, la coupe peroxydée de cet handicapé vestimentaire d’Alexis ou les allées et venues dans les chambres bas de gamme des victimes féminines. Il y a enfin une ribambelle d’erreurs logiques, comme la sempiternelle bougie capable à elle seule d’éclairer une pièce comme le ferait une bonne vieille ampoule… Bref, si il est fréquent de trouver des films bis moqués par un public rigolard un peu trop zélé dans les dénichages de défauts, L’Horrible sexy vampire est pour sa part un véritable appel à la dérision. Le sérieux qu’il affiche est en complet décalage avec l’indigence totale de sa conception, et on ne peut faire autrement que de prendre tout ça avec le sourire. Il vaut mieux, d’ailleurs, car le gore est inexistant (voilà ce qui arrive quand un vampire étrangle) et les scènes érotiques sont de toute évidence coupées dans la version française du film parue chez Proserpine.