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L’Extravagant Mr. Deeds – Frank Capra

deeds

Mr. Deeds goes to town. 1936

Origine : États-Unis
Genre : Comédie dramatique
Réalisation : Frank Capra
Avec : Gary Cooper, Jean Arthur, George Bancroft, Lionel Stander…

Longfellow Deeds est un joueur de tuba, dans le fin fond du Vermont. Un jour, il va hériter de 20 millions de dollars, soit la fortune d’un oncle New Yorkais. Bien sûr, pour encaisser cette fortune, il va devoir se rendre à New York où, comme l’exige la convention sociale, il deviendra un personnage médiatique, malgré sa totale aversion pour la chose…

Cette comédie de Frank Capra, à l’humour encore une foi léger, est cependant plutôt corsée niveau critique sociale. En choisissant de le faire apparaître comme un provincial, Capra fait de son personnage principal une véritable représentation du bon sens. Acquis aux principes d’une vie simple, sans chichi, sans superficialité, Mr Deeds va devoir plonger au milieu de l’exubérante et archi-codifiée société new yorkaise, qu’elle soit mondaine ou non. De sa volonté personnelle, les gens qu’il sera amené à côtoyer à New York n’en ont strictement rien à faire. Ils tenteront de l’amener à se conformer aux normes pré-établies, même si celles-ci sont en total opposition avec sa personnalité. Pourtant Deeds ne réagira pas mal. En homme bon qu’il est, il essayera de satisfaire aux demandes qu’on lui impose. Il essayera, mais il ne se laissera cependant pas marcher sur les pieds non plus. Il est sans aucun doute rêveur, mais il est également armé d’un bon sens peu commun à New York.

Pour son côté rêveur, l’exemple le plus probant est son histoire d’amour. Mené en bateau par une journaliste qui ne désire tout d’abord que récupérer des scoops le concernant, il va faire preuve d’une sensibilité amoureuse dont le tout New-York riera. Appelé Cinderella Man (L’homme-Cendrillon), il va passer pour un niais idéaliste. Pourtant, il ne va certainement pas changer sa façon d’être avec Mary (en réalité Babe Bennett, la journaliste), au sujet de laquelle il ne se doute encore de rien. Mais cependant Marie / Babe va, à force d’être amenée à le côtoyer au quotidien, réellement tomber amoureuse de lui. Tandis que la société continue de rire du bonhomme. Bref, le romantisme (au sens moderne du terme) rêveur de Mr Deeds a véritablement réussi à toucher le cœur de la pourtant très cynique Babe Bennett. Ce que la société ne comprend pas, elle qui ne sait que juger selon des “on-dit”, selon des apparences. Sans connaître l’homme. Ne pouvant se résoudre à continuer à le trahir de la sorte, Babe va devoir lui avouer la vérité. Ce qui va le briser lui, et elle… Deeds va à se moment là prendre pleinement conscience de la laideur de cette société où la manipulation est reine. Du reste, cette intrigue amoureuse est très loin d’être la seule à révéler cet état de fait. On a donc, à travers le personnage de Babe, une critique pour le monde du journalisme urbain et people, perpétuellement en quête de scoops, et pour qui la personne victime de leurs actes ne compte absolument pas. Un propos encore aujourd’hui furieusement d’actualité. Et puis il y a l’argent.

L’argent qui est au centre de tout, qui a motivé cette perte des valeurs humaines de la haute société New Yorkaise. Dès le départ, c’est l’argent qui a amené Mr Deeds à être confronter aux mondanités. C’est aussi l’argent qui a dépéché avocats et banquiers autour de Mr Deeds. Des gens qui, sous leurs bons mots, ne désirent qu’une chose : que Deeds les choisissent pour s’occuper de son capital. C’est aussi l’argent qui poussera les cousins de Deeds à réclamer leur part de l’héritage en trainant le bonhomme en justice. C’est enfin l’argent qui poussera l’association responsable de l’Opera du coin à quemander auprès de Deeds. Pour combler les pertes dont ils sont eux-mêmes responsables, ayant oublié les principes artistiques.

A tout cela, Mr Deeds répondra selon son bon sens. Il n’est pas près à se laisser manipuler pour intégrer une société dont il se fout. Il ne sera pourtant pas méchant. Mais il va imposer sa propre vision de la vie : une vie plus simple, une vie moins chichiteuse, plus réaliste et plus humaine. D’ailleurs son humanité trouvera son point culminant suite à l’intervention d’un pauvre New Yorkais dans sa propre maison qui, en désespoir de cause, agressera Deeds, lui reprochant de ne rien faire pour les désavantagés malgré sa colossale fortune. Pourtant ce pauvre New Yorkais finira par s’excuser, ce qui sans doute va provoquer une certaine prise de conscience de la situation de la “basse-société” chez Mr Deeds. Celui-ci va donc dépenser une très large part de sa fortune pour reconstruire des fermes. N’oublions pas que nous sommes en 1936 et que les effets du crack financier de 1929 sont encore là : chômage et misère…
A ce niveau là, s’en est trop pour tous les nantis de la haute-société new yorkaise : ils vont attaquer Deeds en justice pour folie, avancant que compte tenu de sa folie, Deeds ne peut gérer sa fortune. Ce procès qui suivra sera un summum de la filmographie d’un Capra qui a décidément un sens génial du dénouement, et je vous en laisse la surprise…

Bref Capra livre un grand film, autant comique que social. Son personnage de Mr Deeds, un homme bon, hors de toute contrainte sociale, est un homme vrai, avec sa propre personnalité, qu’il n’est pas près à abandonner. Il fait office de rêveur dans ce monde d’apparat, mais pourtant, cela ne l’empêche pas de réussir. Ce qui m’amène à faire la comparaison avec le Edward Bloom de Big Fish, que je trouve particulièrement similaire à Mr Deeds. Un rêveur à succès, ayant refusé de se livrer corps et âme à la société mondaine. Mais qui pourtant ne désire pas s’en séparer totalement, mû qu’il est par sa foi en l’homme.

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