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Into the Wild – Sean Penn

Into the Wild. 2007.

Origine : États-Unis
Genre : Road-Movie existentiel
Réalisation : Sean Penn
Avec : Emile Hirsch, Catherine Keener, Marcia Gay Harden, William Hurt, Kristin Stewart, Vince Vaughn, Hal Holbrook.

Fraîchement diplômé, Christopher McCandless prend la poudre d’escampette, désireux de s’affranchir d’une société aux valeurs qu’il exècre. Au départ, il erre sans autre but que de voyager dans un total dénuement, puis il se fixe en cours de route l’objectif de gagner l’Alaska pour y communier avec la nature. Son périple ne se fera pas sans embûches, mais sera riche en rencontres.

Sean Penn est un réalisateur qui aime prendre son temps, seulement quatre films en une quinzaine d’années. Chacun de ses passages derrière la caméra témoigne d’une réelle envie de faire du cinéma, l’acteur n’hésitant pas à s’éclipser totalement derrière le metteur en scène. Il ne souhaite pas vendre ses films sur son seul nom, bien que cela soit inévitable, mais avant tout sur leur sujet. Souvent hantés par la mort (d’une mère, d’une fille, d’un enfant), ses films n’en demeurent pas moins porteurs d’un espoir, tout fugace qu’il soit. Son inspiration, Sean Penn la puise de la musique qu’il écoute (The Indian Runner), d’un drame qui touche l’un de ses amis (The Crossing Guard), ou tout simplement de ses lectures (The Pledge). Into the Wild naît de sa fascination pour la réelle épopée de Chrictopher McCandless, jeune homme parti à l’aventure jusqu’en Alaska. Cette quête de liberté trouve un écho dans sa propre existence. Durant sa jeunesse, Sean Penn a lui-même multiplié les virées sur les routes des États-Unis, cherchant à retrouver une sorte d’authenticité que sa vie d’alors, emplie de frasques et des crépitements des appareils photos des paparazzis, ne lui permettait guère d’approcher. Avec son nouveau film, il colle au plus près d’une imagerie typiquement américaine et héritière du vieil Ouest, la quête des grands espaces.

Rien ne prédisposait Christopher McCandless à vivre en marge de la société. Issu d’un milieu aisé –ces deux parents travaillent pour la NASA- sa voie semblait toute tracée avec passage dans une université de renom, puis, bardé de diplômes, l’obtention d’un travail prestigieux et grassement rémunéré. Or de cette vie, il n’en veut pas. Il est en totale rupture avec ses parents, pour lesquels il n’éprouve que peu d’amour. Il nourrit notamment de forts ressentiments à l’encontre de son père, dont il fustige le carriérisme qui a mis à mal la cellule familiale. Tous deux ne peuvent plus s’adresser la parole sans qu’immanquablement le ton monte. Chris dresse des barrières de plus en plus hautes entre ses parents et lui. Une attitude qui trouve son origine dans le choc résultant de sa découverte fortuite du secret paternel. Ce dernier était déjà marié à une autre femme lorsque Christopher est venu au monde. Dès lors, Chris vit avec le terrible sentiment d’être un bâtard. Il s’agit là de la goutte d’eau qui a fait déborder le vase d’un ras le bol général contre une société par trop matérialiste. En guise de préparation de son périple, Chris détruit tout ce qui le rattache à cette société qu’il a en horreur : carte de crédit, carte de sécurité sociale, permis de conduire, … Il se débarrasse de tous les documents susceptibles de permettre son identification. Mieux, il s’arrange pour que sa famille n’apprenne sa disparition que deux mois après son départ. Désormais vierge de toute existence autre que physique, il commence à toucher du doigt la liberté tant recherchée. Cependant, davantage qu’à la société, c’est à son père que s’adresse ce geste fort. En agissant de la sorte, il assume symboliquement le statut de bâtard qui le blesse tant. Il se libère de toute ascendance paternelle (il lègue l’argent destiné à ses études à une œuvre humanitaire, rompant brusquement avec le matérialisme de son père) et se créé une nouvelle identité, Alexander Supertramp, nom sous lequel il se présentera à tous ceux qu’il croisera sur sa route. Une façon de s’approprier pleinement son périple, d’en assumer toute la paternité.

Pour retranscrire cette traversée des États-Unis, Sean Penn articule tout son récit autour du séjour de Christopher/Alexander en Alaska. Entre son arrivée et son départ de cette terre inhospitalière, et néanmoins magnifique, le récit égrène ses divers rencontres sous la forme de chapitres, chacun témoignant d’une évolution dans le mûrissement du projet du jeune homme. Chacune de ses rencontres lui permet de confronter ses idées sur la vie avec des gens issus de tous horizons, et à nous, de mieux cerner sa personnalité. Fils de bonne famille et cultivé, Chris nous apparaît avant tout comme un fieffé égoïste. Il ne se soucie de rien d’autre que de sa seule personne, et ne prête guère attention à ce que les gens lui disent. Cet égoïsme frappe dès sa première rencontre avec un couple de vieux hippies. Parcourir les routes, ils connaissent, et ils vivent d’ailleurs toujours de cette manière. Ils sont donc les plus à même de comprendre ce qui motive Chris. Mais la femme est également une mère, une mère que le fils unique a laissée sans nouvelles depuis deux longues années. Dès lors, son errance se teinte du vain espoir de recroiser un jour la route de son enfant. Et Chris lui renvoie cette image du fils qui, tout à son propre plaisir, en oublie le chagrin qu’il peut provoquer à ses parents. Elle se garde bien de le juger, tentant simplement de le persuader de l’utilité d’un simple coup de fil à sa famille. Cette rencontre initiale confronte deux époques, celle du flower power qui prônait la solidarité et l’amour, et celle des années 90 et de l’individualisme roi. Et bien qu’il s’en défende, Chris est un pur produit de son époque. Ses autres rencontres n’atteignent jamais l’intensité de cette première fois, qui trouvera un prolongement un peu plus loin dans le film. Des autres rencontres, on retient surtout leur caractère anecdotique, sentiment confirmé par le montage lui-même, qui coupe par exemple une scène en plein milieu d’une conversation entre Chris et le patron de l’exploitation agricole chez qui il s’est fait embaucher. Ce qui laisse un peu sur sa faim. Toutefois, il s’attarde plus longuement sur les quelques jours qui précédent l’arrivée de Chris en Alaska, et qu’il passe en compagnie d’un septuagénaire. Cette rencontre revêt un aspect symbolique dans la mesure où cet homme endeuillé qui recherche désespérément un fils pour perpétuer sa lignée, pourrait très bien être le père de Chris dans quelques années. Pour la seconde fois, Chris est confronté à la souffrance de parents restés inconsolables depuis la disparition de leurs enfants. Chris n’en a cure et accueille tout ça avec dédain. Il est encore jeune et, tout à sa joie d’arriver au terme de son voyage, ne comprend pas grand chose à tout cela.

Film intéressant par son sujet, Into the wild convainc moins dans sa forme. Sean Penn multiplie les effets de mise en scène (split screen, grandes envolées à la louma) et complexifie sa narration sans pour autant sortir des sentiers battus. Le récit se déroule de façon très attendue, au rythme de rencontres plus ou moins longues et de quelques scènes à but lacrymal (les incessants retour sur le chagrin des parents, notamment). Néanmoins, si la déception est grande à l’aune de ses précédents films, Sean Penn sauve l’essentiel grâce à son traitement des personnages, Chris en premier lieu, dont il n’idéalise ni la personnalité, ni le voyage. Christopher McCandless pêche essentiellement par vanité. Il croit s’affranchir de l’influence paternelle en coupant définitivement les ponts, mais il en conserve certains tics (l’absence de chaussettes lorsqu’il travaille dans un Burger King fait écho à deux plans où l’on voit son père exhiber ses chevilles dénudées). De même, il se rend en Alaska pour se confronter à la nature hostile, loin de toute civilisation, mais n’y aurait pas survécu une semaine sans la présence inespérée d’un car abandonné et aménagé en squat. Et son périple de se teinter d’une douce ironie, jusqu’à sa tardive prise de conscience (de tête) : “Le bonheur est plus intense lorsqu’on le partage avec quelqu’un”. Se confronter à la nature l’aura effectivement enrichi, notamment en lui apprenant à ses dépends que, tout intelligent qu’on soit, on ne la contrôle jamais totalement. A méditer.

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