Hitcher in the Dark – Umberto Lenzi
Paura nel buio. 1989Origine : Italie / États-Unis
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Lorsque la jeune Daniela (Josie Bissett) accepta de monter dans le camping car de Mark (Joe Balogh) pour montrer son courroux à son petit ami volage, elle ne savait pas à quoi elle s’exposait, la malheureuse. Mark est un cinglé, traumatisé dans son jeune âge par la fuite de sa mère Danielska avec un amant. Et comme il trouve que Daniela lui ressemble beaucoup, il va la séquestrer pour la garder auprès de lui. Toutefois, Mark étant partagé entre l’amour et la haine de sa mère, le traitement qu’il réserve à Daniela est imprévisible. La mort n’est pas exclue, si l’on en juge au funeste destin de la précédente auto-stoppeuse. Espérons pour Daniela que son copain Kevin la retrouvera avant que l’on en arrive là.
Voilà un film qui arrive une dizaine d’années trop tard. Eût-il été produit vers la fin des années 70, nous nous serions retrouvés avec une œuvre non seulement bien plus choquante, ou tout du moins bien plus sauvage, mais qui aurait été moins desservie par une masse de ratés fleurant bon la déchéance du cinéma bis italien et qui transforme assez radicalement Hitcher in the dark. Son intrigue simple mais accrocheuse -une jeune femme entre les mains d’un tortionnaire imprévisible- avait tout pour suivre les traces de Avere Vent’anni (au mieux) ou de La Maison au fond du parc (au pire). A plusieurs reprises, Lenzi semble en passe de rejoindre ces modèles, mais jamais il ne poursuit ses efforts. La faute à qui ? Et bien à lui principalement, mais aussi à pas mal de monde, ce qui est encore plus significatif du déclin généralisé du bis italien que si le seul coupable avait été le réalisateur. Les fautifs les plus flagrants sont en premier lieu les doubleurs de la version française, incapables de reproduire le moindre haussement de ton sans sombrer dans le ridicule le plus achevé. Il est vrai que l’acteur Joe Balogh est de toute façon d’une médiocrité à toute épreuve, y compris en version originale selon les témoignages. Choisi probablement pour son visage poupin en phase avec le traumatisme de Mark et avec son appartenance à la bonne bourgeoisie, il se révèle incapable de gérer les brusques changements d’humeur de son personnage. Là où la perspective d’un nouveau coup de sang devrait faire frissonner, elle terrifie plutôt par la garantie d’une nouvelle humiliation pour son acteur. Et de lui seul, car on ne peut pas dire que Daniela soit particulièrement mise à mal durant sa captivité. La droguer et l’enchaîner, voilà le déroulement habituel des “supplices” qui lui sont infligés par le maniaque. En dehors de ça, pratiquement rien à signaler : il lui coupe les cheveux (pendant qu’elle dort) pour la faire ressembler à sa mère et il la déshabille (toujours quand elle dort) pour la prendre en photo. Quel manque d’imagination pour un Umberto Lenzi bien connu pour l’immoralité de ses polars et pour le gore grand guignol de certains de ses films d’horreur !
Bien sûr, le scénario ne veut pas faire de Mark un psychokiller pur jus. Il joue sur la carte bien connue du traumatisme d’enfance, et l’alibi du cinglé est de trouver une remplaçante à sa mère, qui subira tour à tour son affection et son courroux, avec tout de même une apparence permanente de lucidité par-dessus, histoire de ne pas en faire non plus un irresponsable. Mais cela empêchait-il vraiment de se montrer plus pervers ? Nous ne sommes pas là pour voir un traité psychologique sur la folie, d’autant plus que cette folie à base freudienne est usée jusqu’à la corde et qu’à ce titre Lenzi pouvait largement se permettre ses écarts habituels. Il le pouvait et il le devait, puisqu’après tout il s’agit avant tout d’un film de séquestration jouant sur l’angoisse ressentie par Daniela, avec laquelle on est censé compatir. La malmener y aurait contribué, palliant au moins partiellement les ratés de l’acteur principal… et de l’actrice principale, qui n’est d’ailleurs pas tout à fait innocente dans le manque d’agressivité du film. C’est que voyez vous, l’actrice Josie Bissett -qui se fera connaître avec une série à sa mesure, Melrose Place– refusait de trop se dénuder. Mademoiselle était trop pudique pour se laisser humilier face à la caméra… Que venait-elle donc faire dans une semblable production ? D’autant plus qu’en tant qu’actrice, elle se montre particulièrement quelconque, incapable de faire ressentir de la pitié pour son personnage. Ce qui dans un film basé sur un tel sujet est un grave défaut. N’importe quelle actrice ayant joué aux victimes persécutées dans les gialli d’antan aurait fait mieux que cette composition insipide. Et d’ailleurs, n’importe quel tueur ganté des années 60 et 70 aurait mieux convenu que Joe Balogh… Sachant que le scénario ne repose à peu de choses près que sur ces deux seuls acteurs (ce qui est la contrepartie du refus de verser dans l’ultra-violence), il est illusoire d’espérer convaincre qui que ce soit. Précisons qu’en plus les dialogues sont particulièrement crétins. Et pourtant, qu’il soit sincère ou victime de la langue de bois, Lenzi continue encore aujourd’hui à défendre ses deux acteurs, pensant de l’un, qu’il reconnait médiocre, qu’il s’est sublimé dans son film et contestant pour l’autre le droit d’un réalisateur à forcer la nature de ses acteurs (argument bien étrange : depuis quand une starlette anonyme peut-elle décider à la place du réalisateur d’une série B ? Pourquoi a-t-elle été engagée ?). Si je donne l’impression de m’acharner ainsi, c’est tout simplement parce que Hitcher in the dark avait vraiment le potentiel d’être autre chose que ce qu’il est. Ses grandes lignes sont solides, les projets d’évasion de Daniela par la manipulation psychologique et l’idée de rendre imprévisible son maniaque auraient permis d’assurer une tension constante qui serait vraiment bien passée auprès d’une illustration plus radicale. Il aurait fallu qu’il soit réalisé par quelqu’un d’autre que cet Umberto Lenzi ramolli et qu’il mette en vedette de vrais acteurs, et non des échappés de sitcoms. Qu’il soit donc de 15 ans plus vieux.
A côté de ces défauts majeurs, il en existe d’autres, des “à-côtés”. Lenzi sort assez souvent du camping car, principalement pour suivre les pas de Kevin, à la recherche de Daniela. Un peu plus supportable que les deux têtes d’affiches, bien que son physique de bellâtre blond lui donne lui aussi l’allure d’un échappé de sitcom, il se heurte cependant aux situations dans lequel le plonge Lenzi. Recourant à peu de choses près au même procédé que Wes Craven dans La Dernière maison sur la gauche, le réalisateur aime à profiter du monde extérieur pour avoir recours à la légèreté, voire à l’humour. Probablement pour souligner la situation dramatique et pour signifier que pendant que certains souffrent, le monde suit son cours comme si de rien n’était. En un sens, il vaut mieux que l’affrontement entre Daniela et Mark soit raté, sans quoi il aurait eu à subir la lourdeur de personnages aussi grotesques que ces deux motards très “gays”, de l’assemblée hilare d’un drive-in face à un film burlesque ou encore de ce concours de T-Shirts mouillés consternant. Autant d’éléments typiques de l’imbécilité du cinéma bis italien des années 80. Et puis il y a aussi un véritable déluge de facilités, venant d’ailleurs s’ajouter aux occasions d’évasion gâchées par la très sotte Daniela : les premiers flics qui ne croient pas ce qu’on leur dit, les seconds qui abandonnent vite fait leur inspection du camping parce que le père de Mark est un homme célèbre (bon, cela va encore grâce à un mini sous-texte politique) et les troisièmes qui allaient tout découvrir mais qui sont rappelés juste à temps. Il y a même un voleur d’auto-radio qui réussit son larcin sans rien remarquer ! Ce Mark a décidément le cul bordé de nouilles. Point de cruelle ironie là-dedans, il s’agit bien de procédés grossièrement destinés à raviver le suspense le temps de quelques minutes. Ou tout du moins, le manque de réalisme ne peut que déboucher sur cette impression. Enfin, la conclusion consensuelle imposée à Lenzi (lequel voulait pourtant conclure sur un dénouement noir) par son Joe d’Amato de producteur prend l’allure d’une mauvaise greffe faisant le contrepoids d’une introduction tout aussi inutile, dont la seule utilité fut de montrer que Mark pouvait assassiner. Une précision qui n’aurait pas eu lieu d’être si le corps du film n’avait pas été si timoré. Quel gâchis…