Expendables : Unité spéciale – Sylvester Stallone
The Expendables. 2010.Origine : États-Unis
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Barney Ross se trouve à la tête d’une escouade de têtes brûlées à laquelle on confie des missions difficilement réalisables dans un cadre légal. Après avoir libéré les otages de pirates somaliens, Barney Ross est sollicité pour libérer l’île de Vilena du joug du Général Garza, le tyran local. Une mission de reconnaissance sur l’île lui permet de déterminer que la véritable cible de sa mission n’est pas le Général mais Sam Monroe, un ancien de la CIA qui détourne l’argent de la drogue à son profit. Goûtant fort peu qu’on lui cache la vérité, Ross, en accord avec ses hommes, décide de refuser la mission. Néanmoins, le souvenir tenace de Sandra, fille du Général et sa principale opposante, qui a préféré rester pour défendre le peuple opprimé l’amène à revoir sa position. Il décide donc d’y retourner, accompagné de ses hommes qui se refusent à le laisser partir seul au casse-pipe.
Incorrigible Sylvester Stallone ! Lors de la promotion de Daylight (1996), il assurait ses interlocuteurs de sa volonté de délaisser enfin le film d’action au profit de rôles plus denses dans le cadre de productions plus modestes, à l’image de Copland sorti l’année suivante. Or de thriller en polar bas de gamme (Compte à rebours mortel, le remake Get Carter) en passant par des participations à des productions honteuses (Taxi 3, Spy kids 3-D), Sylvester Stallone a peu à peu vu les spectateurs se désintéresser de ses films. Pour un acteur populaire comme lui, cette désaffection du public fut particulièrement difficile à digérer. Alors il a tenté un coup de poker en exhumant le personnage qui a fait sa gloire, le boxeur des bas quartiers Rocky Balboa. Ce personnage, il aime bien y revenir en période de vaches maigres. Rocky V résultait déjà d’un désir de reconquérir le public. A l’époque, la tentative s’était soldée par un échec. Retenter le coup 16 ans plus tard relevait donc de l’opération kamikaze. Contre toute attente, Rocky Balboa a été exceptionnellement bien reçu, autant par le public que par la presse. Un inattendu retour en grâce pour un comédien qui à cette occasion n’a pas hésité à se mettre à nu. Ragaillardi par ce bon accueil, Sylvester Stallone s’est empressé de ressortir du placard son autre personnage-phare, le vétéran du Vietnam John Rambo, pour le film éponyme qui se présente comme le trait d’union idéal entre Rocky Balboa et The Expendables. Si Rocky Balboa a permis de rappeler à tous que Sylvester Stallone ne se limite pas à sa seule musculature mais est aussi un comédien capable d’une grande intensité dramatique, John Rambo vise à prouver qu’à plus de 60 ans, la star demeure crédible dans le domaine de l’action. A sa manière, The Expendables se veut la synthèse de ces deux aspects tout en revêtant les atours d’un hommage au cinéma et aux figures du cinéma d’action des années 80-90.
Encensés hier, raillés aujourd’hui, la star de films d’action n’a plus vraiment le même rayonnement à l’heure actuelle qu’à la grande époque des Stallone, Schwarzenegger, Norris et consorts. Prenons le cas de Jason Statham, porte-étendard de la nouvelle génération et qui en dépit de films sortant régulièrement au cinéma –un luxe dont ils sont peu à bénéficier– ne jouit pas de la même aura que ses aînés. A l’époque, un film de Stallone ou de Schwarzenegger créait l’événement lorsque aujourd’hui un film de Jason Statham, voire de Dwayne « The Rock » Johnson, sort dans l’indifférence générale. Les temps changent et désormais un type lambda magnifié par de supers pouvoirs et/ou un costume qui claque attire davantage les foules qu’un adepte de la gonflette dont le seul pouvoir réside dans sa capacité à briser des os sans se départir d’un léger trait d’humour. Je grossis sciemment le trait sachant que même au plus fort des années 80, ils n’étaient qu’une poignée “d’action stars” à se partager le gâteau, les autres devant se contenter des miettes du marché de la vidéo. Ces mêmes seconds couteaux que l’on retrouve à l’honneur au générique de Expendables : Unité spéciale, en guise de pis-aller.
Au moment de lancer le projet, Sylvester Stallone s’imaginait réunir autour de lui tous les grands noms du cinéma d’action, à commencer par ses principaux concurrents de l’époque. Or il a subi quelques refus de marque, dont celui de Jean-Claude Van Damme, ce dernier prétextant que le rôle de James Monroe, qui échut finalement à Eric Roberts, n’était pas suffisamment intéressant. Un comble lorsqu’on a en mémoire la pelletée de personnages unidimensionnels qu’il a interprétés tout au long de sa carrière, et à l’aune d’une filmographie qui enchaîne les direct-to-video. Comme quoi, même au plus bas, certaines vieilles gloires se refusent à jouer les utilités, laissant s’exprimer une fierté un peu vaine. Pour sympathiques qu’elles soient, les apparitions de Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger demeurent de l’ordre du clin d’œil, assorties de dialogues peu subtils entre Stallone et le (ex) Gouverneur de Californie. De fait, l’effet madeleine de Proust souhaité par Stallone reste du domaine du rêve. Composée, outre lui-même, de Jason Statham, Jet Li, Dolph Lundgren et les méconnus Randy Couture et Terry Crews, son unité spéciale a de quoi décevoir les amateurs du genre. Celle de Predator formée autour de Schwarzenegger avait autrement plus de gueule. Ayant conscience de ce déficit d’image, Sylvester Stallone se concentre essentiellement sur son personnage –Barney Ross–, et celui incarné par Jason Statham, Lee Christmas. Ce dernier, personnage comme acteur, incarne en quelque sorte le fils spirituel de Ross/Stallone. Il cultive avec son “supérieur” une relation basée sur un profond respect et une grande confiance mutuelle qui n’exclut pas une complicité presque enfantine pour savoir qui de l’as de la gâchette ou du roi du couteau est le plus rapide. Elles sont comme ça nos bêtes de guerre, dures sur l’homme mais de vrais cœurs tendres une fois leurs grosses pétoires rangées. Tout film bourrin qu’il soit, The Expendables témoigne du souci de son auteur de dépeindre des personnages plus faillibles qu’ils ne semblent l’être. Aussi s’appesantira t-il sur les déboires sentimentaux de Christmas, les doutes de Barney Ross, la solitude de Yin Yang (bravo, pour le patronyme !) ou encore les fêlures psychologiques de Gunnar Jensen. Oh, non ! Il ne fait vraiment pas bon arpenter le monde à guerroyer pour gagner sa croûte ! A force d’être toujours pas monts et par vaux à risquer leur vie, il leur est impossible de nouer des relations stables. En somme, ils sont dans l’incapacité de mener une existence normale, payant un lourd tribut à leur marginalité. Que cette dernière ait été choisie ou contrainte, on ne le saura jamais. Quitte à vouloir étoffer un tant soit peu ses personnages, il aurait été intéressant que Sylvester Stallone lève le voile sur leurs réelles motivations plutôt qu’illustrer leur vulnérabilité –toute relative– de manière aussi simpliste. De fait, leurs tourments n’apparaissent que comme des sas de dépressurisation entre deux scènes d’action, visant à réveiller l’humain derrière la machine à tuer. A la fois factices et “clichetonneux” à souhait (Ah ! L’image de la belle combattante luttant pour une cause juste et non pour l’argent qui hante ce pauvre diable de Barney Ross, quelque peu honteux à l’idée de l’avoir lâchement abandonnée), ces passages provoquent l’effet inverse de celui recherché. Loin de nous rendre les personnages attachants, ces scènes auraient plutôt tendance à accroître notre désintérêt à leur encontre, plongeant dans la torpeur le spectateur venu chercher sa dose d’action.
En vérité, le récit souffre d’une construction chaotique, pour peu qu’on considère qu’il ait été un tant soit peu construit. La manière dont est géré le cas Gunnar Jensen, par exemple, laisse croire le contraire. Plus très au fait des réalités, le bonhomme est censé représenter une menace pour le groupe, d’autant plus grande qu’une fois qu’il en a été exclu, il s’empresse de proposer ses services à l’ennemi. Or le personnage aura toujours le cul entre deux chaises, tiraillé entre son indéfectible amitié pour ses ex équipiers et son envie de leur botter le cul pour leur montrer qui c’est le plus fort. En outre, le traitement du personnage est d’autant plus rageant que sa duplicité nous conduit à un combat assez désastreux entre lui (Dolph Lundgren) et Yin Yang, interprété par Jet Li. Pourtant chorégraphié par le chevronné Corey Yuen, l’affrontement paraît avoir été filmé au ralenti. Certes, les deux belligérants ne sont plus de toute première jeunesse mais nous étions tout de même en droit d’espérer un combat plus nerveux de ce qui se présentait comme l’un des clous du spectacle. C’est d’autant plus étrange que les passes d’armes à venir seront nettement plus bestiales. D’ailleurs, dans l’ensemble, les scènes d’action s’avèrent correctes, filmées de manière lisible et généreuses en explosions et castagnes à tout va. Seules les gerbes de sang, par ailleurs abondantes, trahissent le travail effectué en post-production.
A la réflexion, The Expendables est un drôle d’objet. Vendu comme un film d’action vintage rappelant les belles heures du cinéma musclé des années 80, The Expendables remplit assurément son contrat. Trop bien sans doute, puisqu’on retrouve cette même pauvreté de scénario au service d’une action quasiment non-stop en guise de progression dramatique. Et les quelques velléités de Sylvester Stallone pour s’éloigner de ce schéma comptent parmi les points négatifs du film. Alors qu’est ce qui fait que la déception soit si grande ? En premier lieu, l’absence de grands noms du genre, et de manière générale, la désagréable impression qu’aucune scène n’est véritablement à la hauteur du projet. On ne ressent pas une réelle unité entre les divers protagonistes, ni même le plaisir d’œuvrer ensemble pour le retour d’un genre aujourd’hui relégué aux oubliettes. Je suis peut-être aussi trop vieux pour prendre un réel plaisir, même régressif, devant ce type de spectacle. Quoique rien n’est moins sûr… La promesse de voir The Expendables 2 corriger les scories d’un premier épisode décevant suffit à titiller le jeune spectateur amateur d’action bourrine qui sommeille en moi. Finalement, il n’y a pas que Sylvester Stallone que je pourrais qualifier d’incorrigible…