CinémaHorreur

Evil Baby – Peter Sasdy

evilbaby

I Don’t Want to Be Born. 1975

Origine : Royaume-Uni
Genre : Fantastique
Réalisation : Peter Sasdy
Avec : Joan Collins, Ralph Bates, Eileen Atkins, Donald Pleasence…

Lucy et Gino Carlesi (Joan Collins et Ralph Bates) ont le malheur de vous annoncer la naissance de leur petit Nicolas Sa… De leur petit Nicolas. Un horrible bambin méchant comme la galle, que même la vieille servante Mrs Hyde ne peut pas voir en peinture. De toute évidence, le morveux n’aime pas les adultes. Il y a bien une raison à ça…

J’aurais aimé dire que Evil Baby est un film portant sur la psychologie des jeunes parents. La vie qui change, la peur de mal faire, la dépression post-natale, ce genre de choses. Cela aurait voulu dire que le film fut conçu sur des ambitions, fussent-elles mal réalisées. Ou alors, Evil Baby aurait pu jouer la carte de l’épouvante sataniste, puisqu’après tout Rosemary’s Baby et L’Exorciste étaient déjà sortis, et que le concept du bébé démoniaque aurait pu s’inscrire comme une séquelle non-officielle du Polanski. Mais hélas, il n’y a pas de ça… Peter Sasdy, réalisateur de séries télé et de quelques productions Hammer (Une messe pour Dracula, La Comtesse Dracula, La Fille de Jack l’éventreur), n’est pas homme à voir bien loin. On lui demande un film de bébé diabolique, il réalise un film de bébé diabolique, sans aller au-delà. Il y a fort peu à dire sur le résultat, puisqu’en gros, tout le film se résume à une idée : “le petit Nicolas fait des siennes”. Il griffe sa maman, il la frappe, il mord la bonne, tire les cheveux de la nurse, ravage sa chambre… Ceci pendant une heure. Fort peu spectaculaire, et surtout source d’ennui.

Le bébé lui-même a l’air de se demander ce qu’il fait là. Il n’est pas le seul : dans le rôle de sa mère, Joan Collins s’interroge aussi, sauf qu’étant adulte, elle le sait parfaitement bien. Victime d’une baisse de popularité, l’ambitieuse rivale d’Elizabeth Taylor (frasques people inclues) doit cachetonner dans quelques productions horrifiques britanniques avant d’être sauvée de l’oubli grâce à la série Dynastie. En attendant, elle mange son pain noir, et doit se débrouiller dans un rôle difficile, où elle est contrainte d’en faire des tonnes pour faire croire à cette histoire de bébé griffeur. L’actrice en elle-même ne pouvait pas faire grand chose avec un tel scénario, et d’ailleurs elle ne joue pas particulièrement mal, mais plutôt que Joan Collins, par pur favoritisme, on aurait aimé que Caroline Munro dispose de ce premier rôle au lieu de se ridiculiser dans celui d’une danseuse de charme un peu pouffiasse. Que vient faire un tel rôle dans ce film, me demanderez-vous ? Et bien à défaut de dépasser le stade de l’incivilité avec le bébé (ce qui à une exception près -pousser sa nurse dans un fleuve- n’arrivera qu’en fin de film, et encore sans que l’on ne voie effectivement le bébé se mettre à assassiner), Sasdy se concentre sur les recherches de la mère pour déterminer l’origine du mal. Et c’est là que Evil Baby cesse de n’être qu’un vaste foutage de gueule pour approcher les limites du grotesque.

Lucy Carlesi fut en effet elle aussi une danseuse de charme, d’où son amitié avec Mandy / Caroline Munro. Et il ne lui faut pas bien longtemps pour découvrir la raison de l’étrange attitude de son fils… Un flash-back surprenant nous apprend qu’un nain de la troupe lui jeta une malédiction après qu’elle eut refusé de le laisser lui peloter les seins, et plus si affinité… Ledit nain fut en plus éjecté de la loge de Lucy par Tommy, le manager de la troupe aux allures caricaturales de maquereau, avec lequel Lucy s’empressa de coucher en guise de gratitude. Comprenez donc la colère du nain lubrique… Quoique Lucy a également une autre explication : s’étant laissé aller à une partie de jambes en l’air avec Tommy la veille de son mariage, elle se demande si le père ne serait pas finalement son ancien patron, d’où la nécessité de s’enquérir auprès de lui au sujet d’une éventuelle tare mentale dans la famille. Sujet délicat, surtout que Tommy n’a pas changé et reste toujours un peu obsédé sur les bords. Il va sans dire que la parenté avec Rosemary’s Baby, évoquée également par l’accroche de la VHS française, est alors loin, mais alors très loin de la réalité. Nous sommes ponctuellement bien plus dans la série Z, façon Le Château de Frankenstein, cette panouille signée Robert H. Oliver l’année précédente, et qui disposait également d’un nain pervers. Cela surprend de la part d’un cinéma fantastique britannique, qui même en étant décrépi ne se fourvoyait généralement pas dans cette direction.

A priori, Evil Baby ne semblait pas non plus s’y engager, restant attaché au milieu bourgeois de ses protagonistes (comme dans Rosemary’s Baby et L’Exorciste), ce qui le rend d’autant plus surprenant. Et en fin de compte, cela le dessert à tous les niveaux, car un film comme Le Château de Frankenstein jouait son rôle de série Z pour être amusant, tandis que le film de Sasdy conserve la prétention d’être pris au sérieux, ce qui n’est dès lors plus possible. On pourra toujours se cacher derrière l’excuse du second degré, mais rien ne peut corroborer cette hypothèse, ni du point de vue du style qui reste sobre du début à la fin, ni de celui des personnages, qui manquent de relief. Les deux aides extérieures que réussit à dénicher Lucy (dont le mari est aux abonnés absents) sont en effet un docteur qui n’y comprend rien et qui s’en fout un peu joué par Donald Pleasence et la belle soeur bonne soeur de Lucy, qui pour sa part considère que c’est Satan en personne qui se cache derrière le sale caractère du bébé via une banale possession. A tel point qu’elle finit par faire naître le doute malgré le flash-back sur la malédiction du nain… Sasdy tranchera la poire en deux : il y a bien possession, mais ce n’est pas le diable qui possède Nicolas. C’est le nain, qui par ailleurs continue sa carrière sur les planches… Pas très clair, et surtout ridicullisime lorsque le réalisateur insère des images quasi-subliminales du nain dans la grenouillère et le landau du nourrisson. Passage obligé, l’exorcisme final n’en est que plus saugrenu, surtout qu’il aurait tout aussi bien pu avoir lieu bien avant (puisque la belle soeur bonne soeur était déjà sur de son fait, et qu’elle organise son exorcisme sans cérémonial ni décorum). Mais il fallait bien trouver quelque chose pour finir le film…

Ratage complet, donc, pour cet Evil Baby alternant passages involontairement comiques et -le plus souvent- platitude des parlottes stériles. La musique mi-psychédélique mi-hawaïenne qui compose la bande originale résume bien l’incongruité de l’ensemble. Derrière tout cela transparaît en fait une chose fort simple : personne n’avait d’idées bien définies quant à ce qu’il fallait faire du film, et tout le monde a navigué à vue, poussivement, au petit bonheur la chance. Le réalisateur, le scénariste, le compositeur, les acteurs… “Si c’est un bon film, c’est un miracle !”, comme disait le slogan de la parodie de New World dans Hollywood Boulevard. Ici, il n’y en a pas eu, et en plus ce refus de s’assumer comme un film bis est particulièrement irritant.

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