CinémaHorreur

Le Château de Frankenstein – Robert H. Oliver

chateaufrankenstein

Terror! Il castello delle donne maledette. 1974

Origine : Italie
Genre : Horreur
Réalisation : Robert H. Oliver
Avec : Rossano Brazzi, Michael Dunn, Salvatore Baccaro, Christiane Rücker…

Profitant que la colère meurtrière des villageois se soit pour une fois abattue sur quelqu’un d’autre (ça ne durera pas), le Comte Frankenstein déniche le cadavre d’un des hommes de Néandertal qui peuplent la région et se le garde au frais, le temps pour ses sbires difformes de récupérer un autre cadavre. C’est que Frankenstein prévoit de redonner vie au sauvage via un cerveau plus frais. L’expérience se passe plutôt bien, mais la créature, baptisée Goliath, demeure tout de même ligotée à sa table d’opération. Elle est donc sous bonne garde pendant que Frankenstein reçoit sa fille Maria, son gendre Eric ainsi que Krista, une amie de Maria. Pour faire bonne mesure, le scientifique congédie aussi Genz, le nain lubrique qui entre autres mauvaises idées eut l’audace de pénétrer dans le laboratoire interdit. Seul en pleine nature, Genz trouve refuge chez un autre homme de Néandertal qu’il nomme Ook et projette sa vengeance.

Après moult incertitudes concernant la véritable identité d’un réalisateur que tout le monde pensait sévir sous pseudonyme, la vérité semble être tombée. Remercions Christophe Bier qui dans Mad Movies n°192 remercie son collègue américain Julian Grainger qui doit ce scoop à Gordon Mitchell (Igor dans le film) : Robert Oliver existe réellement, et c’est un ami du producteur américain Dick Randall, expatrié en Europe depuis le début des années 60… A moins que ce ne soit Oscar Brazzi, frère de l’acteur principal auquel le même Gordon Mitchell imputait le film avant de changer d’avis face à Grainger (toujours selon Bier, qui cette fois cite Ciné Zine Zone). Toujours est il que quelle que soit l’identité de son réalisateur, Le Château de Frankenstein reste un film gothique tardif, n’évitant l’anachronisme que par un usage incongru d’éléments purement opportunistes relatifs à l’évolution des moeurs au cinéma. Ce qui l’amène à se prendre méchamment les pieds dans le tapis : rarement ode à la tolérance fut aussi maladroite… Ici, les sympathies du réalisateur et donc son message (dévoilé à l’emporte-pièce dans les dernières minutes, tout le reste étant dominé par la totale neutralité émotionnelle du spectateur) vont au nain Genz accompagné de Ook, son ami primitif, puis dans un second temps à Goliath, bien entendu échappé et traqué par des villageois qui auront passé le film à persuader le policier en chef de les laisser allumer leurs torches. La maladresse naît de la caractérisation même de Genz : un vulgaire nain lubrique qui quand il ne déshabille pas les mortes se distingue au château de son maître en reluquant toutes les femmes via des artifices aussi subtils que les trous à la place des yeux dans les portraits accrochés aux murs.

Pratique pour placer les scènes de nus sans lesquelles le cinéma italien ne serait pas le cinéma italien (il serait français !), mais complètement déplacé lorsqu’il s’agit de faire naître l’empathie pour un personnage que l’on juge d’abord justement expulsé du château. Mais non, il faut se rendre à l’évidence : le voyeur, même un peu nécrophile sur les bords, mérite d’être défendu de son vilain maître ! Ce qui est d’autant plus saugrenu que le Comte Frankenstein fut le seul à le recueillir, et que Genz aura été exclu non pour sa perversion mais parce qu’il pénétra dans le laboratoire sans y être autorisé. Autre énergumène méritant la pitié (du moins du point de vue du réalisateur) : Ook le sauvage. Atteint d’une maladie rare affectant son ossature pour lui donner un corps trapu et un visage effrayant, Salvatore Baccaro (sous le pseudonyme ambitieux de Boris Lugosi) compose un mémorable néandertalien en peau de bête sévissant sans honte en pleine Europe centrale du XIXème siècle. Son accoutrement, ses grognements et sa gestuelle simiesque en font la deuxième tête d’un improbable duo qui sous la férule de Genz commence par kidnapper, violer et assassiner une villageoise (et les villageois de trépigner jusqu’à ce qu’on les autorise à sortir les torches enflammées). Déjà que le jeu des acteurs ne fait pas très sérieux, mais si en plus il faut passer outre ces primesauteries (certes rigolotes, mais dans le fond très méchantes) pour approuver l’idée qu’il faut défendre les “anormaux” simplement parce qu’ils sont anormaux, c’est un peu fort de café. Dans sa grande maladresse, Oliver ne se rend pas compte qu’il ne traite justement pas ses “anormaux” comme des “normaux” : ils ont beau être les pires crapules qui soient, ils doivent être défendus parce qu’ils ne sont pas comme les gens “normaux”. C’est un peu de la discrimination positive poussée à l’extrême.

Soyons tout de même honnêtes : il y a bien une raison pour que le réalisateur n’ait délivré ce message que dans les dernières minutes. Et cette raison est que Le Château de Frankenstein devait être un film contenant son lot de déviances afin de pouvoir se vendre au mieux. Ce que le réalisateur fit sagement tout du long. Pas de gore et un érotisme gentillet mais en revanche une belle galerie d’allumés -tous les serviteurs de Frankenstein, le nain lubrique côtoyant un bossu adultérin ainsi que Luciano Pigozzi, ce sosie de Peter Lorre ici méchant comme une teigne-. Le discours sur la tolérance n’arrivant qu’à la fin comme un cheveu sur la soupe probablement pour se donner bonne conscience et singer de loin le célèbre Frankenstein de James Whale. Un effort risible. En fait seuls les babioles électriques présentes dans le laboratoire du savant sont dignes d’être comparés au chef d’œuvre de 1931. Il subsiste malgré tout un autre effort pour générer cette compassion que ne savent provoquer Genz et Ook. Guère plus réussi, mais un peu moins ridicule : il s’agit de Goliath, notre second homme des cavernes qui précisons-le ne connaît pas le premier. Bien sûr, avec son crâne d’œuf et la coiffe à la Sémaphore (le maître de Cubitus) qui l’entoure on ne saurait le rapprocher du degré de pitié que provoque Boris Karloff, mais tout de même, il y a quelque chose de gentiment touchant dans le spectacle de ce gaillard pris de jalousie ou de colère lorsque le Comte Frankenstein s’amuse à embrasser et à bousculer Krista devant ses yeux (pour faire progresser la science, donc). Au contraire de son camarade Ook, il est un peu victime du modernisme. La pulpeuse Krista n’y resta pas insensible non plus, puisque lorsque les villageois seront enfin de sortie avec les torches, elle prendra la défense du monstre (avant de se jeter dans les bras du nain, sûrement pas consciente qu’il avait certainement prévu de la violer, mais bref). Une incongruité en plus dans un film qui en regorge, voire qui ne contient que cela, puisque son intrigue est en fait dispersée entre quelques pistes (la vengeance de Genz, les villageois en colère, les expériences de Frankenstein, l’histoire d’amour entre le scientifique et Krista…). De la première à la dernière scène, Le Château de Frankenstein relève du n’importe quoi. Ce qui avec une esthétique relativement soignée aurait pu le rendre tout à fait attrayant, si son déroulement n’avait pas été aussi mollasson.

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