Elves – Jeffrey Mandel
Elves. 1989Origine : Etats-Unis
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Nonobstant les recommandations de son grand-père, qui a bien prévenu qu’elle ne devait pas toucher à ses livres ni aller dans la forêt, Kirsten et deux autres greluches ricanantes s’en vont à travers bois munies d’un vieux grimoire pour une incantation sauvage. La cérémonie tourne court lorsque Kirsten se blesse par inadvertance, faisant couler le sang et réveillant après son départ un abject petit elfe qui s’empresse de suivre celle qui l’a réveillé. Bien qu’il se fera repérer par le petit frère de Kirsten et plus tard par elle-même, il n’a pas l’air de leur vouloir du mal. Par contre, il tue ceux qui se mettent en travers de son chemin. A quoi cela rime-t-il ? Croyez le ou pas, c’est encore un coup des nazis ! D’ailleurs, il ne serait pas surprenant que les trois menaçants gredins à la poursuite de Kirsten soit affiliés d’une façon ou d’une autre aux nationaux socialistes. Tout ça en pleine période de Noël. Heureusement, l’inconsciente jouvencelle peut compter sur l’aide de Mike, un ex policier au chômage.
Un petit monstre, Noël… Gremlins ? Pas du tout ! Elves n’a pas grand chose à voir avec les films de petits monstres, et l’elfe dont il dispose (car oui il n’y en a qu’un) fuit la lumière des projecteurs. La possible timidité provoquée par la façon très rigide dont il est animé est exclue : c’est juste qu’il fait partie d’une intrigue plus vaste, au sein de laquelle il ne représente qu’un pion placé dans le passé et manipulé par des forces désormais divisées. C’est un vrai pataquès scénaristique que nous bricole là Jeffrey Mandel. On ne peut pas dire que le réalisateur / scénariste quasi débutant ait manqué d’imagination, bien au contraire. Réussir à mêler un elfe, des nazis et la Bible (plus exactement l’épisode de l’arche de Noé), cela relève de la gageure. Digne de Mike Mignola et de son Hellboy aux références tout aussi hétéroclites. Toutefois, la justesse de ce style de cocktail tient à pas grand chose. Tout est question de dosage : savoir comment répartir ces ingrédients disparates. Et à ce niveau, Mandel se dresse lui-même un premier obstacle en refusant toute forme d’humour, espérant visiblement équilibrer le tout sur la seule foi des explications fournies permettant d’articuler l’elfe, les nazis et la Bible dans un tout se voulant cohérent. L’objectif est raté : les explications sont tout autant tirées par les cheveux et ont même tendance à rendre l’intrigue encore plus abracadabrantesque. C’est qu’à la base, derrière tout ça se profile un secret de famille que je me garderai bien d’expliciter ici sous peine de nuire à la volonté du réalisateur qui pendant une partie du film joue pratiquement la carte du thriller. Surnaturel, mais thriller quand même.
Puisque nous ne sommes clairement pas dans un film de monstre standard, les principaux protagonistes, c’est à dire la fougueuse Kirsten et le bourru Mike (dont l’interprète, Dan Haggerty, semble visiblement avoir du mal à sortir de l’heure de gloire que lui a procuré le rôle du trappeur James Adams, dit “Grizzly”, 15 ans plus tôt) passent une bonne partie de leur temps à chercher à savoir de quoi il retourne. Ils enquêtent, et ils sont tout autant intrigués par les trois gangsters qui les poursuivent que par l’elfe qui les suit à la trace. Pour ne pas que ses spectateurs ne se focalisent que sur la créature, Mandel n’hésite pas à s’aventurer sur des terres inattendues dans un film qui s’est malgré tout vendu sous l’étiquette “horreur”, celles des fusillades, des cascades automobiles ou des interrogatoires pressants, à chaque fois motivées par les trois larrons venus de nulle part, qui avec leur look de mafieux sont censés mettre en branle un processus qui menacera le monde. Sentant la série B la plus caricaturale à plein nez (c’est là que l’humour aurait pu arrondir les angles), ces personnages sont une pierre d’achoppement dans la crédibilité de l’intrigue. Les excentricités à la Dan Brown s’accommodent assez mal de personnages sonnant faux, ce qui est également le cas pour le tandem de héros, qui bien que ne formant pas l’habituel couple de tourtereaux n’ont franchement pas grand chose à faire valoir. La jeune dévergondée sortie d’un slasher et l’ex flic alcoolique sorti de sa grotte répondent ainsi aux “méchants” mafio-nazis pour sauver le monde. Et pour être charitables, n’évoquons pas les seconds rôles ou même les figurants. Allez donc mener à bien une intrigue axée thriller, après ça…
Mandel a ceci dit plusieurs cordes à son arc, et il ressort régulièrement l’argument surnaturel en prolongement du thriller lorsque Mike recherche l’origine de l’elfe auprès des universitaires spécialisés dans l’occulte. Inutile de revenir sur la façon dont la créature est liée aux nazis, cela dépasse l’entendement. Permettant de faire dans l’horreur plus directement, sans s’embarrasser d’oripeaux mythologiques fumeux, l’elfe en lui même n’a pas vraiment idée des arrières pensées relatives à sa venue sur Terre. Myope comme une taupe si l’on en juge aux vision subjectives dont il est le héros, il attend son heure, trucidant ici ou là quelques bougres ayant eu le malheur de se mettre en travers de sa route (métaphoriquement ou non). Malheureusement, ce petit être frustre qui doit plus à l’image démoniaque colportée par les théologiens médiévaux qu’à celle donnée par des orateurs celtiques ou par Tolkien, manque autant de fantaisie que d’imagination. C’est bien la peine d’être employé par les nazis et d’être un monstre légendaire si c’est pour finir par tuer à l’arme blanche en visant l’entrejambe (son premier meurtre) ! Son seul fait d’arme : revêtir un bonnet de père Noël, histoire de bien démontrer que les gentils lutins servant le barbu à la hotte ne sont pas de son bord. Fugace, l’ironie ne saute pas aux yeux, et j’avoue qu’elle ne m’aurait pas touché si je n’avais pas prêté attention à l’accroche inscrite sur l’affiche américaine, mais à bien en juger, il y avait là une piste à creuser pour sauver l’elfe de sa passivité. C’est pourtant la seule chose qui ait un rapport direct avec Noël, si l’on excepte le meurtre d’un père Noël libidineux et quelques éléments de décor auxquels on ne prête pas attention. En dehors de cette scène (en fait plutôt un plan), Mandel se moque pas mal de Noël et son monstre reste dans les ténèbres desquelles il ne sera sorti que pour tuer quelques seconds couteaux et à l’occasion pour filer les pétoches aux gens en se montrant aux fenêtres.. De toute façon, se montrer un peu plus satirique à l’endroit de Noël aurait rapproché Mandel de Gremlins et l’aurait éloigné de la conspiration nazie menée par des désœuvrés contre d’autres désœuvrés qui semble tant primer à ses yeux.
Elves se résume à une scène : dans un magasin qu’elles avaient investi pour frayer avec des bellâtres de leur connaissance, Kirsten et ses amies tombent sur l’elfe, croisent le fer avec les méchants et Kirsten se fait sauver par le brave Mike sorti du placard où il vit pour s’enquérir de l’origine de tout ce bordel. Tout le film résumé en cette seule scène, en l’occurrence plutôt agitée et de par son déluge d’absurdités plutôt amusante. Une qualité dont manque tout ce qui l’entoure : plutôt bavarde et donc hautement dispensable (climax inclus), cette série B ne tient pas ses promesses. Ou cherche trop à les tenir, si toutefois quelqu’un espérait que Mandel pouvait vraiment faire quelque chose de son ubuesque scénario.