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Effroi – Frank LaLoggia

 

effroi

Fear No Evil. 1981

Origine : Etats-Unis
Genre : Épouvante biblique
Réalisation : Frank LaLoggia
Avec : Stefan Arngrim, Elizabeth Hoffman, Kathleen Rowe McAllen, John Holland…

La bisbille entre dieu et Lucifer, son ange renégat, continue à faire rage. Au second qui n’a de cesse de pousser l’humanité à sa perte, le premier a répliqué par l’envoi de trois archanges fidèles. Sous l’identité d’un curé de campagne, Raphaël n’est pas passé loin de terrasser l’ex porteur de lumière, lui-même déguisé en châtelain fou. Mais hélas, quelque peu esseulé, l’archange n’a pas pu empêcher que Lucifer puisse promettre son retour. Et pour ne rien arranger, Raphaël a été condamné pour meurtre. Dix huit ans plus tard, Lucifer s’est bien réincarné et s’appelle Andrew Williams. Un lycéen modèle et taciturne qui a tout de même conduit ses parents au désespoir dans l’indifférence générale. De leur côté, les combattants du bien sont mal partis : Raphaël hors service, il n’y a plus que Michel, grimé en vieille bigote. Quant à Gabriel, il est attendu avec une fébrile impatience (et un brin d’agacement) afin de contrecarrer la prochaine offensive diabolique…

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L’origine d’Effroi viendrait d’un coup de foudre : celui de Charles LaLoggia, son futur producteur, pour le château de Boldt sis sur une île à la frontière entre l’État de New York et le Canada. De là, LaLoggia aurait embauché son cousin Frank pour rédiger et réaliser une histoire prenant le château pour cadre… Voilà qui était suffisamment vague pour permettre au cousin Frank d’exprimer toute son ambition, visiblement peu contrariée par les contraintes budgétaires inhérentes à tout projet imaginé par les novices indépendants que Charles et lui étaient. Car disposer d’un château, c’est bien, mais encore faut-il savoir quoi mettre autour et dedans (si toutefois les quelques plans d’intérieur ont été vraiment réalisés dans le château de Boldt, ce dont je doute). Les histoires de vampires, les slashers, les maisons hantées : du vu et du revu, bon pour des séries B petits bras. Frank LaLoggia voit bien plus haut et se réfère à la mère de toutes les histoires : la Bible elle-même ! Car dans Effroi, c’est bien la création divine qui est en jeu, comme nous l’apprend judicieusement la voix off ouvrant le film. Lucifer et les trois archanges sont appelés à se livrer une lutte homérique pour sauver de l’apocalypse les pauvres créatures que nous sommes… De là à imaginer des combats sur fond de flammes éternelles, avec irruption en fanfare des cavaliers de l’apocalypse et tout le tintouin descendu des cieux, il n’y a qu’un pas. Mais là, la réalité se fait trop forte, et LaLoggia ne peut décemment pas aller jusque là. Encore qu’à quelques occasions il tente bien le diable, comme dans ce plan bourré d’effets lumineux que l’Empire de Charles Band oserait à peine utiliser pour ses productions farceuses, ou encore cette reconstitution de la crucifixion du Christ à la fête paroissiale qui se termine en authentique duplicata sanguinolent. Mais ces instants croustillants se concentrent à la fin du métrage. Avant cela, et autant dire pendant la quasi intégralité du film, nous sommes plongés dans des préliminaires qui peinent à rendre compte des proportions transcendantales du péril encouru. Ou pire : c’est à peine si l’on se rend compte qu’un péril tout court pèse sur qui que ce soit. Qu’il s’agisse de Lucifer, des apôtres ou du réalisateur, personne n’a trop l’air de savoir que faire.

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L’ange du mal reste muet comme une tombe, toujours seul, affiche une mine d’enterrement (à la rigueur quelques fois avec des effets de maquillage) et prête patiemment le flanc aux quolibets de ses camarades de classe amateurs de Sex Pistols. C’est à peine s’il se débarrasse -et de manière non définitive- de ce malotru qui dans les douches du gymnase avait commencé à lui rouler un patin (sic) ! Il a par contre réussi à terroriser ses parents. Mais c’était durant son enfance, et à quelques exceptions près, LaLoggia le dispense d’en faire davantage à ce niveau là. Bref, le Lucifer de 18 ans manque de relief et même tout simplement de personnalité. Sans aucun doute, le réalisateur comptait sur la prestation de son acteur principal, Stefan Arngrim, pour lui donner l’aura sinistre et toute en retenue qui est celle du Damien Thorn de La Malédiction. Mais il ne l’aide aucunement et lui met même des bâtons dans les roues en lui collant des instants embarrassants du style de la scène de douché évoquée plus haut, à laquelle on pourrait ajouter sa crise de rage contenue (ses yeux deviennent rouges !) en cours de sport après avoir été puni par le prof pour être arrivé en retard. Trop dur le bahut ! Dans ces conditions, l’interprète de Lucifer ne peut pas faire de miracle…
De leur côté, les archanges sont peut-être encore pire. Raphaël a tout donné dans l’ouverture du film et n’est plus là. Gabriel est absent, ou plus exactement il attend que quelqu’un veuille bien endosser son rôle (ce qui se fera par le plus grand des hasards en piochant dans les seconds couteaux… d’ailleurs l’élue n’a pas le temps de digérer sa surprise que le film est terminé). Reste Michel, qui achève de désacraliser la figure des archanges. La vieille bigote dans laquelle il s’est personnifié ne jure que par les enseignements de feu son collègue Raphaël, au point de lasser le curé de sa paroisse. Son prêchi-prêcha incessant, ses prières et son alarmisme lui auraient valu d’être un oiseau de mauvais augure appelé à être vite sanctionné dans un slasher. Mais ici, dans ce drame théologique, il s’agit bel et bien de l’espoir de l’Humanité. Misère !

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Le pire n’est pas tant que ces personnages soient ineptes, mais qu’ils n’aient pas l’occasion d’évoluer d’un iota. LaLoggia sait que son final mettra aux prises les antagonistes, mais jusqu’à cet instant il n’a pas l’air d’avoir la moindre idée sur la façon de faire monter la mayonnaise et ne veut pas se rabaisser à accumuler les morts, qui n’interviendront que dans le final. Ainsi, lui et ses personnages tournent en rond, ne font pas grand chose, déblatèrent dans le vide (Michel) ou jettent des regards noirs (Lucifer), ce qui n’est pas forcément au niveau de ce que l’on était en droit d’attendre comme prémices d’une apocalypse qui, pour commencer, aurait pu s’annoncer ailleurs que dans un bled paumé de Nouvelle-Angleterre. Ou alors, on peut considérer que si la Bible avait été rédigée dans l’optique d’être vendue en roman de gare (entre les collections Harlequin et les SAS de Gérard de Villiers), elle aurait pu ressembler à Effroi… Un tel manque d’idées scénaristiques est à vrai dire un peu dommage, car le réalisateur, aidé par son directeur photo, se montre capable de concevoir de bien jolis plans à la mode gothique qui permettent de se rappeler que malgré les apparences, nous restons bel et bien dans un film d’épouvante. Le potentiel du fameux château de Boldt, dans une nature sauvage et préservée, est ainsi exploité et permet de se rendre compte pourquoi les LaLoggia ont cru bon d’y tourner un film. Mais là encore, le réalisateur sait gérer sa forme sans s’embarrasser du fond : l’action s’y déplace au motif que le château fut la demeure de l’incarnation précédente de Lucifer, et que c’est de là qu’il lancera son assaut. D’où les inspections de Michel et les promenades de Lucifer.

Si Frank LaLoggia a eu la louable intention de tourner un film plus ambitieux que les séries B habituelles, il est malgré tout au final tombé dans les mêmes travers qu’elles : le syndrome de la parlotte, avec beaucoup d’effets d’annonce, quelques absurdités et peu de concrétisation avant l’inévitable emballement final qui a englouti la majeure partie du maigre budget, et qui ici incorpore en plus l’arrivée de zombies, dont le réalisateur ne voulait pas mais qui fut exigée par son cousin afin de pouvoir mieux vendre le film (et il eut raison : c’est sur le dos de ces zombies et des fêtards qu’ils attaquent que le film fut vendu aux États-Unis par le distributeur Avco Embassy). Du coup, Effroi est une production banale des années 80 de laquelle il n’y a à retenir que sa propension contrariée à la grandiloquence biblique.

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