Dream Home – Ho-Cheung Pang
Wai dor lei ah yat ho. 2010.Origine : Hong-KongGenre : JF recherche appartementRéalisation : Pang Ho-CheungAvec : Josie Ho, Ching Wong, Helen To, Cindy Yu, Michelle Ye, Eason Chan. |
Afin de réaliser son rêve, devenir propriétaire d’un appartement avec vue sur l’océan, Li Sheung travaille d’arrache-pied et économise le moindre dollar. Elle accumule même les boulots d’appoints au détriment de toute vie sociale, si ce n’est quelques rendez-vous galants en compagnie d’un homme marié dans le confort standardisé de Love Motel. En parallèle, l’agent de sécurité d’un immeuble cossu se fait sauvagement assassiner puis c’est le tour de l’une des habitantes et de son employée. Sheung serait-elle liée de près ou de loin à ces horribles agressions ?
Davantage connu pour ses polars et ses films d’action, le cinéma hongkongais fraye aussi de temps à autres avec le cinéma d’horreur. Que ce soit en sa qualité de réalisateur (The Butterfly Murders, Histoires de cannibales) ou de producteur (la trilogie Histoire de fantômes chinois), Tsui Hark a un temps porté haut les couleurs de la production locale. Puis durant les années 2000, ce sont les frères Pang (la trilogie The Eye, Re-Cycle) qui ont pris le relais sans jamais pouvoir vraiment rivaliser avec les films d’horreur japonais ou sud-coréens, lesquels trustent les festivals et les palmarès depuis maintenant plusieurs décennies. Nouveau venu dans le genre, il œuvrait jusqu’alors davantage dans le polar, la comédie ou le drame, Pang Ho-Cheung écume les festivals de cinéma fantastique avec Dream Home, un film aux effets horrifiques particulièrement gratinés mis au service d’un propos acerbe sur le devenir de la société hongkongaise.
Parce qu’il faut bien susciter l’intérêt de l’acheteur pour un film qui n’a pas connu les honneurs d’une sortie en salles en France (en tout et pour tout, les amateurs tricolores d’horreur ont dû se contenter d’un passage à L’Étrange festival en 2010 suivi d’un autre au festival de Gerardmer en 2011), l’éditeur vidéo n’hésite pas à convoquer son imaginaire en plaçant Dream Home sous le haut patronage de Saw sur l’accroche placée en exergue du dos de la jaquette. Un contresens tant les deux films ne naviguent pas dans les mêmes sphères. Les deux films partagent tout au plus une même approche frontale des sévices infligés aux victimes mais diffèrent clairement par leurs ambitions respectives. Saw se construit comme un piège diabolique dont le spectateur est la première victime au service de la création d’une nouvelle figure de l’horreur à la morale quelque peu conservatrice. Si Pang Ho-Cheung brouille sciemment les pistes dès l’entame du film par ses choix de mise en scène (le premier meurtre est orchestré de manière à ce qu’on ne voit jamais le tueur) et un montage duquel il apparaît que les meurtres servent de fil rouge à de nombreux flashback, il finit par abattre rapidement ses cartes. Il ne cherche pas tant à surprendre le spectateur qu’à l’affranchir sur les raisons qui ont poussé Li Sheung à commettre l’irréparable, lesquelles vont de paires avec la déréliction du pays.
Au début, Li Sheung revêt tous les atours de la victime en puissance. Jeune femme un peu effacée, elle se débat tant bien que mal avec plusieurs emplois, limitant au maximum ses loisirs afin d’économiser suffisamment d’argent pour exaucer son rêve le plus cher, devenir propriétaire d’un appartement avec vue sur l’océan. Un rêve qui lui vient de son enfance et d’une promesse faite à son grand-père, un ancien pêcheur qui ne pouvait passer une journée sans se rendre au port et se perdre devant l’immensité aqueuse et les souvenirs afférents. Le quartier était alors populaire et laissé à l’abandon jusqu’à l’action musclée de promoteurs, prêts à toutes les bassesses pour acquérir les terrains et bâtir à la place des immeubles décrépits de luxueux complexes immobiliers aux prix exorbitants. Le film se fait l’écho de la crise immobilière qui touche le pays depuis 2009 durant laquelle les prix de l’immobilier ont plus que doubler, faisant de Hong-Kong la ville la plus chère du monde. Dans ce contexte, devenir propriétaire devient un luxe que seuls les nantis peuvent se permettre. Pang Ho-Cheung se montre particulièrement virulent à leur encontre. Les hommes sont dépeints comme des êtres veules et volages, mentant constamment à leurs femmes afin de se ménager des moments de détente auprès de leurs maîtresses dans des Love Motel (Li Sheung entretient elle aussi une relation avec un homme marié, lequel se montre particulièrement radin en quittant la chambre le premier sans régler la nuit). De leur côté, certaines femmes connaissent les élans adultères de leurs maris mais passent l’éponge, craignant qu’une seule chose, qu’ils entretiennent deux femmes au lieu d’une. En somme, le confort matériel prend le pas sur le bonheur conjugal.
L’odyssée meurtrière de Li Sheung pourrait alors prendre des allures de lutte des classes. Or, Pang Ho-Cheung se garde de tout manichéisme. A sa manière, la jeune femme cède aussi au matérialisme ambiant, axant toute son existence à la quête d’un bien plutôt qu’à son bien-être. Elle ne fait pas le détail dans le choix de ses victimes. Les jeunes femmes qu’elle tue dans l’appartement des métaleux ne sont pas mieux loties qu’elle. Son combat est avant tout individualiste, répondant à une envie intime qu’elle enlumine de considérations familiales pour se donner bonne conscience. Josie Ho incarne parfaitement cette ambivalence. Ce doux visage aux expressions candides se fait plus dur lorsqu’elle cède à sa violence intérieure. Elle fait preuve d’un sadisme certain au moment d’éliminer l’agent de la sécurité et davantage encore la femme enceinte, la scène la plus éprouvante du film car dénuée de tout second degré. Un jusqu’au-boutisme qui prend naissance dans l’un des flashback, moment fondateur où le rêve de Li Sheung prend définitivement le pas sur son humanité.
Dream Home n’est pas un film tendre. Pang Ho-Cheung tape dur sur la société hongkongaise dont les inégalités de plus en plus criantes qui la sous-tendent, auxquelles on peut ajouter l’ingérence grandissante de Pékin qui ne respecte plus la loi fondamentale établie depuis la rétrocession, attisent le feu de la révolte jusqu’à son explosion en juin dernier. Se présentant sous la mention « inspiré de faits réels », le film déploie une horreur tant psychologique que physique qui n’interdit nullement un humour noir de bon aloi. Pang Ho-Cheung s’autorise tous les excès, aussi bien dans le gore que dans le pathos, réussissant malgré tout à maintenir un bel équilibre de bout en bout. Sans aller jusqu’à parler de nouveau phénomène du cinéma d’horreur, Dream Home mérite sa bonne réputation et compte parmi les films d’horreur les plus percutants de ces dernières années.
J’avais le film il y a pas mal de temps, je me souviens juste d’une femme prete à tout pour avoir un appartement dans ces grandes tours de verre quitte à faire le prix de celui ci en commettant des meurtres sauvages. Si au début on a de la sympathie pour elle, on finit par etre horrifié des crimes qu’elle commet, tant il n’y a aucune excuse dans son sadisme à faire souffrir ses victimes. Ces derniers ne valent peut etre pas mieux mais leurs faiblesse, sont tellement humaines qu’on les retrouve chez chacun d’entre nous. C’est un film qui m’a laissé un malaise, et que je n’avais pas envie de revoir.