CinémaHorreur

Délivre-nous du mal – Bradford May

Devil’s Prey. 2001.

Origine : États-Unis
Genre : Horreur sectaire
Réalisation : Bradford May
Avec : Ashley Jones, Charlie O’Connell, Elena Lyons, Bryan Kirkwood, Jennifer Lyons, Tim Thomerson, Patrick Bergin.

Il y a des soirs comme ça où l’on s’ennuie ferme sans trop savoir comment y remédier. Cinq amis -Susan, David, Samantha, Eric et Joe- se trouvent justement dans cette situation un vendredi soir. Heureusement pour eux, le destin s’en mêle et place entre leurs mains un carton d’invitation pour une rave party qui se tient le soir même dans une ferme au milieu de la cambrousse. Ni une ni deux, les cinq potes s’y rendent tout guillerets, fermement décidés à s’éclater toute la nuit. Mais la soirée tourne court lorsque l’organisateur de la fête leur intime l’ordre de partir après que David se soit fait injustement molester. Sur le chemin du retour, forts dépités, ils manquent de renverser une jeune femme -Fawn- déjà bien amochée. Celle-ci leur raconte qu’elle vient d’échapper à une secte satanique qui est à ses trousses. Et effectivement, une fourgonnette ne tarde pas à les prendre en chasse. A partir de là, les cinq amis ne vont plus s’ennuyer du tout.

Vieux routier de la télévision (le gars compte quelques épisodes de Hawaï, police d’état, une série des années 60, à son palmarès), Bradford May cède ici à la mode du film d’horreur pour adolescents avec tout ce que cela comporte comme clichés. Nos cinq jeunes gens sont ainsi très typés : Susan et David forment le couple bien sous tous rapports (elle altruiste et fidèle, lui courageux et dépositaire d’une bourse d’étude) lorsque Samantha et Eric incarne leur exact contraire (elle égoïste et dévergondée, lui pleutre et dealer de crack). Quant à Joe, le cinquième larron, il est le préposé aux chandelles ainsi que le représentant de la population afro-américaine. Sans surprise, il sera le premier à disparaître.

Délivre-nous du mal joue sur les codes du slasher (mourront tous ceux qui ont eu un comportement contraire à la morale : les drogués, les allumeuses ou bien ceux qui ont eu maille à partir avec la justice ont donc du soucis à se faire) sans en être vraiment un. Ainsi, nos cinq joyeux lurons, bientôt rejoints par la miraculée Fawn, n’ont pas affaire à un tueur unique mais bel et bien à une secte satanique dans son intégralité. Pour elle, ils constituent les cobayes idéals pour s’adonner à leurs rites sataniques. Passé l’intermède sur les lieux de la rave party, qui donne l’occasion au réalisateur de filmer quelques inconnues seins nus histoire de saupoudrer d’une touche d’érotisme son intrigue, le film s’oriente vers la course-poursuite. Perdus au milieu de nulle part, nos cinq jeunes gens (ben oui, Joe disparaît très tôt dans le film) doivent s’armer de courage (et d’un couteau de chasse dans le cas de David) et prendre leurs jambes à leur cou pour éviter de tomber entre les griffes de ces suppôts de Satan. Même si tous n’ont pas la même attitude face au danger, au moins demeurent-ils tous ensemble, n’ayant pas la mauvaise idée de se séparer. Le réalisateur en profite alors pour accroître les tensions du groupe autour de Fawn, que Samantha et Eric sont prêts à abandonner l’estimant responsable de ce qui leur arrive, alors que Susan et David s’y opposent, partisans du vieil adage « L’union fait la force ». Mine de rien, ces pauvres Samantha et Eric sont accablés à loisir par un réalisateur bien peu enclin à faire mystère de l’identité des survivants. Mais de mystères, il en sera tout de même question tout au long du périple de ces jeunes gens. Le premier d’entre eux, et non des moindres, concerne la capacité de cette jeunesse à ignorer la douleur. Que ce soit Samantha et sa côte cassée ou bien Fawn et les innombrables blessures qu’elles semblent porter sur elle, aucune d’elles ne paraît souffrir de leurs maux. A croire que la peur possède des vertus curatives insoupçonnées. Le second n’est pas vraiment un mystère à proprement parler. Il répond plutôt de la volonté de surprendre le spectateur en lui ménageant un retournement de situation pas piqué des hannetons. Généralement dans ce genre de film, lorsque les victimes voient le jour du lendemain se lever, cela signifie qu’elles sont tirées d’affaire et qu’il ne leur reste plus qu’à pleurer leurs morts. Or ici, Bradford May en profite pour relancer la machine en délaissant le côté « chasse du comte Zaroff » pour jouer sur l’ambiguïté des habitants de la petite bourgade où nos jeunes gens ont échoué. Tout est trop tranquille, les gens trop serviables et ce pasteur un peu trop compréhensif. Il serait faux de dire que le réalisateur réussit à instaurer une ambiance paranoïaque. Seul le fait que le film se poursuive suffit à nous mettre sur le qui-vive. Et là, quand le pot aux roses est révélé, c’est du grand art dans le n’importe quoi ! Le retournement de situation de l’intrigue est typique de ces films qui en réclament un à tout prix sans se soucier d’une quelconque logique. La confrontation finale n’offrira d’autre intérêt que celui de la réhabilitation inespérée d’une des brebis du seigneur, qui se sera par trop égarée sur les chemins de l’argent facile. Cela confirme que dieu et le diable travaillent de concert, le premier n’hésitant pas à se servir du second pour que ses ouailles retrouvent grâce à ses yeux. Ainsi, l’explosion qui s’ensuit prend à la fois valeur des flammes de l’enfer, mais aussi du feu purificateur des âmes. Il faut croire que les auteurs du titre français pensaient à ce personnage en arrêtant leur choix.

Tout vieux briscard qu’il soit, Bradford May ne cherche pas vraiment à sortir du lot de ce genre de productions, dispensant une violence légère et achevant son film sur une fin ouverte pas vraiment pertinente compte tenu des motivations de ces adorateurs de Satan. Dans le genre, Délivre-nous du mal est un tout petit film de série, où la superficialité des victimes n’a d’égal que l’insignifiance des bourreaux.

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