CinémaHorreur

Le Monstre qui vient de l’espace – William Sachs

The Incredible Melting Man. 1977.

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : William Sachs
Avec : Burr DeBenning, Alex Rebar, Myron Healey, Ann Sweeny…

La première mission sur Saturne vire à l’aigre lorsque l’équipage subit une forte dose de radiations en plein dans les célèbres anneaux. Mais la NASA ne veut pas que cet échec s’ébruite et se contente de déclarer que l’équipage va bien et qu’il est provisoirement maintenu en quarantaine par simple précaution. Énorme mensonge : Steve West (Alex Rebar) est le seul homme de l’expédition à ne pas être mort. Il aurait mieux fallu pour tout le monde qu’il le soit, puisque Steve est désormais une immonde créature putrescente. Lorsqu’il découvre son état, le brave homme pique une crise, tue une infirmière, s’échappe de sa zone de confinement et se met à tuer tout ce qui bouge. Le Docteur Ted Nelson et le Général Michael Perry (Burr DeBenning et Myron Healey) vont devoir mettre le paquet pour le retrouver dans la cambrousse.

Formé à l’école Corman, le producteur Samuel W. Gelfman se lance pour la première et dernière fois en solo pour un film produit par l’American International Pictures, qui vivait là ses dernières années avant d’être vendue par son gourou Samuel Arkoff. Budget minuscule, donc, mais quelques visages connus employés dans des petits rôles (le pas encore oscarisé Jonathan Demme, la gentille sauvage Janus Blythe issue de La Colline a des yeux) ou dans de plus grands (Burr DeBenning et Myron Healey ont tout deux une carrière télévisuelle longue comme le bras). Mais le grand nom se trouve au département maquillage, géré de main de maître par Rick Baker, à l’aube d’une grande carrière. Disons le : Le Monstre qui vient de l’espace repose aux trois quarts sur ses capacités à concevoir le fameux “melting man”, dont le simple aspect est beaucoup plus gore que le plus gore des crimes qu’il commet (une décapitation). C’est bien simple : le pauvre Steve West fond comme neige au soleil dans un peu ragoûtant liquide corporel mi-rouge sang mi-jaune pus, qui apparaît comme l’une des premières émanations du cinéma “trash”. Rick Baker s’en est donné à cœur joie pour parvenir à cet aspect foncièrement dégueulasse (et pourtant très basique : un mélange de sirop et de peinture appliqué sur la combinaison de l’acteur), renouvelé à chaque apparition sans que pourtant Steve ne s’écroule purement et simplement. Hormis une oreille tombée par-ci, un bras coupé par là, notre infortuné astronaute reste vaillant (jusqu’à ce qu’il s’effondre en fin de film et soit ramassé avec une pelle puis foutu à la poubelle !). Son calvaire se prolonge au-delà du raisonnable, ce qui conduit le réalisateur William Sachs à jouer la carte du grossier mélodrame et donc ne manque pas d’amuser. Surenchérir continuellement dans le répugnant s’accommode fort mal d’une volonté d’émouvoir au moins aussi exagérément accentuée. Quel spectacle que notre Big Mac géant déambulant comme une âme en peine sur fond de coucher de soleil ou bien se remémorant inlassablement les derniers mots entendus de sa vie “d’humain” en regardant son reflet dans l’eau… Le calvaire est à ce point prononcé que la seule conséquence ne peut être que l’envie de rire (chose bien traduite par le titre original, “l’incroyable homme qui fond”).

N’est pas la créature de Frankenstein qui veut, encore faut-il rester dans les limites du sérieux. Outre ce décalage énorme, Sachs n’arrange pas les choses en restant évasif sur l’esprit de Steve : conscient de son état, il n’en tue pas moins dès qu’il le peut, pour des raisons jamais expliquées. Est-ce de la folie furieuse, ou bien est-ce une nécessité biologique pour assurer un semblant de survie ? Certaines scènes illustrent la première hypothèse (le meurtre de l’infirmière), d’autres la seconde (surtout via des dialogues). En fait Sachs se montre très opportuniste : en fonction des situations, il émet une hypothèse différente. Encore une fois, la sauvagerie côtoie le misérabilisme, et de fait Le Monstre qui vient de l’espace est un film très disparate, comme le démontre également le traitement des personnages de Ted Nelson, de sa femme et de son chef. Sachs fait intervenir de toutes autres considérations au milieu de la traque à l’astronaute en compote. On trouve pèle-mêle les thèmes de la hiérarchie (“je vous avais dit de ne rien dire à personne !”), de la responsabilité civile (“je suis shérif, j’ai le droit de savoir ce qui se passe !”) et surtout une sous-intrigue familiale qui n’a rien à faire là… Ted doit préserver sa femme des émotions fortes pour qu’elle ne fasse pas une troisième fausse-couche, et il s’emploie donc à ne pas la choquer. Chose qu’il fait par ailleurs très mal (c’est plus fort que lui, il ne peut pas tenir sa langue). Plus généralement, le scénario est un grand n’importe quoi, que ce soit au niveau de la logique ou de la conception. Citons seulement l’incroyablement débile meurtre des beaux-parents, partis chaparder des citrons en plein milieu de la nuit et de la brousse, comme les deux adolescents qu’ils prétendent être en se bécotant sans arrêt. De toute évidence, Sachs cherche parfois à jouer la carte de l’humour, ce qui intensifie un peu plus l’improbabilité de ses scènes mélodramatiques. Tout est en fait question de transitions inexistantes : Le Monstre qui vient de l’espace est compartimenté de façon à ce que telle scène suscite tel sentiment et non tel autre, pendant que la musique, pour sa part, ne varie guère (le genre de musique que l’on aurait pu trouver dans les films de science-fiction des années 50, qui ne s’arrête pratiquement jamais de la première à la dernière minute). Mis bout à bout, tout ceci compose un film très bizarre. Une impression renforcée par la lenteur du montage, par l’utilisation statique de la caméra, par la nature forcément peu dégourdie du gloubi boulga humain, par le manque d’entrain du tandem Ted / Perry (qui vont de temps en temps à la recherche de leur ami comme ils iraient à la cueillette aux champignons). Des défauts suintant l’amateurisme, ce qui est confirmé par un manque évident de moyens : des stock-shots pour les scènes spatiales, la réduction de la NASA à deux officiers et à une base en pleine campagne. Le Monstre qui vient de l’espace n’est bien sûr pas un bon film, mais c’est une fascinante curiosité qui parvient à créer son petit charme.

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