Dark Star – John Carpenter
Dark Star. 1974Origine : États-Unis
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Le Dark Star et son équipage sont chargés de pulvériser à coup de bombe atomique toutes les planètes non colonisables. Mais voilà, l’équipage est là depuis tellement longtemps qu’il s’ennuit ferme et n’en fout pas une rame. Ce qui va le mener droit à la catastrophe.
Dark Star est le premier film réalisé par John Carpenter et ne devait à l’origine n’être qu’un moyen-métrage conçu dans le cadre de la fin des études du réalisateur. Malgré tout, décision fut prise de poursuivre l’aventure et de gonfler le film pour le transformer en long-métrage exploitable en salles. Ce qui ne fut pas sans difficultés, rapport au financement nécessaire, pour lequel Carpenter et ses collaborateurs (dont Nick Castle -futur interprète de Michael Myers dans Halloween– et le futur scénariste d’Alien, Dan O’Bannon) durent batailler ferme. C’est pourquoi le tournage de Dark Star s’étala sur cinq ans, chose guère aisée à gérer, surtout que la décision de gonfler le métrage impliquait également des rajouts au scénario de départ, pas forcément très faciles à intégrer dans le film. D’où un énorme aspect bricolé, pour un film qui a déjà choisi de jouer la carte de la parodie à cause de l’impossibilité d’avoir des effets spéciaux très élaborés. Le scénario se perd ainsi dans des scènes plutôt superficielles, mais franchement très drôles, telle que celle de la chasse à la mascotte, un extra-terrestre ayant la forme d’un ballon de plage agrémenté de deux pieds palmés et griffus qui cause bien du tort à l’un des membre de l’équipage, qui mine de rien risquera sa vie pour récupérer la bête en fuite dans le vaisseau (Alien ne sera pas autre chose, finalement !). Si les autres scènes du film sont parfois mieux intégrées au semblant d’histoire qui nous est proposé, en revanche leur tonalité comique sera toujours du même accabit. L’humour est en effet traîté avec un côté pince-sans-rire retranscrit par une mise en scène se prenant au sérieux (qui annoncent le Carpenter d’Halloween) et par une musique qui n’aurait pas dépareillée dans un suspense d’Alfred Hitchcock.
Il n’y a guère en réalité que le tout début du film qui traîne un peu en longueur, mais qui a ceci dit l’avantage non négligeable de nous faire comprendre l’ambiance au sein du Dark Star, parodiant volontiers celle du vaisseau de Silent Running, de Douglas Trumbull, avec ces membres d’équipage passant leur temps à ne rien faire, à remettre au lendemain ce qu’ils doivent faire maintenant (ce qui causera donc la catastrophe, pourtant amplement évitable puisque les prémices apparaissent dès le début du film). Les photos de cul sont partout, les gars arborent de grandes barbes et les discussions sont stériles (l’un des personnages se rend compte qu’il a oublié son prénom !). Tout ceci donne donc une exposition longuette, mais, puisque la parodie touche à un film lui aussi contemplatif (celui de Trumbull), on est en droit de se demander si cela n’est pas volontaire. Autre film contemplatif évoqué par Dark Star : 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, dont de nombreux plans et de nombreuses idées sont repris dans le film, tel par exemple que la déroute d’un des astronautes dans l’espace, ou, encore plus évident, la faculté qu’ont les ordinateurs à dialoguer comme des êtres intelligents. Evidemment ici les discussions sont tous sauf intelligentes, et l’ordinateur de bord se contentera de dicter ses ordres (nourrir la mascotte, proposer une musique pour passer le temps). Encore mieux, et dans une autre référence à une oeuvre de Kubrick, les bombes sont elles aussi dotées de parole, ce qui nous vaudra dans le climax une énorme parodie du Dr. Folamour (ou plutôt une influence, puisque le film de Kubrick est lui-même au combien humoristique), où l’un des personnages devra convaincre la bombe atomique de ne pas exploser au coeur même du vaisseau. Cette discussion fera également songer au style du Monty Python britannique, de part les raisonnements existentialistes fumeux employés pour embrouiller la bombe.
Bref, si l’on peut concevoir que chaque grand genre a droit à sa parodie dominante, Dark Star est à n’en pas douter celle qui convient le mieux aux grands films de science-fiction de la fin des années 60 et du début des années 70. Ce n’est pas un film très représentatif dans la filmographie de John Carpenter, mais c’est en tout cas une réussite, qui sait habilement tirer partie des inconvénients relatifs à sa production cahotique.