CinémaScience-Fiction

Communion – Philippe Mora

communion

Communion. 1989

Origine : Etats-Unis 
Genre : Science-fiction 
Réalisation : Philippe Mora 
Avec : Christopher Walken, Lindsay Crouse, Joel Carlson, Frances Sternhagen…

Whitley Strieber s’est fait connaître pour avoir écrit Wolfen, un livre à succès duquel un film réputé a été adapté. Le livre date de 1978 et le film de 1981. S’ensuivit un autre succès littéraire, The Hunger, porté à l’écran par Tony Scott en 1983 sous le titre français Les Prédateurs, avec Catherine Deneuve, David Bowie et Susan Sarandon dans les rôles principaux. Voilà ce qu’on peut appeler un joli début de carrière. Mais la vie de l’auteur bascula le 26 décembre 1985 lorsqu’il fut victime d’un énlèvement de type extra-terrestre. Depuis ce jour, Strieber reçut plusieurs fois la visite des “étrangers”. Et sa carrière de partir sur de nouveaux rails dès 1985, lorsqu’il fit part aux monde de son expérience dans Communion, prolongé plus tard par Transformation (1988) et puis encore plus tard par de nombreux autres livres ayant un rapport de près ou de loin avec les visiteurs. Le dernier témoignage de notre auteur un peu fou date de 2001 et se nomme The Key, où il raconte la visite d’un homme étrange s’étant invité à son hôtel sans se présenter pour lui délivrer un discours portant sur différents sujets sensibles, dont celui des problèmes climatiques, qui poussa plus tard l’auteur à écrire un livre qui fut à l’origine du Jour d’après de Roland Emmerich. Strieber parle aujourd’hui de cet homme comme étant “Le Maître des clefs”. L’histoire ne dit pas si Strieber est le cerbère de la porte, ni si il a trouvé Gozer, le destructeur (pourvu que non ! encore que si nous pensons à Staline par exemple et ben… enfin bref).

Mais cessons là les moqueries faciles et revenons donc à Communion, adaptation confiée par Strieber (scénariste) à Philippe Mora, coupable des deux premières séquelles du Hurlements de Joe Dante. L’histoire est donc celle vécue par Strieber, celle par laquelle commença toute sa fougue mystique, et le romancier est incarné par un Christopher Walken qu’on a connu mieux coiffé. Quelques années avant la mode des extra-terrestres et le culte de Roswell relancés par la série X-Files, Mora et Strieber utilisent déjà les recettes incontournables de tous les enlèvements extra-terrestres : la lumière aveuglante, la sensation d’irréel, la pièce étrange remplie de créatures qui ne le sont pas moins, les expérimentations douloureuses (sonde anale inclue) et les souvenirs partiellement effacés au réveil. Cet événement, la clef de voûte de tout le film, est en réalité réalisé en deux parties, puisqu’avant le 26 décembre 1985, Whitley Strieber et ses invités avaient déjà étés confrontés aux lumières vives et à des rencontres inattendues. Mais ce sera surtout pendant les fêtes que les choses sérieuses commenceront, avec l’enlèvement au sens propre de Whitley. Le film étant l’adaptation d’une histoire supposément véridique, Mora évitera par la suite tout sensationnalisme et se contentera en réalité de montrer les conséquences de ce qui est arrivé à Whitley, les conséquences sur lui-même et sur sa famille. Un bien maigre sujet, car si l’homme est effectivement affecté, si il se révèle effrayé par tout et n’importe quoi (à ne pas manquer ce plan où l’écrivain tombe nez à nez avec une peluche aux gros yeux qui le subjugue), si il perd l’inspiration, si il se révèle triste là où il était avant plutôt fantasque, si il embête sa femme avec ses frayeurs récurrentes, il n’en reste pas moins que l’on continue à suivre son quotidien assez morne pendant plus d’une heure. Une heure et quart de discussions pimentées de temps à autres par la fameuse lumière aveuglante qui évite à notre héros d’oublier ce qui lui arrive. Mora se révèle malgré tout inspiré, filmant tout cela avec sobriété, laissant planer un climat qui pourra à la rigueur effrayer les spectateurs les plus sensibles (la jolie musique est d’une aide non négligeable, d’ailleurs signalons que le thème principal, un air de guitare plutôt aérien, est l’œuvre d’Eric Clapton).

La parlotte, si elle est omniprésente, n’est cependant pas tout à fait stérile, dans le sens où elle entretient le côté psychologique du film, qui est véritablement narré selon le point de vue de son personnage principal, ce qui explique que le fils de la famille, en bas âge, n’ait pas véritablement droit à beaucoup d’attention de la part du réalisateur malgré que lui aussi soit conscient d’avoir rencontré des “petits docteurs bleus”. Une description des extra-terrestres qui nous amène donc tout droit à l’instant à partir duquel le film se décantera, consécutivement à des séances d’hypnoses replongeant Whitley Strieber dans ses souvenirs. Les extra-terrestres se feront alors voir davantage, mettant en pleine lumière ce qui est arrivé à l’écrivain durant sa bizarre nuit du lendemain de Noël. C’est à partir de ce moment là que le film commencera à partir dans un surréalisme à ce point risible qu’on peut sérieusement penser que Strieber s’est adonné à l’auto-dérision (si on est gentil) voire au foutage de gueule à l’encontre des spectateurs (si on est méchant). L’un comme l’autre, c’est une manière plutôt intelligente pour traîter un témoignage tendant à ce point la joue pour se faire battre, en ne le faisant pas passer pour un documentaire scientifique prétentieux. Cela sert aussi l’opinion de l’auteur, qui n’a jamais clairement exprimé sa certitude d’avoir rencontré des extra-terrestres, laissant la porte ouverte à la possibilité d’explications psychologiques plus rationnelles. Bref, nous nous retrouverons dans une scène onirique à la David Lynch, dans laquelle Strieber danse la gigue avec de petits hommes bleuâtres avant de se mettre à retirer le masque d’un autre alien, de type Roswell celui-là, dont l’aspect franchement plastique nous avait laissé croire à un défaut dans les effets de maquillage. C’est dire si à partir de ce moment là, les extra-terrestres ne nous apparaîtrons plus comme forcément méchants, et pour cause : il se pourrait très bien qu’ils soient des émanations de dieu (et là, quand l’on songe à la sonde anale, on se dit que ce n’est pas demain que l’on retournera à l’église). L’interprétation reste ouverte, mais une chose est sûre : nous avons démarré le film en considérant les “visiteurs” comme des êtres méchants et nous en sortons avec un avis nettement moins tranché, se rapprochant même plutôt de la vision du Spielberg de Rencontres du troisième type.

Reconnaissons à Communion d’avoir trouvé un bon équilibre entre le sérieux et l’auto-parodie, reconnaissons aussi à Whitley Strieber de ne jamais asséner son interprétation de façon définitive ni prosélyte (ce qui aurait pu être le cas avec le sous-texte religieux de la fin du film), allant même jusqu’à envisager qu’il est purement et simplement fou. Maintenant, il faut bien admettre que le film se révèle plutôt léger, et que son penchant pour une psychologie prévisible n’en fait pas une œuvre des plus passionnantes à visionner. Peut-être le sujet se plie-t-il plus à la littérature qu’au cinéma…

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