Ciakmull – Enzo Barboni
L’Uomo della vendetta. 1970Origine : Italie
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Par une nuit sans lune, à Dodge City, une diligence est affrétée afin de convoyer 100 000 dollars en or. Des desperados au courant de l’opération ont décidé de l’attaquer et, pour faire diversion, mettent le feu à l’asile non loin de là.
A l’intérieur, tout le monde est en proie à la panique, à l’exception d’un détenu amnésique. De sa cellule, il contemple, le regard vide, les flammes détruire les alentours. Sorti de sa torpeur par un autre pensionnaire de l’asile, il arrive à s’échapper en compagnie de trois autres prisonniers. Au même moment, les voleurs s’enfuient avec leur butin. L’un d’eux se fera abattre aux pieds de nos quatre évadés et prononcera le nom de l’amnésique dans un dernier soupir : Ciakmull.
Sous le pseudonyme de E.B. Clutcher se cache Enzo Barboni, futur réalisateur de certaines comédies fines et légères mettant en scène le duo Bud Spencer et Terence Hill (aaah, Deux Super Flics, Quand faut y aller, faut y aller… toute mon enfance… bref). C’est ici son premier film à la réalisation. Au détour de certaines scènes burlesques comme la bagarre dans un saloon ou bien Woody Strode jouant de l’orgue dans une église, on peut sentir poindre la suite de sa filmographie (on a même le droit à ce qui deviendra la signature du monsieur : le “boulottage” d’un plat de fayots en plan serré). Mais Ciakmull se pose finalement en petite perle noire comme en compte tant le genre, malgré un thème principal un peu trop enjoué de la part de Riz Ortolani, qui sur le coup se prend pour les frangins De Angelis.
Le métrage est un heureux mélange de tragédie antique (relations père/fils, frère aîné/frère cadet…) et de Shakespeare (Roméo et Juliette plus particulièrement). Le héros, joué par le fadasse Leonard Mann, est à la recherche de son identité et est aidé dans sa quête par Hondo (l’impressionnant George Eastman), Silver (Peter Martell) et par Woody (Woody Strode) qui a tout d’un Lennie noir, les souris en moins.
Alors que les complices du hold-up se font éliminer, des chasseurs de primes sont lancés à la poursuite des quatre évadés. Cette chasse mènera à une des plus belles utilisations de la forêt dans un western spaghetti (loin devant celle de 5 Gâchettes d’Or de Cervi) en en faisant le théâtre d’un cache-cache meurtrier. Débarrassés de leurs oripeaux de détenus, ils rallient le bar le plus proche (poker, baston, fayots…) puis retournent à Dodge City. La bande va bientôt apprendre à ses dépends que la ville est le théâtre de l’affrontement entre deux familles : les Caldwell et les Henchman. Le patriarche de la famille Caldwell pleure la perte de son fils aîné alors que le cadet fait tout pour lui plaire. Les Henchman, quand à eux, sont à l’origine du hold-up des 100 000 dollars.
Au saloon de la ville, alors qu’une rixe allait encore éclater, Ciakmull est reconnu par le fauteur de trouble qui s’excuse et part sans demander son reste. Notre amnésique serait un pistolero hors-pair, bien connu dans la région. Les Henchman sont mis au courant de son retour. Ils mettent alors en place un stratagème diabolique : faire croire à l’amnésique qu’il est leur parent perdu et lui faire assassiner son vrai père, John Caldwell (et dans le processus, faire passer sa bien-aimée pour sa sœur).
C’est là que la fadeur de Leonard Mann est intéressante, elle sert grandement la facette « outil d’une vengeance », « pantin pour un règlement de comptes » du personnage de Ciakmull. Ce jeu de dupes est souligné par des fulgurances dans la réalisation de Barboni, comme la très jolie utilisation d’un jeu de triple miroirs lorsque le fils Henchman expose le plan à sa sœur. Toute cette ambiance pessimiste voire nihiliste (il n’y a pas grand monde qui survit au métrage) se reflète magnifiquement dans les teintes boueuses de la photo, digne du Django de Corbucci. Mais ce n’est pas un hasard car Barboni a été le directeur photo de Texas adios de Ferdinando Baldi (très « dirt » aussi), I Crudelli de Corbucci et de… Django. Le film peut donc se voir comme la somme et la régurgitation de l’expérience de directeur de la photographie de Barboni avant de passer à (totalement) autre chose.
En bref, Ciakmull est l’un des derniers fleurons du western spaghetti, avant la dégénérescence que le genre va connaître avec des objets filmiques tels que la série des Trinita ou encore Il Bianco, il Giallo, il Nero et son Tomas Milian en japonais.