Chérie, j’ai rétréci les gosses – Joe Johnston
Honey, I shrunk the kids. 1989Origine : Etats-Unis
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Il n’est souvent pas très judicieux de se replonger dans ses films d’enfance, surtout lorsque les dernières visions de ceux-ci remontent à une période lointaine propice aux goûts douteux et à un flagrant manque de discernement entre un honnête spectacle plein d’imagination et une immonde propagande stéréotypée. Ce sentiment de doute face à son passé cinéphilique peut légitimement se développer lorsque l’un de ces films est une production 100 % Disney, compagnie qui se distingue par son aptitude à former l’esprit de futurs experts comptables de banlieues chics, qui eux-même auront recours à la propagande Mickey-Mousiste pour inculquer à leurs rejetons une morale qui les amenera à suivre le même chemin. Et tout ce petit monde de se pâmer toute leur vie durant devant la “magie” disneyienne, parce “être jeune c’est dans la tête”, “faut garder son âme d’enfant” et autres conneries mi-infantiles mi-séniles, youkaidi youkaida, allons donc à Disneyland claquer une centaine d’euros en famille pour voir un gus déguisé en clébard orange (mais que fait la CGT ? Les droits de l’Homme ?!). Je médis je médis, mais il est vrai que ces films Disney peuvent avoir leur intérêt pour des enfants. Il est en revanche plus délicat de les revoir en tant qu’adulte, puisque la vision de moutards (enfants réels ou petits animaux de dessins animés) archi calibrés et archi stéréotypés ne nous rappelle que trop le conformisme bien-pensant que l’on retrouve également bien souvent dans des bousaces hollywoodiennes. Quoique scénarisé par ces amateurs de barbaque que sont l’excellent Stuart Gordon et le moyen Brian Yuzna, Chéri, j’ai rétréci les gosses n’échappe pas à la règle.
Wayne Szalinski est un père de famille assez atypique : il est inventeur. C’est un gentil savant fou qui cherche à mettre au point une machine capable de rétrécir les objets. Par un quelconque hasard malencontreux, la seule fois où sa machine fonctionnera sera lorsque ses propres enfants, l’adolescente Amy et le gamin Nick, ainsi que ceux des voisins Thompson, le mollasson ado Russ et le turbulent Ron, trouveront le moyen de sa placer dans la cible de l’engin. Devenu microscopiques, les quatre enfants seront vite balayés par Wayne, inconscient de la situation (mais pas pour bien longtemps). Ils finiront ainsi à la poubelle, de laquelle ils s’échapperont pour se retrouver dans le jardin des Szalinski. Leur objectif : traverser ce qui leur apparaît comme une jungle et rejoindre la maison pour espérer revenir à leur taille normale.
Évidemment, cette aventure à quatre entre les enfants de deux familles que tout oppose sera l’occasion pour nous démontrer les bienfaits de la solidarité, de l’amour familial, de l’amitié et même de l’amour vrai, puisque les deux adolescents vont commencer à flirter gentiment après s’être rendu compte que lui n’est pas un fainéant et qu’elle n’est pas une pouffiasse à la mode. Les apparences sont trompeuses, et il faut savoir s’intéresser à l’autre pour passer outre. Même chose pour les deux autres chiards : le petit Nick, sosie de son père en version gamin, n’est pas qu’un obsédé de la science, c’est aussi un petit garçon fragile. Et Ron n’est pas le mini beauf qu’il semble être (là aussi à l’image de son père), c’est aussi un gamin avec un cœur gros comme le budget d’une famille passant trois jours à Disneyland. Le petit Ron ira même jusqu’à développer un sens du pathos typiquement disneyien lorsque Mimi la fourmi, leur alliée dans la traversée du jardin, se sacrifiera pour les sauver des griffes d’un scorpion (qu’est ce qu’un scorpion vient faire dans un jardin, on se le demande). Ce sera la scène “grave” du film, symbole de l’acceptation de la mort, qui entre dans la bonne composition mentale d’un enfant classique. Bref, pour en revenir aux relations entre nos quatre personnages, il ne faut pas juger les gens sans les connaître, c’est méchant. Cette remarque est tout autant valable pour les adultes, puisque les Szalinski et les Thompson, après avoir longtemps été très critiques les uns envers les autres (ce qui avec les excentricités du personnage de Rick Moranis fournit les gags) finiront le film main dans la main, ayant apris à se connaître et à se respecter grâce à l’adversité qui les a uni.
Et pourtant, derrière toute cette morale tellement classique qu’on finirait par l’oublier se cache les restes de ce qui aurait pû être un excellent film d’aventures pour enfant. La miniaturisation des humains est un sujet fréquent mais pourtant toujours porteur, et la traversée du jardin vue comme la traversée d’une jungle est indéniablement une bonne idée. Les aventures vécues seront relativement nombreuses, même si elles tendront à chaque fois à s’achever par ces envahissantes conclusions morales nuisant quelque peu au rythme du film. Les animaux seront fréquemment employés, et on notera aussi le passage d’une tondeuse, l’allumage d’un jet d’arrosage… Il y aurait eu largement de quoi faire un bon petit film, muni d’effets spéciaux bien ficelés faisant oublier parfois le manque de réalisme dans les proportions des choses devenues gigantesques.
Au final, revoir Chéri j’ai rétréci les gosses ne nous rendra pas honteux d’avoir été gamins. Mais il donnera l’impression d’avoir été floués, d’avoir gardé un très bon souvenir de ce qui n’est au final qu’un film Disney standard, qui sera plus tard prolongé par trois séquelles nettement moins connues.