Calendrier sanglant – William A. Graham
Calendar Girl Murders. 1984Origine : Etats-Unis
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Catastrophe chez Paradise Magazine : Miss Janvier est assassinée, poussée dans le vide depuis son balcon du cinquième étage. Miss Février ne tarde pas à la suivre au cimetière, poignardée devant son frigo. Chargé de l’affaire, le Lieutenant Dan Stoner (Tom Skerritt) croule sous les pistes, de Trainor le patron vicelard à Couray, l’animateur vedette qui doit des sous à Trainor en passant par Conti le photographe ou Krell, un ancien employé un peu trop attaché à Cassie Bascomb (Sharon Stone), ex mannequin vedette qui ne tarde pas à être de nouveau persécutée. Stoner s’occupe de la protection de cette dernière, espérant glaner un peu plus d’éléments sur Krell, principal suspect.
Téléfilm dont les principales caractéristiques sont l’emploi d’un Tom Skerritt à la carrière inégale et d’une Sharon Stone en pleine ascension vers le vedettariat, Calendrier sanglant semble avoir été réalisé par un réalisateur en pleine lassitude. On le serait à moins. Voilà maintenant trente ans que William Graham travaille presque exclusivement pour la télévision. Remplir les grilles de programme, c’est bien, mais à la longue, y’a marre ! Le flic Dan Stoner en a lui aussi ras le bol. Marre des coups de fil intempestifs en pleine nuit pour lui demander de venir sur les lieux d’un crime. Marre de devoir se rendre dans les morgues. Sa première apparition à l’écran pourrait très bien faire songer à Graham au moment d’apprendre qu’il va encore devoir réaliser un téléfilm tout pourri : il entre furieux dans son bureau, doit supporter les blagues minables de ses subalternes et les hauts cris de son patron qui devant sa demande de mutation lui fait le coup du “tu peux pas me faire ça à moi, ton vieil ami de quinze ans !”. Toujours trop bonne poire, Stoner accepte de rempiler moyennant quelques aménagements qui, il le sait bien au fond de lui, ne seront jamais respectés. D’ailleurs, dès la nuit suivante, qu’est ce qui se passe ? Un coup de fil : “faut que tu viennes”. Et notre brave flic, en professionnel déprimé, de tirer une tronche de chien battu jusqu’à la fin du film. C’est cela, Calendrier sanglant : l’histoire d’un flic trop gentil qui n’ose pas la ramener. Bien que Graham ne mentionne plus jamais cette histoire de lassitude, le jeu tout en mollesse de Tom Skerritt est là pour nous la rappeler. Presque timide, Stoner n’élève jamais la voix, et baisse même parfois la tête devant ses interlocuteurs, ce que l’on comprend par exemple lorsque l’on assiste à ce dénouement d’une incroyable nullité, mélodramatique et caricatural au possible. Je soupçonne même notre Stoner de pleurer dès qu’il sort du champ de la caméra. Même sa femme l’ennuie, elle qui lui fait des crises de jalousie depuis qu’il doit mener l’enquête dans le milieu des pin-ups. Quant à son fils, il est tout juste bon à lire des revues coquines et à fantasmer sur Cassie Bascomb. Mais encore une fois, Stoner est trop bonne poire : il se refuse à répliquer à sa femme et se refuse à une Cassie qui pourtant utilise la moindre occasion pour lui faire du gringue. Sharon Stone joue déjà aux femmes fatales avant Total Recall ou Basic Instinct. Qu’on lui propose de piquer un plongeon dans une piscine pour jouer au volley aquatique au milieu des mannequins de Paradise Magazine, et Stoner refuse. Il est là pour assurer la sécurité (ce qui n’empêche pas que Miss Mars se fasse agresser dans la piscine pendant une coupure d’électricité, d’ailleurs). Que Cassie l’échauffe et l’embrasse, et il se voit contraint de partir sur le champ. Bon dieu, il refuse même un verre de champagne au motif qu’il ne doit pas boire pendant le service ! Saloperie de conscience professionnelle et saloperie de morale !
Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’il ne soit pas au meilleur de sa forme pour mener l’enquête. Il faut attendre plus d’une heure pour que Stoner s’écrie sans enthousiasme “j’ai une piste !”. Arrivé à ce stade, le tueur ne sévit même plus, probablement honteux de faire du mal à ce pauvre homme. Comme le dit la VHS française : “un tueur fou aligne cadavre sur cadavre comme on effeuille le calendrier“. C’est à dire rarement. Ce qui n’empêche pas Graham de continuer à filmer la collègue de Stoner, qui surveille Miss Avril sans que rien ne se produise. Cette enquête est vraiment effectuée en dépit du bon sens : personne ne daigne s’attarder sur les meurtriers potentiels, personne ne vérifie les éventuels mobiles ni les alibis. Tout passe par les déclarations de Cassie, dont la contribution est en fait un moyen pour séduire Stoner. Ce qui donne un film extrêmement bavard, dans lequel il ne se passe strictement rien. Les quelques meurtres ne sauraient être pris en compte : leur mise en scène à base de vision subjective (au ralenti pour le premier !) est similaire à celle du premier slasher venu, un peu comme la musique jouée au synthétiseur d’ailleurs. Le summum de l’action sous calmant est probablement atteint dans cette course-poursuite de quelques secondes se terminant par la chute du fuyard dans un ravin de deux mètres de haut, ce qui n’empêche pas moins sa voiture d’exploser. Graham tente pourtant de se distinguer via les séances de photographie au studio Paradise, avec les flashs éblouissant jusqu’à la caméra (comprendre qu’une seconde d’écran noir s’interpose entre deux plans), mais l’inspiration n’y est pas plus que l’envie. Télévision oblige (ou même censure de la VHS), la sensualité de ces mannequins se limite aux hideuses combinaisons propre aux émissions de fitness. Il n’y a vraiment pas grand chose à sauver dans Calendrier sanglant. Espérons que William Graham ait pu se reposer par la suite.