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C’est arrivé demain – René Clair

cestarrivedemain

It happened tomorrow. 1944

Origine : Etats-Unis 
Genre : Comédie fantastique 
Réalisation : René Clair 
Avec : Dick Powell, Linda Darnell, Jack Oakie, Edgar Kennedy…

Par l’intermédiaire du vieil archiviste du journal pour lequel il travaille, le reporter Lawrence Stevens parvient à obtenir le journal du lendemain. Cherchant à utiliser ce qu’il y apprend à des fins personnelles, il se plongera lui-même dans un maelström de situations pas piquées des hannetons.

Troisième des quatre films signés par le surréaliste français René Clair durant son exil aux Etats-Unis pendant la guerre. Il met ici en scène un scénario tiré d’une pièce de théâtre signée de Lord Dunsany, et qui intéressa un temps le grand Frank Capra. Cary Grant fut également un temps considéré pour le rôle principal, mais celui-ci échut à Dick Powell, ancien régulier des comédies musicales en cours de diversification (à tel point qu’il réalisera et produira quelques films dans les années 50). Toujours est il que sans faire injure à René Clair, si C’est arrivé demain tape en effet dans un style proche de celui de Capra (à la mode à l’époque), il peine à se rapprocher des meilleurs films de l’italien émigré et notamment de La Vie est belle, qui sera tourné un an plus tard et qui recycla certainement plusieurs éléments que Capra avait dû préparer pour C’est arrivé demain du temps où il s’y intéressait encore. On retrouve donc l’idée d’une vie fantasmée par un héros qui se persuadera en cours de route que non, il n’est pas le raté qu’il pensait être au début de ses aventures.

Ici, cependant, pas d’esprit de Noël à l’horizon, pas plus que de tragédie : il s’agit d’une comédie pur jus ne s’attardant pas trop au niveau social, probablement dans l’optique de distraire le bon peuple pendant que la guerre fait rage des deux côtés de l’Amérique. Qu’attendre d’une histoire d’avenir anticipé ? Le sujet n’est mine de rien pas très ouvert, et nous retrouvons donc tout ce à quoi on peut s’attendre : prévoir une effraction, gagner aux courses, anticiper sa propre mort. Plus concrètement, le héros y voit la possibilité de briller dans son travail de journaliste, de gagner de l’argent pour épouser sa belle, et enfin d’être certain de disposer d’un avenir stable. Trois thèmes pour trois jours anticipés, qui forgent le chemin pour un avenir radieux à l’américaine et qui se terminent par une morale finale comme quoi il faut laisser la vie suivre son cour sans forcer son destin, sous peine de ne plus pouvoir vivre librement. Tout cela est bien téléphoné, et quand on y songe cinq minutes, il est dommage que pour un film traitant de l’avenir, le spectateur ait toujours deux longueurs d’avance sur le scénario, prévisible au-delà du raisonnable. A partir de là, c’est avec bien peu de conviction que l’on suivra les nombreux quiproquos qui émailleront la vie de Lawrence Stevens, de sa copine et de l’oncle de celui-ci (ces deux derniers travaillant ironiquement comme devins dans une salle de spectacle).

Le genre étant fortement dépendant de l’imprévisibilité des situations qu’il met en scène, l’humour du film était condamné à l’échec. C’est d’autant plus le cas que René Clair n’a pas le même sens du rythme qu’un certain Howard Hawks, qui quatre ans plus tôt livrait la géniale Dame du vendredi, également dans le milieu journalistique, et que ses acteurs ne sont ni Cary Grant ni Rosalind Russell. Ce ne sont pas quelques soucis vite réglés avec la police (qui jugea suspect que Stevens puisse prévoir avec autant de précision le casse de la recette d’un théâtre), ni même la lutte finale pour échapper à une mort prévue à telle heure et à tel lieu (surtout qu’on voit venir le happy end et sa justification de très loin) qui feront évoluer le film vers les niveaux de Capra ou de Hawks. Ajoutons à cela quelques personnages secondaires très mal joués ainsi que de flagrantes erreurs de montage dans la version française (des gros plans de journaux en français venant remplacer des gros plans de journaux en anglais alors même que nous avions vu le journal d’origine, en anglais) et nous obtenons un film théâtral très dispensable. Ce genre de comédie reste quoi qu’il arrive toujours plus agréable à regarder que n’importe quelle american-pierie de notre époque, mais tout de même, sur le sujet de C’est arrivé demain, on préférera les deux premiers Retour vers le futur de Robert Zemeckis, qui seront tournés une quarantaine d’années plus tard. Quant à Demain à la une, série américaine des années 90 se basant sur le film de René Clair, je ne l’ai jamais vu et ne m’en porte pas plus mal.

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