Blacula, le vampire noir – William Crain
Blacula. 1972Origine : Etats-Unis
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A la fin du dix-huitième siècle, le comte Dracula accueille amicalement Mamuwalde et sa copine Luva dans son château transylvanien. Mais suite à une discussion sur l’esclavage, le blanc Dracula et le noir Mamuwalde vont en venir aux mains. Dracula, en efficace maître vampire aidé de sa cour, va assassiner Luva et va jeter une malédiction sur Mamuwalde : celui-ci sera désormais un vampire connu sous le nom de Blacula ! Mais pour l’heure, il reste enfermé dans son cercueil dans la crypte du château de Dracula. Environ deux cent ans plus tard, Dracula n’est plus qu’un lointain souvenir, mais Blacula est toujours là, à attendre que quelqu’un le libère. Ce sera chose faite lorsque deux homosexuels viendront acquérir le mobilier du château pour le revendre aux États-Unis. Ayant négligemment ouvert le cercueil maudit, ils libéreront Blacula, qui les tuera avant d’aller régulièrement épancher sa soif dans les rues américaines. Il y croisera Tina, la réincarnation de Luva, qu’il souhaite reprendre à ses côtés. C’est que notre vampire est follement amoureux !
Blacula est la pierre angulaire de la blaxploitation horrifique, celui qui prouva la fiabilité commerciale du genre qu’il représente. Par la suite, les Abby, les Blackenstein et autres Scream Blacula, Scream (séquelle de Blacula) allaient investir les salles obscures. Sans avoir été aussi fructueux que les films d’action ou les comédies produites dans la même mouvance de la blaxploitation, le genre horrifique contribua ainsi à forger la renommée de cette époque cinématographique du bis américain dédié (mais pas réservée) aux afro-américains.
Pourtant, le film de William Crain n’a à vrai dire pas grand chose d’inoubliable. Ni excellent ni catastrophique, il se situe dans une moyenne qui au final, selon l’humeur du moment, pourra dépasser un peu de la ligne de flottaison. Cette éventualité ne doit pourtant rien au côté purement horrifique de l’œuvre de William Crain. Nous sommes ici dans le degré zéro de l’horreur, et si ce n’est pour cette introduction située au château de Dracula qui présente son lot de vampires aux faciès bleuâtres résolument mal foutus, rien dans le film n’est fait pour laisser à penser que nous assistons à un film fantastique. Les films du genre se déroulant dans un cadre moderne et quotidien ont beau être extrêmement nombreux, rares sont ceux qui font aussi peu de cas du genre auquel ils sont censés appartenir. Ici, si il y a bien quelques un des codes habituels des films de vampires (peur du soleil, transformation en chauve-souris, non-reflet sur une photo), leur portée est diluée dans un style policier assez réaliste, prenant bien entendu pour cadre un quartier noir américain dans lequel tous les clichés des années 70 s’exposent (insécurité, coupe afro, musique funk…) , comme bien d’autres films de la blaxploitation. Les agissements du fameux Blacula sont ainsi réduites à leurs plus simples expressions, à quelques morsures inoffensives faisant naître de nouveaux vampires tout à fait anodins. C’est que le vampire n’est pas à proprement parler un mauvais bougre : il ne vit que pour conquérir le cœur de sa promise, qui, fascinée, tombera sous le charme, pendant que ses amis trouveront que le nouveau venu est très étrange, avec ses airs aristocratiques et avec son maniérisme outrancier. Tout ceci sera donc l’occasion pour une enquête sans grand relief qui, assez étonnamment, se suit sans trop de déplaisir. Cela est certainement dû au côté décalé de l’ensemble, qui mélange donc imagerie et musique de la blaxploitation, épouvante, policier, et même un penchant pour le lyrisme n’étant pas sans évoquer les futurs Entretien avec un Vampire ou Dracula de Coppola. En moins prononcé tout de même, puisque Blacula a beau être un grand romantique, il n’en est pas moins funky. Un certain humour se détache du film, basé essentiellement sur le recul avec lequel il est nécessaire de le visionner. Blacula fut clairement et consciemment réalisé dans l’optique du cinéma d’exploitation. On n’évite pas quelques lourdeurs (le couple d’homosexuels du début, principalement), mais dans l’ensemble, le film n’est pas désagréable.