Amityville – Darkforce – John Murlowski
Amityville : A New Generation. 1993Origine : Etats-Unis
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Artiste sans le sou vivant avec sa copine Llanie (Lala Sloatman, la nièce de Frank Zappa) dans un loft partagé avec d’autres artistes sans le sou, Keyes Terry (Ross Partridge) se voit remettre gracieusement un miroir par un singulier clochard. Keyes l’offre à Suki (Julia Nickson-Soul), la peintre du groupe, qui s’empresse de l’accrocher chez elle. C’est alors que d’étranges évènements se produisent, principalement auprès de ceux qui ont eu l’audace de regarder ce miroir avec trop d’insistance.
Il y a déjà cinq ans que la saga Amityville s’est fourvoyée dans les méandres de la télévision ou du direct-to-video. Cette disgrâce a commencé avec Amityville 4 qui eut l’idée brillante si il en est d’utiliser un objet démoniaque ayant survécu au 112 Ocean Avenue d’Amityville. Ce fut une lampe. Amityville 5, dit The Amityville Curse, revint à des choses moins triviales en investissant une autre maison hantée d’Amityville, avant que les deux épisodes suivant ne renouent avec les bibelots du diable. A l’horloge de Amityville 1993 succéda le miroir de Amityville Darkforce. A ce stade d’opportunisme, au bout de sept films tournés en catimini pour les téléspectateurs insomniaques ou pour les clients compulsifs de vidéoclubs, il n’y a plus grand chose à espérer. Même les droits d’utilisation des vrais noms de l’histoire d’Amityville se sont fait la malle depuis longtemps, perdus dans les conflits juridiques opposant principalement la famille Lutz à Dino De Laurentiis, producteur d’Amityville 2. Malgré l’évidente volonté du réalisateur John Murlowski d’inscrire son film dans un prolongement naturel, il n’y a plus grand chose qui rattache Darkforce à la célèbre maison hantée. Certes, le miroir renvoie des images du 112 Ocean Avenue avec ses fenêtres en quart de lune, mais cela n’a aucune répercussion sur les évènements surnaturels qui frappent Keyes et son entourage. On pourrait tout de même trouver que les cauchemars récurrents de Keyes au sujet d’un homme massacrant sa famille sont très évocateurs du massacre perpétré par Ronald DeFeo… mais cette fois, c’est le récit en lui-même qui vient contredire la parenté en donnant une version totalement fictive à l’évènement, opposé en tous points à celle donnée par Damiano Damiani dans Amityville 2.
C’est même le sujet principal du film : Keyes doit trouver le lien entre lui-même, ses cauchemars et le clochard qui lui a donné le miroir. Pour cela, il s’allie à Clark, un inspecteur de police qui lui en apprend de bonnes sur ce clochard, par exemple que son nom est Bronner, qu’il massacra une partie de sa famille, fut interné en hôpital psychiatrique avant d’être libéré lorsque Ronald Reagan coupa les fonds à ce type d’établissements (plusieurs piques sont adressées aux Républicains, d’ailleurs) et qu’il vient d’être retrouvé mort. Dans sa poche figurait un papier sur lequel étaient inscrits le nom et l’adresse de Keyes Terry. Faire le lien entre tout ça n’est pas vraiment chose compliquée, puisque dans le même temps Keyes n’arrête pas de dire à sa compagne qu’il souffre de n’avoir jamais connu son père… Bien que cette enquête soit l’élément principal du film, on ne peut pas dire que le suspense soit à son comble, ni même qu’elle soit particulièrement bien menée. La présence du flic, systématiquement là pour orienter Keyes lorsqu’il piétine, est bien trop téléphonée pour être honnête (d’ailleurs le flic finit par admettre qu’il connaissait déjà toute la vérité, mais qu’il voulait que Keyes la découvre lui-même… mouais). Tout de même, reconnaissons à Murlowski d’avoir essayé de doubler son histoire de miroir hanté par un sujet un peu plus intimiste, ce qui nous change des simples jeux de massacre dans des maisons de fantômes. Il s’y est même essayé en gardant à l’esprit la nécessité de lier l’histoire personnelle de Keyes à celle des évènements paranormaux provoqués par le miroir. Ce qu’il ne parvient pas trop à faire, se satisfaisant de la maigre influence conjointe du miroir, des cauchemars et des découvertes du personnage principal pour faire croire que celui-ci est petit à petit gagné par des envies de meurtres. En fait, en plus d’être cousu de fil blanc, tout cela est plombé par la nature fort peu fantastique du drame interne à la psyché de Keyes.
Et c’est là que Murlowski se permet de digresser dans des scènes dont la présence est discutable. Des scènes oniriques qui ont bien du mal à être rattachées au personnage de Keyes, qui concernent des colocataires qui en principe n’auraient jamais dû vivre tout ça, et qui n’interfèrent pas (à part pour sa copine) dans le mystère du clochard. Ce sont tout bonnement des passages obligés sans lesquels le film n’aurait pu être catalogué au rayon fantastique (on l’aurait probablement placé parmi les thrillers), mais avec lesquels il devient totalement stérile. Ou bien Murlowski aurait dû faire de son film une œuvre surréaliste, ou bien il aurait dû se concentrer uniquement sur Keyes par exemple en s’interrogeant sur sa santé mentale, mais en restant hésitant, il déséquilibre les deux. Comme dit plus haut, le personnage de Keyes ne réserve aucune surprise et quant à l’onirisme, il fait office de remplissage. Et pour quelque chose de semblable, qui n’a pas vraiment de justification, il n’y a rien de tel qu’une bonne inspiration du côté des délires à la Freddy. Amityville Darkforce ne semble même pas cacher son jeu, puisque Murlowski reprend deux acteurs vus dans les aventures du père Krueger. Il s’agit de Robert Rusler (le flambeur ayant eu le malheur d’héberger le Jesse possédé dans La Revanche de Freddy) et de Lin Shaye (la prof dont le cours partit en vrilles dans Les Griffes de la nuit), soeur de Bob, patron de la New Line et producteur des Freddy. Il les place dans des petits rôles, le premier étant poussé à la mort par le miroir et la seconde jouant l’infirmière gâteuse d’une clinique psychiatrique en pleine déliquescence où Keyes est victime d’hallucinations le replongeant dans sa propre enfance (voilà qui fait diablement songer aux Freddy, notamment Les Griffes du cauchemar et La Fin de Freddy). Notons aussi la présence d’un démon aux allures de grand brûlé apparaissant en images subliminales à rapprocher de L’Exorciste.
Rien de bien transcendant, donc, à l’image de l’ensemble des scènes fantastiques qui, si elles ne souffrent d’aucun défaut particulier, manquent malgré tout de relief. Enfin à une exception près, celle de l’atelier de la peintre maison devenu un musée labyrinthique plein de tableaux bizarres après contamination de ladite peintre par le démon du miroir. Murlowski y met en valeur ce décor particulier, qui hélas cesse bien vite d’être utilisé. C’était pourtant l’occasion royale de rattacher le film aux maisons hantées en lui donnant un style original. Mais il était dit que le réalisateur ruinerait toutes ses bonnes idées, qui n’ont pourtant pas manqué. Pour une sixième séquelle tournée en direct-to-video et qui aurait donc pu être traitée avec désinvolture, Amityville Darkforce est ainsi pétri de bonnes intentions. Il y a même du gore ! Le problème est que ces bonnes volontés ne sont jamais exploitées convenablement… Rien que la présence de David Naughton (Le Loup-garou de Londres) et de Richard Roundtree (Shaft lui-même) venant compléter celles de Robert Rusler et Lin Shaye au régiment des seconds couteaux laisse songeur : pourquoi faire venir de tels acteurs pour les utiliser aussi peu ? Décidément, si on ne peut pas vraiment détester Amityville Darkforce, on ne peut pas non plus le considérer comme un bon film.