13B – Vikram Kumar
Yavarum Nalam. 2009Origine : Inde
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Avec toute sa famille, Manohar vient d’emménager dans un nouvel appartement situé au treizième étage d’une tour ultra moderne à Delhi. Lui et son frère ont dû s’endetter sur 20 ans pour obtenir cet appartement, mais ils semblent pleinement satisfaits de leur nouveau lieu de vie.
Mais peu à peu des événements étranges se produisent : l’ascenseur ne fonctionne plus quand Manohar est seul dedans… son visage est étrangement déformé sur ses photos sur son téléphone portable… Et que dire alors de la télévision, qui à 13h, s’allume sur la 13ème chaîne pour passer un feuilleton qui relate les aventures d’une famille qui ressemble étrangement à celle de Manohar… et si l’appartement était hanté ?
L’Inde est le pays qui produit le plus de films au monde, et pourtant sa production cinématographique reste peu connue chez nous. Il s’agit surtout des films du genre “Bollywood”, à savoir des comédies musicales, dont l’intrigue comporte souvent une histoire romantique, qui s’exportent très bien dans toute l’Asie du sud et au Moyen-orient mais également un peu en occident, où ses films ont un petit public de cinéphiles curieux et avides d’exotisme. Mais même si cela représente la grande majorité, il serait injuste de réduire la production cinématographique indienne à ce seul genre, et d’autres choses existent. Et 13B fait partie de ces autres choses !
Déjà par son genre, les films fantastiques indiens ne sont pas légions ! Ensuite par ses visées, puisque le film a été réalisé en deux langues, en hindi évidemment, la langue la plus parlée en Inde, comme tous les films Bollywood, mais également en Tamoul, un dialecte propre aux populations plus pauvres du sud de l’Inde. Cette volonté de tourner le film en deux langues a d’ailleurs occasionné quelques modifications dans le casting, certains acteurs jouant des rôles secondaires ont été remplacés par des acteurs tamouls. Cela semble en tout cas être l’expression d’une volonté de donner un très large public au film. Et l’on retrouve sans doute cette même motivation derrière un scénario somme toute très classique, qui reprend les principaux codes du genre et qui se nourrit de grands classiques occidentaux (on pense évidemment à L’Ascenseur de Dick Maas et au Poltergeist de Tobe Hooper et Steven Spielberg) mais également de la récente vague de film de fantômes asiatiques (et notamment via des passages évoquant le très bon Dark Water). Dès lors il en résulte à la fois une histoire assez lisse et faite de déjà vus et un grand succès en Inde, et sans doute à l’international puisque Hollywood vient d’acquérir les droits du film pour en faire un remake.
Difficile toutefois de comprendre cet enthousiasme au vu du contenu proposé, qui semble noyer son identité indienne dans un amas de clichés issus d’autres nationalités. Enfin il est injuste de résumer le film à ça, puisque subsiste quand même cette étonnante capacité qu’ont les indiens à faire de la comédie musicale via deux passages chantés d’un kitsch absolu (avec un couple qui court au ralenti sur la plage, une femme qui fait de la balançoire, et du flou artistique, si si !), et résolument indien, avec musique sirupeuse et mise en scène clipesque, qui tranchent nettement avec le reste du film. Leur irruption soudaine dans cette histoire à suspense est d’ailleurs des plus étonnantes et ne manquera pas d’étonner le spectateur qui n’a pas été averti !
En outre, si le scénario semble se perdre dans les poncifs du genre, il prendra un tour plus intéressant dès lors que la télévision entre en scène. En effet, le film s’attarde beaucoup à nous décrire les femmes de la maisonnée pour qui il n’est qu’une seule chose importante : les feuilletons télés. Pendant que Manohar travaille, sa mère, sa sœur et sa femme sont ainsi rivées à la télévision toute la journée, passant d’une chaîne à l’autre pour suivre différents feuilletons romantiques. Et la chose est clairement prise à la moquerie par le réalisateur qui parodie ce type de séries indiennes qui évoquent nos Les Feux de l’amour, en insistant notamment sur les cliffhangers improbables qui finissent les épisodes et qui sont destinés à fidéliser le public.
Complètement à la merci de leur addiction, les femmes ne s’inquiéteront pas d’avantage des étranges lubies de leur télé, qui s’allume toute seule à heure fixe pour passer un feuilleton qui raconte leur propre vie.
Elles seront alors vites rejointes par Manohar, qui lui aura compris le rapport du feuilleton avec sa tragique réalité, et qui est alors prêt à tout pour savoir à l’avance ce qui arrivera à sa famille, n’hésitant pas à reléguer son travail au second plan, ou même à attendre la fin de l’épisode avant de conduire sa femme blessée à l’hôpital !
Voilà un discours sur la télévision plutôt amer qui permet une prise de recul intéressante sur ce film.
Hélas ce sera au final le seul intérêt que j’ai trouvé dans 13B. Car en dehors de ça, l’intrigue se déroule sans surprises, et surtout sans véritable suspense. Les effets que tente le réalisateur pour nous surprendre sont des plus artificiels. La mise en scène se révèle plutôt pauvre et manque cruellement de subtilité : la moindre menace planant sur les héros est aussitôt accompagnée de tout un attirail musical “qui fait peur”. Dès lors tout est annoncé par la musique qui nous indique à chaque instant dans quel registre d’émotion sera la scène suivante. Cette omniprésence de la musique, au demeurant plutôt bonne, ne tarde pas à étouffer le film qui en devient très lourd et finalement peu digeste. D’autant qu’il s’étale sur une durée de plus de deux heures. Les quelques maigres révélations qui seront faites au long de l’histoire et l’ampleur de son intrigue ne justifiaient pas une durée aussi longue, et je suis porté à croire que le réalisateur a décidé de garder TOUTES ses prises de vues, sans prendre soin du rythme de son film…
Au final, 13B est plutôt décevant. Malgré quelques idées intéressantes, le film ne parvient jamais à faire exister ses personnages ni à intéresser le spectateur à ce qui leur arrive. Dommage.
A réserver aux plus courageux des amateurs de cinéma indien…