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Hommage à la Catalogne – George Orwell

Homage to Catalonia. 1938

Origine : Royaume-Uni
Genre : Souvenirs
Auteur : George Orwell
Editeur : Secker and Warburg

Très difficile de parler de cet ouvrage ! Car ce n’est pas un roman, c’est un témoignage, un reportage même. George Orwell y raconte son périple en Espagne, en 1936/1937, où il combattit contre les troupes de Franco. C’est difficile d’en parler, parce que pour comprendre les évènements de cette guerre, il faut avoir quelques bases historiques. Heureusement, Orwell nous explique bien la situation, et je vous invite à lire son livre, ainsi, je n’aurais pas à vous l’expliquer !!! Nan, soyons sérieux, nous ne sommes pas là pour plaisanter mais pour présenter un livre, si possible en tirer une critique pertinente, mais ça, c’est déjà moins sûr… Résumons la situation politique de l’Espagne en 1936. La guerre d’Espagne ou révolution espagnole, opposa deux camps, le camp des nationalistes et le camp des républicains. Les nationalistes sont des rebelles opposés au pouvoir légal, et Franco en est leur chef. Le camp des républicains dans lequel se trouve Orwell est bien plus hétérogène. On y trouve des communistes, des socialistes, des anarchistes, des démocrates, une foultitude de mouvements idéologiques qui ont en commun de contrer les Franquistes soutenus par les régimes fascistes de Mussolini et Hitler.

Orwell arrive à Barcelone alors que celle-ci est aux mains des Républicains. Il s’engage dans la milice du P.O.U.M. (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) et est envoyé au front en Aragon. Il faut quand même comprendre qu’il y a lors de cette guerre une armée régulière, mais aussi des milices composées d’ouvriers syndiqués qui veulent se battre contre Franco dans l’espoir de créer une société plus égalitaire construite sur les bases du marxisme. Outre le P.O.U.M., on peut citer le P.S.U.C. (Parti Socialiste Unifié à la Catalogne, dirigé par les communistes et afillié à la 3ème Internationale.), le C.N.T. (Confédération Nationale du Travail, des anarchistes).

Ainsi, Orwell nous raconte son expérience sur le front, les combats, l’attente, le froid, la faim, le manque de vêtements, le manque de nourriture, le manque d’armes, ou des armes trop vieilles, des grenades qui peuvent péter aussi bien dans votre poche que ne pas exploser après les avoir lancées. Sa première expérience au front est très étrange, il se retrouve dans des tranchées, à des centaines de mètres du camp fasciste, de l’autre côté de la montagne, parfois quelques tirs, mais jamais réellement de combat. Ensuite, il est envoyé pour défendre une ville, Huesca, et là, il est un peu plus près des combats. Mais c’est toujours le même refrain, le plus dur, ce ne sont pas les combats, c’est l’attente, la faim, le manque d’hygiène, les poux. Ce que raconte Orwell est très intéressant. Il a autour de lui des Anglais, des Espagnols, des Allemands, des Italiens, des aventuriers qui croient qu’on pourra bâtir en Espagne une société socialiste, et qu’il faut donc combattre le fascisme, ce qui n’a pas été fait en Italie et en Allemagne. Car c’est pour cela qu’Orwell va là-bas, il veut croire en un état communiste en Espagne. Outre le regard que porte Orwell sur les combats -combats qu’il a très peu connu car il n’a participé qu’à un seul assaut, et il pense avoir tué un fasciste, et encore, il n’est pas certain- ce qu’il y a d’intéressant, c’est tout le discours d’Orwell qui se rend compte à la fois de l’utilité de cette guerre, c’est à dire éviter que Franco ne prenne le pouvoir, mais qui prend conscience aussi des dérives de son propre camp. A son retour du front, il découvre que Barcelone n’est plus la ville qu’elle était à son premier passage, elle est redevenue bourgeoise, la révolution a été effacée. C’est aussi à ce moment-là que des combats se déclenchent entre la police et les milices. Orwell ne comprend pas ce qu’il se passe, ils sont tous dans le même camp, et voilà que le gouvernement attaque les milices pour prendre le contrôle. Il découvrira que ce sont les communistes (de Staline) qui cherchent à avoir le contrôle total des effectifs. Suite à ces évènements, le P.O.U.M. -qui est le plus petit parti- est désigné comme responsable de ces troubles et est interdit par le gouvernement. Les membres du P.O.U.M. sont arrêtés et jetés en prison. La presse les fait passer pour des espions à la solde des fascistes. Orwell prend conscience du jeu politique qui découle de tout cela, c’est grosso modo : tu t’allies totalement à notre cause ou tu crèves. On emprisonne injustement (sans autre motif qu’une suspicion) les membres de cette milice qui ont pourtant participé aux batailles au front. Orwell y échappe car il n’est pas là lors des évènements, il est dans un hôpital car il a été blessé au front. Ce qui est intéressant dans ce livre, outre les évènements relatés, c’est le regard d’Orwell qui est horrifié de voir ses camarades se faire emprisonner, certains fusillés pour faire régner un climat de terreur à Barcelone. Orwell prend ainsi conscience que même si les républicains gagnent la guerre, le régime qui s’installera en Espagne ne pourra qu’être une dictature, car les dissensions entre tous sont tellement énormes qu’il ne voit pas d’autre possibilité et il le regrette. Il finit par quitter l’Espagne et évite de se faire emprisonner, certains de ses amis y restent et meurent dans les prisons secrètes, sans jugement, ou quand il y en a, des jugements tronqués par de faux témoignages. Voilà à quoi ressemble la Catalogne quand Orwell la quitte, une région qu’il aime, des gens qu’il adore, il aime le peuple espagnol, mais il est écœuré par les attitudes politiques qui sacrifient des hommes d’honneur -prêts à mourir pour la cause républicaine- pour assouvir leur pouvoir. Car il faut le rappeler, la guerre d’Espagne n’a pas été qu’une guerre militaire, vous l’aurez compris, ça a été aussi une guerre de partis.

Ce livre est un hymne à la liberté, Orwell, homme de gauche convaincu nous signe là un livre profond, un livre juste, un livre qui ne prétend pas connaître la vérité, simplement une œuvre qui va au-delà des clivages et qui montre des hommes désabusés par le jeu des politiques quand le peuple crève au front pour sauver le pouvoir de ces mêmes hommes.

Émouvant, tendre, surprenant. A lire.

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