CinémaThriller

Mrs. Tingle – Kevin Williamson

Teaching Mrs. Tingle. 1999.

Origine: États-Unis
Genre : Thriller vaudevillesque
Réalisation : Kevin Williamson
Avec : Helen Mirren, Katie Holmes, Marisa Coughlan, Barry Watson, Jeffrey Tambor, Molly Ringwald.

Si elle veut obtenir une bourse afin d’accéder à de hautes études, Leigh Ann (Katie Holmes) doit terminer l’année scolaire Major de sa promotion. Pour cela, il lui faut des A partout. Humiliée par Mrs Tingle (Helen Mirren), la professeure d’histoire, lors de son passage à l’oral, Leigh Ann a le moral dans les chaussettes. Les choses ne s’arrangent guère lorsque cette même Mrs Tingle la surprend avec une copie du sujet de l’examen à venir. Convaincue par sa meilleure amie d’aller plaider sa cause, Leigh Ann s’en va sonner chez Mrs Tingle. Mais face à l’intransigeance de l’austère professeure, les événements vont rapidement prendre une tournure dramatique.

Fort de ses succès aussi bien cinématographiques (ScreamSouviens-toi… l’été dernierScream 2 et The Faculty) que télévisuels (la série Dawson dont il est le créateur), le scénariste Kevin Williamson se voit pousser des ailes au crépuscule du millénaire et se lance dans la réalisation, toujours sous la bannière Miramax/Dimension Films. Pour l’occasion, il adapte son premier scénario, lequel lui avait été inspiré par ses mésaventures avec une professeure de lettres particulièrement cassante. Mrs. Tingle fait donc office de catharsis. Un moyen de prouver à cette personne à quel point elle avait tort, et implicitement, l’amener à s’incliner devant tant de talent. Une attitude pour le moins revancharde qui, cependant, se complaît dans un certain confort. Kevin Williamson reprend ses motifs habituels sans jamais les pervertir ou les amener dans une direction nouvelle. Seul changement notable, il délaisse un temps le film d’horreur référentiel pour un thriller à la tonalité primesautière.

Dès les premières images, accompagnées par le pire de la musique pop rock FM des années 90, nous sommes en terrain connu. Kevin Williamson reconduit les figures habituelles de son univers jusque dans la réutilisation de Kathie Holmes (Joey Potter dans Dawson) en personnage principal, qu’il dote d’une personnalité similaire. Ainsi Leigh Ann Watson se présente à nous sous des airs de sainte nitouche qui ne rêve que d’excellence pour échapper à un avenir sans relief si elle venait à rester dans la petite bourgade de Grandsboro. Elle s’interdit donc toute folie, pourtant bien de son âge, pour ne pas sombrer dans la morosité dans laquelle se débat sa mère, femme seule qui s’esquinte l’âme en bossant comme serveuse. Toutefois, sa rigidité morale se trouve contrebalancée par le grain de folie de sa meilleure amie, la pétillante Jo Lynn. Aussi différentes que complémentaires, elles sont liées par une forte amitié que l’irruption de Luke Churner dans leur cercle, prototype du beau gosse ténébreux, ne saura mettre à mal bien longtemps. A ces figures somme toute convenues s’ajoute en marge du trio principal celle, non moins attendue, de la première de la classe un peu peste, laquelle se trouve au cœur d’un gag récurrent. Néanmoins, tous se distinguent par une caractérisation des plus sages en comparaison de Mrs Tingle, dépeinte en modèle de femme acariâtre, jamais plus heureuse que lorsqu’elle humilie ses interlocuteurs. Nourri par ses ressentiments anciens, Kevin Williamson charge la mule sans aucun scrupule faisant de cette professeure d’histoire un mélange de harpie et de sorcière. Loin de s’en offusquer, Helen Mirren se plie de bonne grâce à l’exercice et vole sans problème la vedette à ses jeunes et frêles partenaires. Toutefois, dans le rôle de la bonne copine, Marisa Coughlan réussit à tirer son épingle du jeu, témoignant d’un beau tempérament comique. Au passage, l’apprenti réalisateur se sert de ce personnage pour s’adonner à sa petite marotte de la citation cinématographique au détour de l’imitation de la Regan possédée de L’Exorciste par une Jo Lynn décidément pleine de surprises.

Comme à son habitude, Kevin Williamson joue beaucoup sur la distanciation, musique à l’appui. Loin du thriller annoncé, Mrs. Tingle est construit à la manière d’un vaudeville avec force quiproquos et personnages qui se cachent dans les placards. A chaque nouvelle décision de l’un des membres du trio de lycéens, les choses se gâtent davantage. Aux vaines palabres pour convaincre Mrs Tingle de leur bonne foi succèdent la menace physique puis la séquestration après qu’une maladresse ait estourbie la professeure. Si le récit ne se limite pas à un huis-clos, Kevin Williamson ménageant régulièrement des sorties de scène à ses personnages qui doivent malgré tout continuer d’aller en cours, l’essentiel se joue dans la chambre de Mrs Tingle et son salon. Entre deux envolées humoristiques (la venue impromptue du coach Wenchell, amant de Mrs Tingle, et Jo Lynn qui se fait passer pour sa prof auprès de lui avec, sommet de drôlerie, le coach, les yeux bandés, qui embrasse Luke à pleine bouche), Kevin Williamson tente de renouer avec les joutes psychologiques d’autres huis-clos fameux (Cul-de-SacLe Limier) lors desquelles Mrs Tingle fait montre d’un talent certain pour la manipulation, assorti d’un sens aigu de l’observation et de quelques facilités scénaristiques (le conduit d’aération qui débouche à côté de son lit lui permet d’entendre tout ce qui se dit dans la maison). De manière générale, le scénario ne brille pas par sa rigueur, occultant notamment les besoins naturels que Mrs Tingle ne manquerait pas d’avoir après plusieurs jours ligotées aux montants de son lit, voire ses muscles ankylosés au moment de sa libération. Ces détails, le réalisateur n’en a cure, transformant le climax en une sorte de déclinaison des aventures de Bip-Bip et le Coyote ponctuée d’un rebondissement final qui entérine l’aspect bon enfant du film.

Toutes les bonnes choses ont une fin. Mrs. Tingle n’a pas rencontré son public, marquant le début d’une période difficile pour Kevin Williamson. Si la réalisation de son film l’a à l’époque éloigné de Scream 3, il remettra le couvert pour Scream 4 ainsi que pour le pilote de la série diffusé en 2015. La télévision devient d’ailleurs son principal terrain de jeu pour laquelle il développe plusieurs séries dont la plus connue Vampire Diaries jusqu’à sa petite dernière Tell Me a Story, actuellement en pré-production, lesquelles relèvent toutes du fantastique et brassent, comme à son accoutumée, tout un flot de références, des vampires aux voyages temporels en passant par les contes de fées.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.