Jeremiah, tome 7 : Afromerica – Hermann
Jeremiah
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Publié en 1982, l’année qui me vit arriver en ce monde (et cette information n’a pour but que d’informer le lecteur de ma grande expérience de ce monde…), Afromerica traite en toile de fond du thème du racisme.
Sortant d’un album un peu bancal, abordant le sujet des sectes de façon hyper superficielle, Hermann se lance dans l’écriture d’un épisode où Blancs et Noirs se font la guerre.
On retrouve ainsi Kurdy et Jeremiah, bien installés dans leur wagon avec tante Martha et Woody à leurs côtés.
La petite troupe regarde quelques groupes quitter la région en raison du danger qui y plane, un danger de guerre entre personnes de couleurs différentes. La nuit tombant, un prisonnier noir tentant de voler le cheval de Jeremiah est blessé par ce dernier. L’homme est un fugitif. Les poursuivants ne tardent pas à arriver et se présentent comme étant du Survival, un groupe d’extrémistes américains. Ils brûlent le wagon et pendent Jeremiah pour avoir aidé un homme noir.
Obligés de quitter à leur tour la région, la petite troupe finit par se retrouver dans une cité exclusivement peuplée de Noirs. Heureusement, l’un d’eux a été aux côtés de Martha dans les camps de travail (voir l’album Les Yeux de fer rouge). Ils sont alors conviés à rester. Mais le gouverneur entend se servir d’eux pour essayer d’entrer en contact avec les Blancs de la cité voisine afin d’assurer la paix entre les deux communautés. Jeremiah est donc envoyé sur place. Cependant, au sein même de la cité noire, certains extrémistes refusent la paix et désirent en finir une bonne fois pour toute avec les Blancs.
Avec cet épisode, Hermann confirme que ce qui l’intéresse à cette époque, ce sont les prétextes à ses histoires. Là-encore, le thème du racisme n’est qu’une excuse pour mettre ses aventuriers en valeur, et non l’inverse. Du coup, tout l’intérêt de cette BD est de savoir ce que vont devenir les protagonistes plus que ce que vont être les enjeux « politiques » de cette histoire. D’ailleurs, le lecteur n’en aura jamais les tenants et aboutissants. Il se fera sa propre idée de la suite des évènements.
Pourtant, malgré une apparente superficialité que l’auteur, de son propre aveu, assume (le thème du racisme n’est qu’une toile de fond pour son scénario), Afromerica est une franche réussite. Les questions du racisme nous percutent néanmoins en nous faisant vivre au milieu d’une société noire qui cherche à retrouver ses racines africaines, son identité (la cité à l’architecture africaine).
Hermann n’a là aucun propos manichéen et nous propose des personnages enfermés dans leurs doutes, leurs certitudes, et dans leurs peurs. Il ne faut pas oublier que c’est une guerre raciale qui est à l’origine de la situation de la société où trainent Kurdy et Jeremiah.
S’il n’apporte pas de solution, Hermann nous dresse des personnages secondaires qui ont pour but de nous rappeler à notre réalité. En effet, notre société contemporaine n’est pas à l’abri, que l’on soit noir, blanc, jaune ou rouge, des haines qui brûlent chaque identité. Certes, Hermann ne nous dit pas qu’on est tous pareils, mais que nos différences ne doivent pas nous contraindre à ne pas vivre ensemble, et que des différences, il y en a même au sein de mêmes groupes se reconnaissant d’une même identité.
Cela dit, Afromerica est avant tout une BD d’aventure. Si l’auteur se défend de toute autre prétention, on peut y voir un prémisse aux BD plus “politiques” qu’il fera plus tard.
On ne peut enlever à Hermann que pour le coup, on a là une histoire bien ficelée, remplie de suspense et où la maîtrise narrative est encore une fois mise en valeur par la mise en scène exceptionnelle de son auteur.