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Windtalkers, les messagers du vent – John Woo

Windtalkers. 2002.

Origine : États-Unis
Genre : De guerre lasse
Réalisation : John Woo
Avec : Nicolas Cage, Adam Beach, Christian Slater, Roger Willie, Mark Ruffalo, Peter Stormare.

Durant la Deuxième guerre mondiale, le contre-espionnage japonais met régulièrement en échec les forces américaines en parvenant à déchiffrer leurs messages. Pour que cela cesse, l’armée américaine prend la décision d’utiliser désormais la langue Navajo afin d’assurer leurs communications. Ainsi, Joe Enders (Nicolas Cage) et Pete “Ox” Anderson (Christian Slater) se voient confier comme mission de veiller sur deux marines Navajos, avec pour ordre de les tuer si ceux-ci sont en passe d’être capturés par l’ennemi.

Avec Windtalkers, John Woo s’attaque pour la première fois de manière frontale au film de guerre (la guerre du Viet Nam ne servait que de toile de fond à Une Balle dans la tête). L’angle choisi, l’utilisation du langage Navajo pour les transmissions d’informations, apporte un éclairage nouveau sur un conflit dont on croit tout connaître. Lorsqu’il s’agit de se battre, les pays belligérants se rappellent subitement de leurs minorités, qu’ils envoient en priorité sur le front. Le fait de voir des Indiens participer à un conflit mondial au nom d’une patrie qui s’est évertuée à les exterminer puis à parquer les survivants dans des réserves, prend valeur de symbole. Pour les Indiens engagés, ce conflit représente avant tout un moyen de s’intégrer à une société qui les rejette. Windtalkers démontre qu’ils ont joué un rôle primordial lors de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi qu’ils n’ont jamais pu se départir de leur statut d’être inférieur. Sur le champ de bataille, lieu de chaos par excellence, ils ne bénéficient d’aucunes latitudes, dépendant constamment du soldat aguerri qu’on leur a adjoint. Ils sont littéralement chaperonnés par des soldats chevronnés, ces derniers étant désormais responsables de deux vie : la leur et celle des GIs Indiens. Il ne faut pas chercher plus loin ce qui a attiré John Woo dans ce projet. L’honneur, le respect, autant de thèmes qui parsèment toute l’oeuvre du cinéaste et qui transparaissent à nouveau ici.

L’intrigue de Windtalkers s’axe autour de la personnalité de Joe Enders, soldat de haute volée mais qui a vécu trop d’horreurs pour être encore parfaitement sain de corps et d’esprit. La mission qu’on lui attribue de veiller à la sécurité d’un messager Indien arrive au plus mauvais moment. Trop d’hommes sont morts sous son commandement, et il souhaite n’avoir plus qu’à s’occuper de lui-même. Peine perdue. Pourtant, il semble le plus indiqué pour cette mission puisque la principale difficulté pour Anderson et lui-même consiste à ne pas nouer de liens amicaux avec celui dont ils ont la garde, afin de ne pas hésiter, conformément à leurs ordres, à les tuer si le moment se présente. Yahzee (Adam Beach), l’homme dont il a la charge, est un brave gars qui tente désespérément de créer un lien avec lui, ignorant tout des consignes du haut commandement. John Woo ne nous épargne rien de la maladresse dont il fait preuve lors de ses timides tentatives d’approche. Mais rien ne parvient à éroder le mutisme de Enders. Il n’éprouve aucunes difficultés à respecter les consignes de sa mission tant il a l’air absent au milieu des autres marines. Il n’y a que sur le champ de bataille qu’il s’exprime, osant des actions insensées afin d’épargner le plus de marines possible.

En contrepoint, il y a l’association Anderson-Cheval Blanc (Roger Willie). Anderson n’est mû par aucune pulsion suicidaire et n’envisage nullement d’avoir à tuer son protégé. Avec ce dernier, il se montre ouvert et tolérant. Et allant à l’encontre des ordres qu’il a reçu, il s’autorise même à se lier d’amitié avec lui. Profitant du moindre instant d’accalmie entre deux assauts, les deux hommes s’accordent des parenthèses musicales, chacun jouant de son instrument de prédilection, en de brefs moments de communion interaciale. Une seconde alliance musicale qui n’a rien d’anodin, puisqu’elle se place en préambule d’une grande séquence d’action à l’issue dramatique. A l’aune de cette scène de calme avant la tempête, nous décryptons aisément les intentions de John Woo : susciter l’empathie du spectateur tout en amorçant l’imperceptible changement d’attitude de la figure centrale du film.

S’appuyant sur un sujet original et intéressant, John Woo n’a finalement abouti qu’à un film de guerre bien dans la tradition, dont le parcours de Joe Enders, le personnage central, nous apparaît des plus convenus. Toute l’intrigue s’apparente à une quête de rédemption, Yazhee représentant tous les soldats qu’il n’a pas pu sauver par le passé et qui le hantent sans cesse (à cette occasion, John Woo use de flashbacks sur signifiants). De ce point de vue là, le film perd tout effet de surprise, puisqu’il nous est facile d’en deviner la conclusion, ainsi que l’évolution des rapports entre Enders et Yazhee. C’est certes dommage, mais pas trop préjudiciable dans la mesure où John Woo orchestre le tout avec une grande efficacité et une énergie qui lui faisait défaut lors de ses précédents essais hollywoodiens (Hard target et Broken Arrow en premier lieu). Pour le grand film de guerre, on repassera, mais au sein de la carrière du cinéaste hong kongais, Windtalkers se révèle tout à fait honorable.

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